Algérie en phase
avec le mouvement du monde
Qu'est-ce qu'être Algérien au XXIe
siècle ? :
Eloge du vivre ensemble
Chems Eddine Chitour
© Chems
Eddine Chitour
Jeudi 11 janvier 2018
«Tamazight est également langue
nationale et officielle. L'Etat oeuvre à
sa promotion et à son développement dans
toutes ses variétés linguistiques en
usage sur le territoire national. Il est
créé une Académie algérienne de la
langue amazighe, placée auprès du
président de la République.»
Art. 4.3 de la Constitution
Le
mois de décembre a vu une colère
légitime d'étudiants et de lycéens qui
s'inquiétaient de la lenteur et des
faibles moyens mis en oeuvre comme prévu
dans la Constitution. Même si la
ministre de l'Education nationale
affirme que le nombre d'élèves qui
étudient la langue amazighe a atteint
durant l'année 2017-2018, près de
350.000 élèves au niveau de 38 wilayas
du pays encadrés par 2757 enseignants.
Cela représente moins de 5 % du nombre
total d’élèves !
Encore une fois,
il est anormal que cette deuxième langue
nationale ne bénéficie pas de la même
sollicitude que l'arabe car ouvrir les
classes à la demande est
profondément injuste car le résultat est
connu! Du fait que les fondements de
cette requête somme toute importante
n’est pas bien explicitée à celle et à
ceux qui auront à l’appliquer Il n’y
aura pas de demande !
Cet article 4.3 de
la Constitution s'il avait été appliqué
sans arrière-pensée, n'aurait pas donné
lieu à ces bouffées de protestation. Par
méconnaissance, par calcul, par rejet ,
il est pratiquement sûr que la langue
amazighe ne sera pas répandue à travers
le territoire national.
Si c'est une langue
nationale elle devrait avoir les mêmes
chances d'épanouissement. De quoi
s'agit-il en fait? d'une coexistence
apaisée de deux langues dans leurs
dimensions séculières et séculaires,
constitutives de l'âme algérienne. La
visibilité pour la langue amazighe
devrait être revendiquée par tous les
Algériens sans exclusive et non pas par
une région ce qui n'excluent pas, on
l'aura compris, les manipulations en
tout genre. Ce genre de débat sur
l'identité ne devrait pas créer
d'aspérités favorables à des
revendications politiques qui n'ont rien
à voir avec la nécessité d'un vivre
ensemble à l'ombre des lois de la
République.
Il a fallu attendre
la fin décembre pour que, contre toute
attente, tellement l'impasse semblait
être totale, le président de la
République décide enfin de faire
appliquer l'esprit et à la lettre, en
répondant à une revendication
symbolique, celle de déclarer
Yennayer jour férié et chômé à
l'instar de Aouel Mouharrem
consacrant ainsi un repère identitaire
majeur fond rocheux des Algériens depuis
près de 3000 ans. Tous les combats
d'arrière-garde actuels montrent que le
problème du vivre ensemble reste entier
et la guerre de tranchées par
télévisions interposées voire même des
prêches incendiaires où on présente cet
« acquis » comme une atteinte à la
religion et la langue arabe du fait
que c’est aussi une langue
liturgique.
Cette
reconnaissance d’une richesse sur
l’incompréhensible déni est une
victoire de tous les Algériens et l'on
constate que par petites touches le
pouvoir lâche du lest alors que la
Constitution consacre cela. Cependant,
il nous faut raison garder, nous devons
pas tomber dans l’excès contraire, la
langue amazighe ne devrait pas être
instrumentalisée car trop de
« sollicitude » tue la langue qui se
doit d’être sereine pour ne pas
connaître le triste sort qui est fait à
l'Académie de langue arabe, sorte de
coquille vide stérile, il ne faut pas de
mon point de vue faire dans
l'amateurisme, voire le militantisme,
c'est seulement d'une façon scientifique
que l'Algérie contribuera à l'émergence
d'une deuxième langue opérationnelle.
Eloge de la langue arabe
Nous devons être
lucides Même sirènes mal
intentionnées susurrent que c'est au
détriment de la langue du Coran, que
l'Algérie risque de perdre sa dimension
arabe que nous revendiquons aussi depuis
plus de quatorze siècles ! L'émergence
de la langue amazighe alma-mater depuis
près de trente siècles des Algériens,
n'est pas circonscrites à quelques
régions mais ce sont toutes les
provinces du pays qui à des
degrés divers peuvent s’en revendiquer.
