Comment je
vois le monde
Combat du Sahara
occidental et de la Palestine:
La même indifférence des Occidentaux
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Jeudi 7 novembre 2013
«Dhrabni ou bka, sbakni ou chka» Il
m'a frappé et a pleuré, il m'a devancé
et s'est plaint de moi».
Ce proverbe du terroir maghrébin
illustre plus que mille discours, la
«sortie» du Royaume du Maroc qui a
rappelé «en consultation» son
ambassadeur pour des faits qui, a
postériori, sont de sa responsabilité.
S'il est vrai que s'attaquer à un
attribut de souveraineté tel que le
drapeau est monnaie courante par les
temps qui courent, il n'est que de voir
le sort périodique du drapeau américain
victime des colères arabes et plus
largement musulmanes. Il n'en demeure
pas moins que c'est un précédent qui ne
nous garantit nullement de la récidive.
Tout est parti de l'actualité de cette
semaine qui a été marquée par deux
événements importants. D'abord la
conférence d'Abudja concernant la cause
sahraouie et ses conséquences indirectes
sur les relations de l'Algérie avec le
Maroc, ensuite, le feuilleton des
négociations israélo-palestiniennes
jalonnées par la construction de
milliers de logements de colonisation
sur les territoires occupés depuis 1967.
Les symboles de l'Etat algérien profanés
au Maroc
En moins d'une semaine les symboles de
l'Etat algérien au Royaume du Maroc ont
été bafoués. Le deuxième incident eut
lieu la veille du 1er Novembre La double
agression contre l'ambassade à Rabat et
le consulat à Casablanca est un élément
inacceptable car lourd de conséquences.
Dans le même ordre on ne peut que
s'interroger sur le manque de réaction
des autorités consulaires qui n'ont pas
bougé le petit doigt quand l'intrus est
rentré posément en escaladant la
barrière, a grimpé par la gouttière,a
pris son temps devant un drapeau qui
rechignait à se laisser faire. Quand
quelqu'un rentre chez vous, la moindre
des choses est de le sortir par tous les
moyens... Les Algériens considèrent que
l'atteinte à notre drapeau national,
surtout un 1er Novembre, n'est pas un
acte isolé. Il est très possible que les
événements aient été programmés.
Pour rappel et comme l'écrit Tayeb
Belghiche du journal El Watan, dans un
discours prononcé le 11 octobre dernier
devant les deux Chambres réunies, le roi
Mohammed VI a clairement donné le feu
vert au passage à l'action: «Au lieu
d'attendre les attaques de nos
adversaires pour riposter, il faut
plutôt les acculer à la défensive en
prenant les devants, en anticipant les
événements et en y répondant de manière
positive», ajoutant plus loin: «Par
conséquent je vous exhorte tous, encore
une fois, à une forte mobilisation, une
vigilance de tous les instants et des
initiatives efficaces aux niveaux
interne et externe pour contrecarrer les
ennemis de la nation où qu'ils se
trouvent et pour déjouer les stratagèmes
illégitimes auxquels ils ont recours.»
(1)
Tayeb Belghiche s'interroge sur
l'expansionnisme marocain qui dit-il, «a
pris en otage le Grand Maghreb,. Jusqu'à
quand? L'alternative est claire et tous
les Maghrébins de bonne foi et de bonne
volonté ne peuvent que la comprendre,
sinon la soutenir: faisons le Maghreb
avec ceux qui sont prêts. (...)
L'Algérie ne peut pas continuer à faire
preuve de retenue quand l'arrogance du
gouvernement marocain n'a pas de limite.
