Comment je
vois le monde
Il était une fois
la Libye :
La faute de l'Occident, le devoir d'aide
de l'Algérie
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Samedi 30 novembre 2013
«Il
est de la responsabilité de l'Occident
de ´´nettoyer le désordre qu'il a mis´´
en Libye, où la rébellion a proclamé
révolue l'ère de Mouammar Kadhafi après
sa prise de contrôle de la majeure
partie de Tripoli», a estimé la presse
d'Etat chinoise. ´´Renverser le régime
de Kadhafi représente un spectacle pour
les médias, discuter de la
reconstruction ne l'est pas´´.»
Editorial
du quotidien chinois Global Times
rapporté par l'AFP le 23 08 2011
D'une façon prophétique, Mustafa Abdul
Jalil, l'ex-chef du CNT, a déclaré à al-Jazeera
que si les insurgés commettaient des
actes de vengeance, il démissionnerait.
«Il y a des groupes islamistes
extrémistes qui cherchent à créer des
turbulences dans la société libyenne. Je
ne serai pas fier d'être à la tête d'un
Conseil avec de tels rebelles.» C'était
il y a deux ans, quelques semaines avant
le lynchage d'El Gueddafi qui n'a pas
apporté le bonheur aux Libyens, c'est
plus que jamais le chaos.
Ce qui reste de la Libye: la
guerre de tous contre tous
La Libye heureuse a disparu! Dans une
analyse sans concession, un
éditorialiste de la Voix de la Russie
écrit: «La menace de famine, les
conflits intestins incessants, le
collapse de l'économie et la probabilité
de désintégration nationale sont les
réalités de la Libye d'aujourd'hui après
«la leçon de démocratie» donnée par la
coalition occidentale. Existe-t-il une
chance de remettre ce pays dans la voie
de la paix et qui doit être tenu pour
responsable des conséquences
désastreuses d'une révolution financée
de l'extérieur? Deux ans après la
«révolution libyenne», la situation dans
ce pays a atteint le point critique. Les
autorités actuelles et les leaders d'une
énième vague de protestations bloquent
les relations économiques élémentaires
du pays avec le monde extérieur dont
dépendent énormément de choses. Les uns
ne peuvent pas payer les importations de
denrées alimentaires parce que les
autres bloquent les exportations de
pétrole qui sont nécessaires comme
l'oxygène pour renflouer le budget. Par
ailleurs, la production de pétrole a
chuté de 10 fois par rapport à l'époque
«prérévolutionnaire» parce que le pays
est à nouveau en proie aux affrontements
armés entre les différentes fractions
rivales, ce qui bloque les autorités qui
le tentent d'enrôler des hommes armés
pour les intégrer aux forces de
sécurité» (1).
Pour l'éditorialiste russe: «Les pays
occidentaux sont responsables - y
compris financièrement - face au peuple
libyen: «Ils doivent assumer leur
responsabilité. Ils ont fait passer la
résolution les autorisant à prendre la
défense du peuple prétendument opprimé
par le régime de Kaddhafi. Ils ont porté
30.000 frappes aériennes contre la Libye
et ont réduit en ruine 11 villes de ce
pays. L'Occident avait promis 10
milliards de dollars pour les
reconstruire mais elles sont toujours en
ruine. Si les pays occidentaux voulaient
réellement instaurer la paix pour les
Libyens, ils devraient prendre des
mesures urgentes pour que la Libye reste
au moins un État fédéré au lieu de
partir en morceaux), explique-t-il.
C'est la menace d'une catastrophe
humanitaire d'envergure pour ce pays de
6 millions d'habitants dépourvu de
secteur agro-industriel digne de ce nom.