Cependant les
Algériens qui aiment aussi la langue
arabe sans en faire un fond de
commerce se doivent de
défendre d'une façon séculière la
langue arabe pour ce qu'elle est: une
belle langue qui a connu son heure de
gloire universelle quand elle était la
langue scientifique pendant quelques
siècles. On dit que les Arabes sont un
ancien peuple sémitique. Beaucoup
d'entre nous dans leur jeunesse ont
vibré aux rapsodies et autres «mou'allaquate»
«sorte de poèmes accrochés», où les
joutes oratoires se faisaient à Oukadh.
On rapporte que Samaouel, auteur juif
antéislamique, auteur de la célèbre «lamiatou
Samaouel» n'a pas voulu dévoiler un
secret que lui avait confié Antar Ibn
Cheddad mettant en péril de ce fait, la
vie de son fils.. Depuis, l'expression «aoufa
min Samaouel» «Plus fidèle - au
serment- que Samaouel -» a traversé les
siècles.
Par la symbiose
permise par le Coran, les Arabes
réussirent à fédérer à l'ombre de
l'islam tous les savants qu'ils soient
maghrébins amazigh, perses, kurdes,
arabes chrétiens, juifs. Le déni
d'apport à la civilisation universelle
de l'islam. C'est tout naturellement que
les savants de l'époque, juifs,
chrétiens assyriens, perses, se sont mis
à l'arabe langue plus fluide. Quand
Maimonide écrivit «Dalil el Haïrine»
«le Livre des égarés», son ouvrage
majeur qui est encore une référence dans
le monde juif, il le fit en arabe au
lieu de l'hébreu. le vrai miracle de la
langue arabe est qu'elle a été la
langua franca pendant des siècles.
Enfin, dans le
Nouveau Testament, les dernières
paroles du Christ ont été laissées en
araméen à laquelle l'arabe se rattache
tout comme l'hébreu. A leur lecture: «Ya
ilahi, Ya ilahi, Lima sabactani?» «O mon
Dieu, O mon Dieu, Pourquoi m'as tu
laissé tomber?» que les Chrétiens
occidentaux ânonnent pieusement sans
savoir, un locuteur arabe les comprend
parfaitement: «Mon Dieu pourquoi as-tu
pris de l'avance sur moi,- tu m'as
abandonné?»...
L'illustre savant
Jacques Berque explique dans un
délicieux petit ouvrage: « Les Arabes
et nous » que «la fonction de la
langue pour les Arabes est différente,
supérieure à celle qu'elle remplit pour
les Occidentaux. Il donne un exemple:
ainsi, en arabe, les mots se rapportant
à l'écrit dérivent tous de la racine
k.t.b.: maktûb, maktab, maktaba, kâtib,
kitâb. En français, ces mêmes mots
sont: écrit, bureau, bibliothèque,
secrétaire, livre. Les mots français
sont tous les cinq arbitraires, mais les
mots arabes sont, eux, «soudés par une
transparente logique à une racine qui
seule est arbitraire». «Alors que les
langues européennes solidifient le mot,
le figent, en quelque sorte, dans un
rapport précis avec la chose, le mot
arabe reste cramponné à ses origines. Il
tire substance de ses quartiers de
noblesse.» (1)
Cependant, une
langue ne s'impose pas quand elle n'est
pas adossée à une production
intellectuelle. Dans ce XXIe siècle de
tous les dangers, s'il faut vibrer à la
belle poésie arabe, s’in nous faut la
maitriser , force est de constater
cependant que ce n'est plus une langue
scientifique et il est plus que temps de
s'arrimer à une langue scientifique,
la vulgate planétaire qu'est
l'anglais- voire le chinois, pour
reprendre le bon mot de Pierre Bourdieu.
Car la langue française –langue du
pain- pendant la colonisation par
laquelle il fallait passer pour
s’infiltrer à travers les interstices de
tolérance du pouvoir colonial et aller
vers le savoir , n’est plus présentement
celle de la science et de la technique.
Après l’indépendance elle a joué
les diviseurs entre les Algériens entre
ceux qui s’en revendiquent exclusivement
et les autres Algériens qui regardent
vers le Moyen Orient.
L'imposition
d'un statu quo ante à l’indépendance
On peut se demander
à juste titre pourquoi ce problème
linguistique n'a pas été abordé
sereinement à l'indépendance, la
sociologue Leila Benhadjoudja écrit à ce
propos «(...) La volonté de l'État de
construire une «algérianité»
arabo-musulmane se justifiait en
réaction à l'héritage colonial français.