Il ne s'agit pas seulement d'un incident
diplomatique en contrôlant ses dommages
collatéraux, ajoute encore notre source,
car il s'agit de l'avenir de tous les
peuples maghrébins». (1)
Dans une déclaration du ministère des
Affaires étrangères il a été rappelé à
l'ambassadeur du Royaume du Maroc la
«demande pressante» formulée, vendredi
dernier, auprès du chargé d'affaires de
son ambassade pour obtenir le «plus
rapidement possible» des explications
circonstanciées sur «la violation
inacceptable des locaux consulaires
algériens à Casablanca et la profanation
impardonnable de l'emblème national, le
jour même de la célébration du
déclenchement de la glorieuse Révolution
du 1er Novembre». (...) Hamid Enaânaâ,
l'homme par qui le scandale est arrivé,
a agi seul et qu'il est aux arrêts en
attendant d'être présenté, le 20
novembre, devant le procureur. Suffisant
pour éteindre le feu de la colère en
Algérie? Pas sûr. (...), le MAE a
demandé officiellement à l'ambassadeur
marocain que les autorités algériennes
soient associées, «selon une forme
appropriée et conformément à la pratique
internationale», à l'enquête pour
déterminer les faits et s'assurer que
les suites appropriées ont été engagées
après cet incident «particulièrement
grave». Il a été rappelé à l'ambassadeur
que l'Algérie n'accorde pas de crédit à
la thèse de l'«incident isolé» et encore
moins au «fait divers»». (2)
Justement à Abudja, la Conférence
africaine de solidarité avec la lutte du
peuple sahraoui a ponctué la fin de ses
travaux par une déclaration plutôt
«hard» à l'égard du Maroc mais aussi
de... l'Union africaine. Ayant pris acte
de l'incapacité de l'UA à faire entendre
raison au Maroc, qui continue d'occuper
le Sahara occidental et de réprimer son
peuple, syndicats, ONG et sociétés
civiles ont décidé d'aller aux
avant-postes. Ainsi, il a été décidé de
mettre en place un mouvement de
solidarité pour l'indépendance du Sahara
(Asmows) qui se chargera de mener le
combat multiforme pour la décolonisation
de ce territoire. Ce mouvement africain
de solidarité se propose aussi de
collaborer avec ses homologues d'Europe,
d'Amérique latine et d'Australie pour la
promotion de la cause sahraouie. La
Conférence a par ailleurs apporté son
soutien aux positions des gouvernements
d'Afrique du Sud, d'Algérie et du
Nigeria par rapport à la cause
sahraouie, et a exprimé sa volonté de
faire en sorte que ces positions aillent
dans le sens d'une «isolation» du Maroc,
comme cela avait été fait auparavant
pour le système de l'apartheid.» (3)
Cependant, une prise de conscience se
fait jour en Europe et même aux
Etats-Unis. On sait que le lobby
marocain aidé par le lobby sioniste est
arrivé jusqu'à présent à bloquer les
prérogatives de la Minurso quant à sa
mission de surveillance des droits de
l'homme dans les territoires sahraouis
occupés. D'autre part, on apprend que le
président de la Coordination des comités
et des associations européennes de
soutien au peuple du Sahara occidental (Eucoco),
Pierre Galand, a affirmé que le rapport
Charles Tannock adopté récemment par le
Parlement européen (PE) est «très clair»
sur la violation des droits de l'homme
dans les territoires sahraouis occupés
et sur la spoliation des richesses
naturelles du Sahara occidental
soulignant que ce rapport «est aussi
clair dans sa partie réservée à la
spoliation par le Maroc des ressources
naturelles du Sahara occidental». Tout
en rappelant les décisions adoptées par
le PE en relation avec la suspension des
accords dans le secteur de la pêche avec
le Maroc au regard des violations des
droits des Sahraouis dans les
territoires occupés, il s'est dit
«choqué» de constater que «l'Espagne a
signé un préaccord sur la pêche avec
Rabat». «C'est choquant d'autant plus
que ce préaccord est survenu au moment
où l'opinion internationale vient
d'apprendre la découverte d'un charnier
de victimes sahraouies et que Madrid
était au courant de ce drame, a souligné
M.Galand.» (4)
Le feuilleton du drame palestinien
L'analogie entre Sahraouis et
Palestiniens est troublante. On a tout
dit du drame palestinien qui perdure
depuis près d'un siècle. Voilà une cause
pour la dignité d'un peuple qui accepte
de vivre sur le cinquième de sa terre
originelle et qui voit chaque jour les
perspectives d'un Etat palestinien
s'éloigner. Un nouveau round de
négociations sans lendemain se déroule
sous nos yeux. Israël construit sur les
terres palestiniennes tout en déclarant
négocier. (5)
Selon une dépêche de l'AFP on apprend
qu'Israël a proposé que le tracé de la
barrière de séparation serve de base
pour les discussions de paix, et non les
lignes d'avant 1967, comme le réclament
les Palestiniens, Les négociateurs
israéliens ont proposé à leurs
homologues palestiniens que cette
barrière, dont le tracé se trouve à 85%
en Cisjordanie, isolant 9,4% du
territoire palestinien, Jérusalem-Est
compris (chiffres ONU), serve de point
de départ aux discussions, selon le
quotidien Yediot Aharonot et la radio
publique israélienne.