C'est ainsi que l'incertitude pèse
actuellement sur la livraison de 50 000
tonnes de blé, quantité qui suffit à
nourrir pendant plusieurs mois la
population de la seule capitale, mais
pas le reste du pays. Si l'ONU avait
rempli sa vocation elle aurait dû
accuser ceux qui ont poussé le pays à la
crise et leur faire payer les frais de
reconstruction de l'économie, de
l'éducation, de la santé publique et des
autres secteurs. Ceux qui ont ruiné le
pays doivent en assumer la
responsabilité. Après tout, cette
responsabilité avait été en son temps
imposée à l'Allemagne.» (1)
Mehdia Belkadi abonde dans le même sens
et écrit: «Instabilité politique,
insécurité alarmante, situation critique
des droits de l'homme, économie
désastreuse, embrasement dans la région
et risque de guerre civile féroce, le
constat est sans appel. Deux ans après
l'assassinat de l'ex-guide Mouamar Al
Khadafi, c'est le chaos! Terrorisme,
assassinats ciblés et violences
intertribales font l'actualité de la
Lybie post-Kadhafi où des manifestations
ont régulièrement lieu contre les
«nouvelles» autorités, de mouvance
islamiste, accusées de faire sombrer le
pays dans le chaos. L'on est loin de la
fameuse exclamation «La Libye est
libre!» faite par les opposants armés,
la «communauté internationale» et les
principaux médias internationaux le 23
octobre 2011. (...) »(2)
« Les milices, lourdement armées par
l'Otan, dont certaines ont depuis
bénéficié d'entraînement d'Al Qaîda,
font la loi empêchant l'édification d'un
Etat stable. Les ex-combattants étaient
invités à rejoindre les deux corps de
l'armée et de la police, mais les
milices se livrent désormais à une
bataille de leadership. Aussi, bien
qu'officiellement progouvernementales,
elles sont pourtant concurrentes de
l'armée officielle (...) Elles sont
accusées de graves entraves aux droits
de l'homme par différentes ONG,
rapportant de nombreux cas
d'enlèvements, de tortures et
d'assassinats extrajudiciaires. Il faut
dire que le 23 octobre 2011 avait
annoncé la couleur. N'est-ce pas en
procédant au lynchage et à l'exécution
sommaire de Kadhafi, de son fils
Moatassim et d'une soixantaine de ses
hommes (rapport HRW, octobre 2012) que
les rebelles ont «libéré» la Libye?» (2)
«Outre les violations des droits humains
poursuit la journalsite Mehdia Belkadi ,
les troupes rebelles ont mis la main sur
tous les trafics comme celui de la
drogue, des armes ou encore
l'immigration clandestine (..) La
flambée des violences a fait fuir la
plupart des diplomates et des compagnies
étrangères, retardant la reconstruction
de ce pays. Deux ans et 50.000 morts
après (Amnesty international, janvier
2012), l'Otan vient une nouvelle fois à
la «rescousse». L'organisation a décidé
lundi d'envoyer des conseillers en Libye
pour aider Tripoli à renforcer ses
institutions de défense. Pourtant, à
l'origine du chaos libyen suite au
détournement de la résolution de l'ONU,
l'on a du mal à croire à l'efficacité de
cette aide, bien que le Premier ministre
se veut optimiste, prédisant «un avenir
radieux», sans préciser s'il s'agissait
d'un avenir proche.» (2)
Disparition de la Libye en tant
qu’Etat
Pour Mohammed Larbi: «La Libye a
toujours été un immense dépôt d'armes
qui fait, cette fois, le bonheur des
milices après avoir fait celui des
marchands de canons, ou des autres
milices ailleurs dans la région sinon
plus loin. (...) Les milices
seraient-elles plus fortes au point
d'imposer leur ordre, comme cela est
apparu quand elles sont venues de
Misrata pour réprimer une manifestation
pour plus de sécurité? Cela s'est passé
le 15 novembre et cette action a fait 46
tués et plus de 500 blessés. Une
véritable démonstration de force face à
une armée nationale demeurée faible
(...). C'est dans un tel contexte que le
gouvernement libyen tentait de rassurer
les habitants de Benghazi en appelant au
calme après de violents affrontements
entre l'armée et le groupe djihadiste
Ansar Al Charia.» (3)
On apprend que suite aux affrontements,
le secrétaire d'Etat américain John
Kerry indique que les Etats-Unis
condamnent l'usage de la violence.
Curieusement, la France ne dit rien. BHL
occupé à attiser un autre feu ne
s'intéresse plus à la Libye. On dit que
la résolution scélérate votée en mars
2011 et interprétée dans son sens
tragique a été le fait de la France, il
est indéniable que les fondements sont
plus profonds. C'est à n'en point douter
BHL le vrai ministre des Affaires
étrangères qui fut le moteur de la
curée.