Cependant, le déni de la diversité
linguistique et culturelle de l'Algérie
représente également une continuité de
la dynamique coloniale. (...) Les
Français employaient le terme
«musulmans» pour désigner les Algériens
colonisés. Ce terme au-delà de la
connotation religieuse, avait d'abord un
sens politique. (....) Cependant, bien
que le régime de l'indigénat concernait
tous les musulmans, l'État colonial
français a tout de même favorisé un
groupe et a contribué à la construction
des oppositions entre les identités
«arabe» et «kabyle»». (...) Après cent
trente-deux ans de colonisation,
l'Algérie devient indépendante en 1962
et adopte une stratégie politique basée
sur un concept clé: l'unicité. Une
langue: l'arabe; une religion l'islam;
un parti: le Front de libération
nationale (FLN). Cette unicité se
voulait un pilier pour la construction
d'un État fort dirigé par un parti
unique censé représenter tous les
Algériens. Les contestations, qu'elles
aient été politiques ou identitaires,
comme le cas du mouvement berbère,
étaient systématiquement marginalisées
et réprimandées.» (2)
Souvenons-nous à
l'indépendance le président Ben Bella
était pris d'une véritable crise ne
martelant d'une façon compulsive: «Nous
sommes arabes! Nous sommes arabes! Nous
sommes arabes!!» Comment brièvement
recenser les parties berbérophones et
arabophones du pays au-delà de l'étude
du génome? Pour qui il n’y a pas au
Maghreb de « pureté » à 100 % , à
l’image du délire des rois catholiques
espagnols qui avaient inventé la « limpieza
de sangre » « la pureté du sang » pour
séparer les berbères arabisés d’ Espagne
qui étaient là depuis huit siècles des
espagnols de souche !!
Justement, la
sociologue Leila Benhadjoudja décrit
cette époque. Elle écrit: «En 1963, sous
l'autorité du premier président algérien
Ahmed Ben Bella, un processus important
a été lancé par le gouvernement se
traduisant dans un mouvement
nationaliste arabisant et islamisant.
(...) Depuis l'indépendance, l'État
algérien a fabriqué une identité
officielle et a utilisé l'arabité et
l'islam comme des instruments de
contrôle. Par ses politiques
linguistiques, l'État a limité les
espaces de liberté, et par le fait même
l'identité berbère. De plus, l'arabité
préconisée était aussi une arabité
importée qui brimait l'identité de tous
les Algériens.. (...) C'est dire que
l'État, par sa politique d'arabisation,
a non seulement étouffé la langue
berbère, mais aussi la langue parlée par
la grande majorité de la population.
(...) L'État algérien se conçoit encore
comme un État-nation homogène ne
laissant place qu'à une seule conception
ethnique et politique de l'algérianité,
ne reconnaissant ainsi l'existence
d'aucune minorité et d'aucun peuple. En
voulant se rapprocher des peuples du
Machrek, l'État a nié l'existence des
peuples de son territoire.» (2)
S’agissant des
parlers pour la sociologue Leila
Benhadjoudja: «La grande famille des
Berbères est large et se divise en
plusieurs sous-groupes dont les plus
connus sont les Chaouïas, Cheluhs, les
Kabyles, les Rifains, les Touareg, les
Mzabs, les Zenagas, etc (...) Cependant,
malgré la distinction ethnique entre
Arabe et Berbère, certains penseurs
restent sceptiques face à cette
distinction tant les peuples de ces
régions sont liés par leur histoire et
tant le métissage a été important. Salem
Chaker préfère parler de berbérophones
(dont la langue est le tamazight) et
d'arabophones car selon lui, tous les
habitants de l'Afrique du Nord sont des
Berbères Dans le cas de l'Algérie,
Chaker estime ce pourcentage à 25% de
berbérophones .» (2)
Les conséquences
de ce déni d'identité : L’implosion
Quand des
politiciens qui ne savent pas de quoi
ils parlent, affirment sans retenue
qu'il y a un problème kabyle et que le
pouvoir colonial a perduré par cette
cinquième colonne après l'indépendance.