En outre, Israël veut conserver
certaines colonies juives isolées de
Cisjordanie - Beit El, Psagot et Nokdim,
selon les mêmes sources. Interrogé, un
porte-parole du Premier ministre
israélien Benjamin Netanyahu n'a pas
confirmé ces informations, indiquant
qu'il ne commentait pas les négociations
en cours, sur lesquelles le secrétaire
d'Etat américain John Kerry a imposé aux
deux parties un black-out médiatique. La
question du statut de Jérusalem a
également été abordée, Interrogé sur ce
point, un haut responsable israélien a
indiqué sous couvert de l'anonymat
qu'Israël avait ´´dit clairement aux
Palestiniens que Jérusalem resterait
unifiée sous souveraineté
israélienne´´.(6)
La construction de nouvelles unités
d'habitation dans les colonies
israéliennes en Cisjordanie occupée, y
compris dans la ville sainte d'El Qods,
se poursuit sans relâche. L'Etat hébreu
a lancé dimanche de nouveaux appels
d'offres pour la construction d'environ
2000 nouveaux logements dans les
Territoires palestiniens occupés en
1967, selon «La Paix maintenant», une
organisation non gouvernementale
israélienne, opposée à la construction
de colonies en Palestine occupée, ces
appels d'offres concernent 1859 unités
d'habitation en Cisjordanie dont 828 à
Jérusalem-Est, El Qods, occupée, mais
aussi annexée par Israël en 1967. La
Paix maintenant critique les pratiques
du gouvernement israélien. «Chaque fois
que Netanyahu fait un petit pas vers la
paix, il en fait deux grands pour faire
en sorte qu'il soit plus difficile de
parvenir à la paix, a déploré l'ONG.»
(7)
Que fait Abou Mazen? Il va protester
pour la millième fois. Lors d'une
réunion du comité exécutif de l'OLP,
jeudi à Ramallah, en Cisjordanie
occupée, une réaction ferme à la
poursuite de la colonisation a été
décidée. Pendant ce temps «La pizza»
-objet de négociations- rétrécit mais
les affaires des dirigeants politiques
sont plus que jamais prospères...
La réalité du pouvoir marocain
et le Grand Maghreb
C'est un fait que le pouvoir marocain
est dans une mauvaise passe qui le
conduit à la diversion; le peuple
souffre le martyre, s'appauvrit de plus
en plus pendant que le roi s'enrichit de
plus en plus. Deux journalistes de
talent, Catherine Graciet et Eric
Laurent, ont analysé dans un ouvrage la
prédation royale. Depuis son accession
au trône en 1999, écrivent-ils, Mohammed
VI a pris le contrôle de l'économie du
Maroc dans l'arbitraire le plus absolu.
Une stratégie d'accaparement marquée par
la corruption effrénée de ses proches.
Au Maroc, en 2012, la monarchie impose
toujours le silence et le secret sur ses
agissements, ce qui a rendu notre
enquête souvent délicate à mener. La
monarchie marocaine a instauré parmi les
élites dirigeantes une véritable
«culture de la docilité». Mais, surtout,
elle fait peur: lorsqu'elle s'abat, la
disgrâce royale condamne socialement
mais aussi financièrement et
professionnellement. Ils connaissent
notre attachement sincère au Maroc et à
son peuple. (...) Au Maroc, la monarchie
demeure le seul pouvoir. Elle continue
de prospérer puisqu'elle a eu la bonne
idée de transformer, depuis des
décennies, la vie publique et les
institutions en un théâtre d'ombres. Les
excès du roi sont protégés par une
omerta que nous avons décidé de briser
avec ce livre.» (8)
«En juillet 2009, le magazine américain
Forbes créa la surprise (...) le roi du
Maroc, Mohammed VI, faisait une
surprenante apparition à la septième
place, avec une fortune évaluée à 2,5
milliards de dollars. Il devançait des
rivaux en apparence pourtant plus
richement dotés, comme l'émir du Qatar,
(...) dont la fortune, selon Forbes,
était six fois inférieure à celle du
souverain marocain. En 2009, la crise
financière mondiale survenue un an plus
tôt avait frappé de plein fouet
l'ensemble des revenus, y compris ceux
des plus fortunés. Pourtant, Mohammed
VI, dont la fortune avait doublé en cinq
ans, semblait mystérieusement échapper à
ces aléas...Dans le rapport mondial sur
le développement humain élaboré par le
Pnud, l'agence des Nations unies pour le
développement, couvrant la période
2007-2008, le Maroc est en effet classé
au 126e rang (sur 177 États) du point de
vue du «développement humain», et le
taux de pauvreté du pays atteint 18,1%.