Sous la plume du journaliste palestinien
Ramzy Baroud, nous lisons un portrait
assez complet de Bernard-Henry Levy son
«deux poids, deux mesures» sa
sacralisation d'Israël et sa haine de
l'Islam: «Lévy, qui apparaissait parfois
comme le défenseur le plus en vue d'une
guerre contre la Libye, a largement
disparu des feux de la rampe dans le
contexte libyen. (...) Proclamer qu'au
mieux, Lévy est un imposteur
intellectuel, c'est rater la logique
claire qui semble unifier toutes les
activités de cet homme, travail et
écrits. Il semble obsédé à «libérer» les
musulmans, de la Bosnie au Pakistan, de
Libye et d'ailleurs (...) Tout au long
de sa carrière difficile à cerner, Lévy
a fait beaucoup de mal, quelquefois en
servant de laquais aux hommes de
pouvoir, d'autres fois en menant ses
propres croisades. Il est un grand
partisan de l'intervention militaire, et
son profil est semé de références à des
pays musulmans et à des interventions
militaires, de l'Afghanistan au Soudan
et finalement à la Libye.» (4)
«Dans le New York magazine du 26
décembre 2011, poursuit Ramzy Baroud
Benjamin Wallace-Wells parlait du
«philosophe» français comme d'un
´´Messie qui ne craint pas de promouvoir
la violence pour le plus grand bien de
l'humanité´´. Dans l'article ´´European
Superhero Quashes Libyan Dictator´´,
Wallace-Wells écrivait sur «le
philosophe [qui] a réussi à pousser le
monde à écraser un vilain méchant». Le
méchant en question est bien sûr
Mouammar Kadhafi, le dirigeant libyen
qui fut renversé et massacré après qu'il
aurait été sodomisé par des rebelles
lors de sa capture en octobre 2011.
(...) En mars 2011, Lévy a pris sur lui
de s'envoler pour Benghazi pour
«recruter» des insurgés libyens. Ce fut
un moment décisif, puisque c'est ce type
de médiation qui permit à des groupes
armés de transformer un soulèvement
régional en une guerre totale impliquant
l'Otan. (..)»(4)
«Des massacres, il y en eut en effet,
mais pas dans le sens suggéré par les
«interventionnistes humanitaires»
occidentaux. Le dernier en date a eu
lieu il y a quelques jours, vendredi 15
novembre à Tripoli - 43 personnes
auraient été tuées et 235 blessées quand
des miliciens ont attaqué des
manifestants pacifiques qui exigeaient
simplement que le militants de Misrata
quittent leur ville. S'agissant de la
personnalité de BHL, Ramzi Baroud, nous
dit que: «La droite israélienne est
fascinée par B.-H. Lévy. Dans le
Jerusalem Post, la célébration de son
influence globale culmine avec la
citation suivante: «Un philosophe
français et un des leaders du mouvement
des Nouveaux Philosophes qui disait que
les juifs ont vocation à fournir une
voix morale unique dans le monde.» Mais
la moralité n'a rien à voir là-dedans.
Les exploits philosophiques de notre
homme semblent viser exclusivement les
musulmans et leurs cultures. Une semaine
après que le Jerusalem Post eut célébré
l'influence morale de Lévy dans le
monde, le quotidien Haaretz décrivait
son soutien à l'armée israélienne en
titrant le 30 mai 2010: «Bernard-Henri
Lévy: Je n'ai jamais vu une armée aussi
démocratique que les FDI.»(4)
B.H.L.: le représentant
autoproclamé de la tribu d'Israël
Hichem Hamza nous décortique la
mécanique de BHL avec un sacerdoce
immuable, la défense du sionisme et
d'Israël: «Double allégeance.