Qu'il y ait des nostalgiques du bon
temps des colonies plus
communément appelé par l’autre
partie « hizb França », «
le parti de la France » sorte de
cinquième colonne, cheval de Troie ,
version algérienne de la Françafrique
locale c'est un fait et c’est de bonne
guerre de la part de la France. Mais
sont-ils seulement à recenser chez les
Algériens de Kabylie et pas aussi
ailleurs ce que les autres les
« islamo-baasistes » un amalgame à la
fois de l’Islam et d’un Baas
irako-syrien : « Hizb al-Ishtiraki
al-Ba'ath al-Arabi », « Le Parti
de la résurrection arabe et socialiste
prônant le panarabisme profondément
laïc qui a été fondé par Michel
Aflak homme
politique syrien ?
De ce fait, l’errance identitaire a
amené à l’ostracisation de régions
berbérophones et la langue
amazighe a trop souffert des
atermoiements des uns et des autres pour
ses stratégies obscures.
On comprend dans
ces conditions que ces braises qui
couvent peuvent mettre le feu à tout
moment et faire d'une revendication
d'expression, somme toute légitime, un
incendie qui risque d'emporter le pays
dans un contexte de plus en plus
critique. On comprend aussi
l'étouffement d'une région, mais ce
n'est pas pour autant qu'il faille
parler de sécession et de dire que la
guerre d'épouvante menée en Kabylie
était un malentendu comme cela a
été fait dans une communication à
l'Assemblée française (3).
Il y a me
semble-t-il des fils rouges à ne pas
dépasser, ceux d'un vivre ensemble et
d'une appartenance de chaque région du
pays à tous les Algériens sans
indifférenciation. Dans cet ordre
justement de fils rouges dépassés, la
lettre de l'universitaire Salah
Guemriche à Ferhat Mehenni mérite d'être
citée même en substance: « Cher Ferhat,
la Kabylie, j’y possède un empan (´chber
), même symbolique, comme tu en as un du
côté de chez moi, dans l’Est algérien.
Tu as donc franchi le pas, un pas
d´aventurier de l’arche perdue , en
créant le Mouvement pour l’autonomie
de la Kabylie (MAK), J’ai toujours
fait mienne la cause berbère, non point
comme militant, mais comme citoyen
algérien non berbérophone, pour qui la
reconnaissance de l’antériorité de
l’identité berbère est une nécessité
ontologique et l’officialisation de la
langue amazighe un facteur
d’épanouissement de l’être algérien et
non pas un facteur de division » (4).
C'est faire injure à tous les combats
que les Algériens ont mené pour la
dignité et la liberté. Quand Lalla Ftama
Nsoumer nous interpelle avec son cri de
ralliement « Annif aithmathane ».
« L'honneur mes frères », ce n'était pas
un malentendu, mais une profonde
conviction qu'il fallait se battre et ne
rien attendre d'un pouvoir colonial imbu
de défendre la race des élus.
Ce qui risque de nous arriver
Pour nous, nous sommes convaincus que
ce qui est donc en jeu ce n'est pas la
langue arabe qui consubstantielle de
notre identité, mais la place de
l'amazighité dans le récit national. A
doses homéopathiques le pouvoir lâche du
lest en fonction des rapports de force.
Nous sommes tous autant que nous sommes
pour l'épanouissement de la langue arabe
dans l'absolu. Cependant, faut-il pour
autant un comportement ostracisant
concernant la langue amazighe dans sa
diversité qui était là 18 siècles avant
la venue des Arabes! La langue amazighe
devrait être un enrichissement
revendiqué par toutes les Algériennes et
Algériens quelles que soient leur
latitude et non par une appartenance
régionale.