Pour ne rien arranger, en 2008, la dette
publique du Maroc a bondi de 10% en un
an, pour atteindre 11,9 milliards
d'euros, soit 20% du PIB. Le classement
de Forbes ne faisait que soulever
pudiquement un coin du voile sur
l'ampleur d'une fortune royale en vérité
beaucoup plus importante. Surtout, il
taisait ou ignorait les moyens mis en
oeuvre pour parvenir à amasser une telle
richesse.»(8)
L'utopie de l'Union maghrébine basée sur
des malentendus
Dans ces conditions comment peut-on
parler d'Unité maghrébine quand les
conditions minimales ne sont pas
réunies. Pour le roi, ««les ennemis de
la nation» ne sont autres que les
Algériens. D'ailleurs, depuis son
accession au trône, il a développé un
discours extrêmement agressif contre
l'Algérie, un discours qui, au lieu
d'inciter à l'apaisement, pousse au
contraire à créer un climat de tension».
«Depuis sa création [l'UMA] en février
1989 à Marrakech, les pays membres ont
signé entre eux seulement 37 traités et
accords. Or, l'Algérie en a ratifié 29,
la Tunisie 28, la Libye 27, la
Mauritanie 25 et le Maroc seulement 8.
Ce sont là des chiffres qui soulignent
clairement le désintérêt du royaume pour
la construction maghrébine. Il est
surtout en train de vivre avec un rêve
moyenâgeux: le Grand Maroc et son
corollaire, l'expansionnisme colonial.
(..) Le régime de Rabat doit faire son
choix et définitivement. Veut-il le
«Grand Maroc» ou le «Grand Maghreb»?»
(1)
Il y va de l'avenir de la région. Les
peuples doivent comprendre que leur
salut est dans l'unité. Nous partageons
beaucoup de valeurs. Dans le monde
actuel si on reste divisés, nous allons
devenir des poussières d'Etat.
L'arrogance du Maroc qui se croit
intouchable n'est pas fortuite elle
provient du soutien inconditionnel de la
France qui a fait du Maroc son pré
carré.
A bien des égards il fait office par sa
politique inhumaine, par sa répression
sans fin comme un second Israël dans la
région, n'a -t-il pas avec l'aide
d'experts israéliens fait un mur
d'apartheid? Il est vrai que son
impunité internationale le place
au-dessus du droit international en
ignorant les aspirations du peuple
sahraoui et plus largement du peuple
marocain à vivre libre dans la dignité.
1. Provocations marocaines contre
l'Algérie: Le Roi veut-il la guerre? El
Watan le 05.11.13
2. L'ambassadeur du Maroc convoqué au
MAE...El Watan le 04.11.13
3. Hassan Moali: La Conférence d'Abuja
El Watan le 02.11.13
4.
http://www.elwatan.com/international/territoires-occupes-pierre-galand-brandit-le-rapport-tannock-05-11-2013-233895_112.php
5. C.E. Chitour: Le calvaire du peuple
palestinien. Editions Casbah 2013
6. Israël propose la barrière de
séparation comme base des discussions de
paix le 05.11.13
7.
http://www.elwatan.com/international/2000-nouveaux-logements-en-cisjordanie-netanyahu-piege-la-visite-de-john-kerry-05-11-2013-233890_112.php
8. Catherine Graciet, Eric Laurent. Le
Roi prédateur Editions du Seuil p.5-7
mars 2012
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
Les dernières mises à jour
|