Réalisateur d'un film consacré à son
engagement dans le conflit libyen,
Bernard-Henri Lévy a toujours affirmé
que son combat s'inscrivait dans une
démarche universaliste en faveur des
droits de l'homme. Oumma a exhumé des
documents suggérant le contraire. L'aveu
s'est tenu le 17 novembre dernier au
micro de RCJ. Invité par la Radio de la
Communauté Juive pour promouvoir son
«journal de guerre» en Libye, l'écrivain
Bernard-Henri Lévy a fait son coming out
communautaire, reconnaissant, avec une
emphase inédite, s'être engagé contre le
colonel Kadhafi en raison, notamment de
son appartenance religieuse. Oumma a
repéré et mis en ligne l'extrait
stupéfiant de cet entretien réalisé par
RCJ ». (5)
« Curieusement, la scène décrite ici par
BHL ne figure pas dans son film intitulé
Le serment de Tobrouk. Si l'on peut
effectivement y apercevoir BHL se vanter
auprès des émissaires des clans libyens
d'appartenir lui-même à une«ancienne
tribu», à nul moment le voit-on déclamer
sa «filiation» envers Israël devant la
foule de jeunes gens rassemblés en avril
2011 à Benghazi. Trois jours après cette
interview, BHL a participé à la
convention nationale du Conseil
représentatif des institutions juives de
France. Lors de son discours, l'homme a
complété sa confession -passée alors
inaperçue- de RCJ en affirmant s'être
engagé avec, «en étendard», sa «fidélité
au sionisme et à Israël», ajoutant que
c'était «en tant que juif» qu'il avait
«participé à cette aventure politique,
contribué à élaborer pour mon pays et
pour un autre une stratégie et des
tactiques». Cette «double allégeance»
est assumée.(5)
Pour autant, BHL doit rendre compte à la
Communauté des Hommes? Pour Karim Bouali
les conséquences de l'ingérence
occidentale en Libye, déclenchée par
l'activisme irresponsable de
Bernard-Henry Lévy, dépassent les
frontières de ce pays et touchent toute
la région. (...) La dernière fois que
cet individu a refait surface, c'était
pour tenter de peser sur la décision des
puissances occidentales, Etats-Unis et
France principalement, qui hésitaient à
entrer en guerre contre la Syrie. Il ne
faut pas attendre de ces puissances
qu'elles actionnent la CPI pour le jeter
en prison et le juger pour crime contre
l'humanité.» (6)
Conclusion provisoire sur le drame
libyen
Dans une interview au Temps d'Algérie
quelques semaines après la libération de
la Libye,et le lynchage de El Gueddafi,
j'avais déclaré que le grand mérite de
celui-ci, quand bien même c'était un
tyran, c'est qu'il a su préserver les
équilibres entre les tribus. D'une
certaine façon, les équilibres
sociologiques ont pu être protégés. Il
ne faut jamais oublier aussi que la
Libye a le 1er PIB après l'Afrique du
Sud. C'est-à-dire que les Libyens
vivaient bien. La Libye, petit pays de 6
millions d'habitants, dispose de 46
milliards de barils dont 35% d'après les
Français leur reviennent (16 milliards).
Pour les Occidentaux, c'est une
bénédiction. A partir de maintenant,
pour le nouvel ordre qui va se mettre en
place, les réserves pétrolières des pays
arabes sont désormais hypothétiques.
Elles appartiendront tôt ou tard au
monde occidental, Les 480 milliards de
dollars de réserves de change vont être
utilisés par ceux qui ont détruit la
Libye pour reconstruire ce pays. Mais la
Libye, ce ne sont pas simplement des
bâtiments, des routes, des usines, c'est
une civilisation qui vient d'être
démolie. (...) Ce qui arrive en Libye
risque malheureusement d'arriver dans
les autres pays, et l'Algérie n'est pas
à l'abri.» (7)
Ce qui intéresse encore une fois
l'Occident, ce ne sont pas les droits de
l'homme, mais les richesses des pays
faibles. Pour autant, l'Algérie ne doit
pas rester les bras croisés en face du
chaos libyen, c'est tout de même un pays
maghrébin qui partage avec nous une
histoire, une culture, une langue, un
espace, voire une religion. Aucune
déclaration dans le dernier 5+5
concernant la Libye, on parle de
sécurité alimentaire alors qu'un pays
risque la famine. Notre compétence
diplomatique africaine devrait en toute
logique et humanité nous amener à nous
«ingérer» en apportant notre part
d'empathie envers ce pays, en le mettant
en garde contre l'émiettement.
La sécurité de la Libye, c'est notre
sécurité. Rappelons-nous: El Gueddafi
nous avait aidés dans la difficile
gestion de l'après 24-février 1971. Nous
avions subi un embargo de la part des
compagnies pétrolières Qu'attendons-nous
pour porter aide et assistance à ce pays
qui est frère en humanité?
1.
http://french.ruvr.ru/2013_11_09/La-Libye-en-tourmente-0573/
2. Mehdia Belkadi
http://www.reporters.dz/ index.php++cs_INTERRO++option
=com_content ++cs_AMP++amp;view=article&...
3. Mohammed Larbihttp://www.elwatan.com/
international/repere-desordre-libyen-27-11-2013-236519_112.php
4. R. Baroud
http://www.legrandsoir.info/bernard-henri-levy-et-la-destruction-de-la-libye.html
5. H.Hamza http://oumma.com/12986/bernard-henri-levy-representant-tribu-israel
2 06 2012
6. http://www.algeriepatriotique.com/
content/levy-la-cpi
7. Chems Eddine Chitour: Interview au Le
Temps d'Algérie par Saïd Mekla 06 - 09 -
2011
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
Le
dossier Libye
Les dernières mises à jour
|