Plaidoyer pour
l'utilisation du tamazight
Pour témoigner
justement de la présence des parlers
berbères dans l'histoire de l'Algérie
depuis près de trente siècles, nous
allons rapporter le témoignage, celui du
regretté professeur Mostefa Lacheraf qui
parle avec autorité et respect du
gisement ancien en langue amazighe: «Des
noms et des lieux: revenons-y alors que
l'ignorance chez nous bat son plein au
sujet de ce pays, de ses noms et pas
seulement au niveau d'un état civil
désastreux, mais aussi à travers le
choix des parents saisis par des
mimétismes orientaux, occidentaux et
rarement maghrébins. Noms berbères
anciens et berbères punicisés par
l'attrait culturel de Carthage. Noms
berbères arabes berbérisés ou greffés
d'amazigh.(...) Mais l'un des prénoms,
les plus significatifs de l'osmose qui a
opéré au plan sémantique des usages et
d'une certaine propriété des termes
entre le berbère et l'arabe dialectal au
point de constituer des algérianismes
est certainement le «décalque» à propos
d'un nom célèbre, rencontré dans l'une
ou l'autre des langues...(5)
« (...) Dans l'épigraphie nord-africaine
à laquelle se réfère Gustave Mercier à
propos de ce qu'il appelait en 1924 «La
langue libyenne (c'est-à-dire le
tamazight) et la toponymie antique de
l'Afrique du Nord», des noms propres
d'hommes et de femmes surgissent et
parmi eux, il en est de moins
reconnaissables comme ce Tascure,
découvert gravé en latin et dont les
doublets linguistiques actuels sont
Tassekkurt et Sekkoura signifiant
«perdrix» en kabyle». «Les topiques ou
toponymes et lieudits à travers toute
l'Afrique du Nord constituent, quant à
eux, un véritable festival de la langue
berbère, et l'on bute sur ses noms
devenus familiers aux vieilles
générations d'Algériens connaissant leur
pays dans les moindres recoins du
sous-continent maghrébin avec ses
montagnes, ses coteaux, ses cols,
défilés et autres. (...) Bref, un
inventaire grandiose ou infinitésimal,
un espace géographique modelé par les
millénaires et s'exprimant en tamazight,
la nature et les hommes confondus!» (5)
On sait que Mostefa
Lacheraf est de ceux qui rejette toute
chapelle, voire tutelle aussi bien
française qu’il a combattu- et avec
quelle élégance ! à la fois par le
combat révolutionnaire, puisqu’il était
dans l’avion piraté par le pouvoir
colonial mais aussi par ses écrits
écclectiques- que moyen-orientale au
profit de notre génie propre, notre
vécu: «Ne serait- ce que pour cela (qui
est déjà énorme), cette langue devrait
être enseignée à tous les enfants
algériens afin de leur permettre de
redécouvrir leur pays dans le détail et
non par le biais de l'abstraction
idéologique imposée au nom de la
qawmiyya baâtiste et faisant de
l'école une institution étrangère, sinon
à notre identité proclamée en surface du
moins, à notre être national véridique,
fruit intime de la géographie et de
l'histoire toutes deux conçues
charnellement à partir du terrain et
assumées comme telles sans détour ni
mensonge. Et il y en a qui veulent nous
ajouter d'autres tutelles sous formes
d'influences inesthétiques et d'autres
n'ayant rien de maghrébin, parfois
manifestement anti-algériennes,
oublieuses de nos épreuves, de nos
acquis, de notre culture écrite et
populaire de double expression berbère
et arabe!»(5)
Toujours dans cette
quête oecuménique qui ne fait pas dans
l'exclusion j'apporte à la connaissance
du patrimoine de notre pays l'étude de
l'ethnologue Ali Farid Belkadi pour qui
il y avait bien une culture berbère plus
de neuf siècles avant J.-C., en tout cas
antérieure à la venue des Phéniciens.
«Selon nous, écrit-il, la plus ancienne
trace parlée de la langue berbère
remonte au VIIIe siècle avant J.-C. Elle
figure dans le sobriquet Dido, qui fut
attribué à la reine phénicienne Elissa
par les anciens Berbères de la côte
tunisienne. Ce surnom, Dido, qui sera
transcrit par la suite Didon, replacé
dans le cadre du système
morpho-syntaxique berbère, est un dérivé
nominal de sa racine Ddu, qui signifie:
«marcher», «cheminer», «flâner»,
«errer». Il indique dans les parlers
berbères de nos jours, la
«pérégrination», synonyme de voyage, et
de périple. En conséquence, la plus
ancienne trace de la langue des Berbères
remonte à l'arrivée de cette reine sur
le rivage tunisien. Ce pseudonyme ne
figure pas dans l'anthroponymie et
l'épigraphie funéraire des Puniques.
Certainement parce qu'il était jugé
dévalorisant. Le sens Tin Ed Yeddun
«l'errante», «celle qui erre», et ses
passim «vadrouiller», «vagabonder»,
Eddu appliqué à cette reine ne
convenant pas à la société punique». Le
professeur Belkadi nous apprend aussi
que le youyou berbère (toualouile)
n'est pas de création récente ou une
tradition importée, ce «fait culturel
typiquement berbère» a été rapporté sous
le nom de «ologougmos» par
Eschyle et Hérédote qui vécurent,
faut-il le rappeler au sixième et au
cinquième siècle avant Jésus-Christ
(-526) et (-482)». (6)
Les architectes du chaos
mondial
On sait que tous
les pays sont à des degrés divers
vulnérables . Plus que jamais nous
sommes victimes du Rapport Lugano conçu
par l'Empire et dont le message global
est celui de provoquer l'errance
identitaire qui touche à des degrés
divers tous les pays et d'une façon
dangereuse les pays vulnérables. Les
convulsions actuelles des pays arabes
sont dues à plusieurs facteurs dont les
principaux qui sont
l'instrumentalisation de la religion à
la fois par les pouvoirs en place, mais
aussi par les interférences externes
dans le combat de titans qui oppose
actuellement deux visions du monde: un
monde ancien, celui de l'hyperpuissance
de l'Empire américain avec ses vassaux
anglais et français toujours à la
manoeuvre, comme nous l'avons vu avec
l'Afghanistan, l'Irak, la Libye, la
Syrie et même le Yémen dernier candidat
à la destruction de sa culture. En face
le nouveau monde multipolaire empêché
d'apparaître. Quand on sait que tout est
fait pour attiser les tensions
religieuses et «ethniques».
Ce cri du coeur du
physicien Ahmed Bensaâda résume plus que
1000 discours l'état des Arabes: «Depuis
un quart de siècle, le monde arabe vit
au rythme des coalitions. (..)De
coalition en coalition, ce monde n'a
connu que les massacres, les viols, les
exodes et les ruines. De coalition en
coalition, le sang de centaines de
milliers d'Arabes a coulé, abreuvant non
seulement la haine des Arabes entre eux,
mais aussi entre les Arabes et les
Occidentaux. De coalition en coalition,
poursuit l'auteur, on a réussi à offrir
au monde arabe une saison nouvelle. Bien
au contraire, jamais saison n'a été
aussi funeste: 1,4 million de victimes
(morts et blessés), 833 milliards de
dollars de pertes et un nombre
astronomique de séquelles à tout jamais
gravées dans les corps, dans les esprits
et dans les idéaux. (...). Au temps béni
des coalitions, le monde arabe n'en
finit plus de saigner, n'en finit plus
de pleurer, n'en finit plus de
péricliter...» (7)
Par ailleurs,
chacun de nous a en tête les convulsions
actuelles en Espagne du fait du déni du
pouvoir central de toute identité
catalane , ce qui a amené à ce que
les Catalans déclarent unilatéralement
leur indépendance par référendum ! La
crise n’est pas prêt d’être
résorbée. En France le jacobinisme qui
étouffer les particularités connait
aussi des perturbations, notamment
en Corse où la liste des
indépendantistes est en train
inexorablement de revendiquer une
autonomie.
Voulons-nous finir
comme ces pays qui n’ont pas pris les
mesures adéquates pour permettre
l’expression des identités régionales?
De plus comme tous les pays faibles
nous ne sommes pas à l'abri de
perturbations allogènes. Même un grand
pays comme l'Iran est en train de
connaître des problèmes et pour les
spécialistes des «printemps» tout est
bon pour créer le chaos. Nous devons
tout faire pour favoriser le
vivre-ensemble par le brassage qui
permettra aux Algériennes et aux
Algériens de se connaître et de
s'estimer et de se sentir solidaires
envers le pays et envers l'Histoire. Les
opportunités suivantes peuvent être
mises en oeuvre.
La nécessaire
union autour d'un projet de société
Nous ne nous sommes
jamais posés la question de savoir ce
que nous sommes réellement. Sommes-nous
algériens par la naissance, par la
religion, par l'ethnie ou par la
présence lointaine dans le pays? Toutes
ces questions attendent d'être résolues.
Sommes-nous une nation? Nous sommes en
2017, il y a encore des Algériens qui
s'identifient à leurs quartiers ,
leurs tribus, leurs régions, , mais
jamais à l’Algérie plurielle en tant
qu'Algériens. La grande erreur est
d'avoir reproduit l'Etat à l'échelle de
la wilaya. Un jeune naît, va à l'école,
au lycée dans sa ville, dans son
université, dans sa wilaya où toutes les
spécialités existent même si les
compétences ne suivent pas! Il ne
connaît pratiquement rien du reste du
pays. C'est sa tribu qui l'intéresse et
au mieux sa wilaya.
Comment alors
conjurer les démons de la division et
aller vers le vivre-ensemble?
L'historien Ernest Renan formule l'idée
qu'une nation repose à la fois sur un
héritage passé qu'il s'agit d'honorer,
et sur la volonté présente de le
perpétuer. L'avènement d'une nation
passe par une Histoire assumée par tous.
Et pour le paraphraser «le vivre
ensemble à l'ombre des lois de la
République devrait être un plébiscite de
tous les jours». Que voulons-nous en
définitive pour ce pays? Entre ceux qui
veulent la partition du pays croyant
sauver la Kabylie et ceux qui pensent
que le salut de l'Algérie est à
rechercher auprès d'une sphère
moyen-orientale arabe avec qui à
l'évidence, nous n'avons aucun atome
crochu, le moment est venu de faire
preuve d'audace pour être en phase avec
le mouvement du monde, sans rien perdre
de nos identités multiples. Savons-nous
qu'en Inde il y a plusieurs centaine de
langues qui coexistent sans heurt?
Chaque région s’épanouissant dans le
cadre d’un Etat fédéral.
De plus, pourquoi
devons-nous à tout prix copier le modèle
jacobin centraliste hérité et qui
étouffe les particularités? En France,
il fut une époque où il était interdit
aux élèves de parler breton, ou corse
sous peine de sanctions Aux Etats-Unis
les 50 Etats sont autonomes et l'Etat
fédéral est là pour laisser chacun des
gouverneurs des Etats gérer de façon
optimale avec les citoyens au mieux les
affaires de l'Etat. Ne peut-on pas
penser à une organisation type Landers
allemands où chaque région dispose d'une
autonomie dans le cadre d'un État
fédéral qui est garant des fondamentaux?
Nous pourrons citer dans le cas de
l'Algérie, le drapeau, la monnaie,
l'identité, les langues, les fonctions
de défense. Nous devons penser Algériens
et non pas en fonction de nos régions
nos particularités «ethniques» ou
religieuses. Nous devons rapidement
régler cette cause du vivre ensemble
pour que chaque Algérien se sente bien,
qu'il soit fier des multiples facettes
du pays et comme le proclamait un homme
politique parlant de l'unité, il cite
quatre villes points cardinaux: «Al
Djazaïr min ta latta» (l'Algérie de
Ta à Ta) «l'Algérie de Tlemcen à Tebassa,
de Tizi Ouzou à Tamanrasset». (8) (9)
Réussir le vivre
ensemble en commençant par l’Ecole
Qu'on prenne garde!
La bête immonde de la partition qui a eu
raison de civilisations millénaires
aussi prestigieuses, comme l'Irak, la
Syrie, ne nous fera pas de cadeau. Le
jacobinisme en Algérie a montré ses
limites. Il nous faut imaginer un modèle
de vivre ensemble qui libère les
initiatives par une décentralisation
intelligente. Les partis politiques ont
une mission historique, celle de
contribuer à sauver le pays. Le peuple
se souviendra le moment venu de ceux qui
jouent les Ponce Pilate alors que le feu
est dans la maison.
Les vrais défis qui
nous attendent se résument à tout ce qui
favorise l'éducation. Pour moi, tout
commence à l’école ; le meilleur
capital, la meilleure richesse de ce
pays consiste en la mise en place
graduelle d'un système éducatif
performant. Rien ne doit être refusé à
la formation, à la recherche. Il ne
faut pas faire le minimum syndical
comme c’est le cas actuellement en
lâchant des miettes. Il faut
réduire drastiquement le train de vie de
l’Etat pour avoir une éducation de
qualité. 300 enseignants vont
être recrutés et alors que vaut –le
recrutement administratif des
enseignants qui ne nous garantit en
rien qu’ils vont bien enseigner ; Dans
ce dossier et en l’occurrence, il n’ya
ni militantisme ni
amateurisme, c’est un travail
pédagogique qui n’a d’autre boussole que
la formation de qualité quitte à ne pas
brusquer les évènements et enseigner
pour enseigner !!
La bonne formation
des instituteurs est primordiale car
c’est par là qu’il faut commencer
et j’ai bien peur que nous n’ayons
retenu aucune expérience du désastre de
l’éducation des premières années de
l’indépendance où nos « frères » du
moyen Orient nous avaient envoyé
ceux qui souvent n’avaient pas les
critères pour enseigner. Je souhaite que
nous ne puissions pas faire
d’erreurs dans la mise en place de
l’Académie- encore une folie des
grandeurs- en allant à pas mesurés dans
la fondation d’un enseignement de
qualité car il s’agit de former des
jeunes qui ne doivent avoir aucun
complexe ni avec leurs langues ni
avec leur histoire deuxième volet
impératif pour le vivre ensemble.
Tout doit être fait
pour amener à ce brassage. Les
spécialités doivent être réparties non
pas en fonction des humeurs des chefs,
mais avec un projet en tête d'autant que
les trois-quarts des universités n'ont
d'université du point de vue normes
scientifiques, que le nom. Sur le plan
scientifique, des compétitions
scientifiques inter-universités,
contribueront à ce creuset du vivre
ensemble comme le faisait à l'époque le
Service national. Réhabiliter le sport
scolaire et universitaire permettra de
favoriser les compétitions scolaires et
universitaires, inter-lycées,
inter-villes inter-wilayas, l'Algérie
sera alors une immense ruche où
l'appartenance identitaire à l'algérianité
sera tout à fait naturelle. Enfin, sur
le plan culturel par la mise en place de
semaines culturelles inter-wilayas
permettront un melting-pot qui
stabilisera le pays et lui permettra de
se défaire aussi des pesanteurs
sociologiques que les pouvoirs qui se
sont succédé n'ont pas pu ou voulu
résoudre.
Plus que jamais
nous devons nous unir pour conjurer les
périls. L'effritement identitaire est un
projet planétaire, notamment décrit dans
le Rapport Lugano qui postule en
direction des nations faibles; les
citoyens de ces pays doivent passer leur
temps à se demander ce qu'ils sont, qu'à
se mettre au travail, à s'instruire, à
s'éduquer. Nous sommes convaincus que
nous devons mobiliser les jeunes autour
d'un défi, celui d'aller à la conquête
du savoir. Nous devons faire émerger une
conscience d'appartenir à un grand pays
avec une histoire prestigieuse de plus
de 3000 ans.
Les défis exaltants
auxquels est confronté le pays nous
commandent plus que jamais d'être unis
pour les grandes causes, il s'agir
d'assurer à l'Algérie de garder sa place
dans le concert des nations et de
préparer l'avenir. Les défis du pays
sont multiples, mais ils ne peuvent être
abordés qu'en réglant ces préalables qui
barreront la route à l'aventure. Le
pouvoir s'honorerait en montrant sa
disponibilité à mettre en oeuvre sans
atermoiements ou manoeuvre, sans tarder,
les lois et décrets visant à remettre
cette langue première de l'Algérie à sa
juste dimension!
Car une nation
apaisée qui s'accepte dans ses multiples
dimensions pourra mettre ses citoyens en
ordre de marche pour conjurer les périls
à venir. En définitive, la plus grande
richesse du pays est sa jeunesse à qui
nous devons expliquer les enjeux pour la
faire participer aux défis du pays.
L'Algérien du XXIe siècle, fier de son
socle identitaire trois fois millénaire,
aura sans nul doute à coeur de rattraper
le temps perdu, il participera à la
construction du pays en étant, acteur ce
faisant de son destin ne laissant aucun
interstice à l'aventure dans cette
Algérie qui nous tient tant à coeur.
Il nous faut pour cela et pour citer
James Freeman Clarke « des hommes
d'Etat qui pensent aux générations
futures et non des hommes politiques qui
pensent aux prochaines élections ».
1.Jacques Berque: islam-fraternet. com/maj-0598/berq.htm
2.
https://s3-eu-west-1.amazonaws.com/dynamiquesinternationales/DI7/Benhadjoudja+-DI7.pdf
3.
http://www.tamurt.info/la-kabylie-a-l-honneur-a-l-assemblee-nationale-francaise,2193.html?lang=fr
4. S.Guemriche http://www.lematindz.net/news/20931-lettre-ouverte-a-ferhat-mehenni.html
5. Mostefa Lacheraf: Des noms et des
lieux, éditions Casbah, pages 19 à 30
(1998)
6.Ali Farid Belkadi: A propos du youyou
traditionnel Colloque Cread: Quels
savoirs pour quelles sociétés dans un
monde globalisé? Alger 8-11 novembre.
2007
7.Ahmed Bensaada:
Au temps béni des coalitions 18 décembre
2015
http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=345:2015-12-18-14-26-05&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
8.Chems Eddine Chitour: Le vrai
malentendu algérien: comment réconcilier
les Algériens avec leur histoire
Mondialisation.ca, Le 23 janvier 2012
9.
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_
chitour/243810-le-necessaire-vivre-ensemble.html
Article de
référence
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur
_chitour/283734-eloge-du-vivre-ensemble.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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dossier Algérie
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