Opinion
Comment être français au XXIe siècle:
Epître à Nadine Morano
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Mercredi 7 octobre 2015
La
France était un «pays de race blanche
avec des racines judéo- chrétiennes»
«J'adore le couscous et les bricks à l'oeuf
(...) Ce que j'attends d'un jeune
musulman c'est qu'il ne parle pas verlan
et ne mette pas sa casquette à l'envers»
Nadine
Morano
Voilà, tout est dit! Pour des raisons
bassement électoralistes, Madame Morano
et son parti ratissent large en allant
brouter sur les terres de l'extrême
droite. Curieusement, Madame Morano
parle de judéo-christianisme, et De
Gaulle parlait, lui, de christianisme.
Est-ce pour s'attirer les sympathies des
Français de confession juive? Cependant,
tout n'est pas perdu pour
l'acculturation de Madame Morano qui
aime le couscous...
De plus, curieusement, on s'aperçoit
que son nom «Morano» pourrait bien avoir
des racines qui ne sont pas souchiennes
et, pire encore pour elle, ses racines
seraient arabes et musulmanes. Dans
l'Encyclopédie Wikipédia on lit: ««Morano»
est un nom de famille catalan, sobriquet
désignant celui qui est brun de peau
comme un maure. Morin. Moreno est un nom
d'origine hispanique signifiant «brun».
Il s'agit du quinzième patronyme le plus
répandu en Espagne. Étymologiquement, il
provient de l'adjectif moro qui signifie
«maure». À mettre en lien avec la longue
présence arabo-musulmane dans la
péninsule ibérique».
La bonne
race et la bonne religion pour être un
bon Français
Comme lu sur le journal Le Monde:
«Lorsque Nadine Morano a affirmé, durant
l'émission «On n'est pas couché», sur
France 2, que la France était un «pays
de race blanche», elle s'attendait
forcément à susciter des réactions
indignées, mais elle ne pensait sans
doute pas que l'UMP finirait par lui
retirer l'investiture pour les
régionales dans le Grand Est. L'ancienne
ministre, soutenue par certaines figures
d'extrême droite, assume: elle invoque
le patronage de De Gaulle et revendique
un certain «bon sens». Qu'en est-il?
Nadine Morano se défend en affirmant
citer le général de Gaulle. Le passage
est en effet connu, et on le trouve très
régulièrement cité sur Internet par la «réacosphère»».
(1)
« D'où vient cette phrase? Elle est
rapportée par Alain Peyrefitte,
biographe de Charles de Gaulle -
l'ancien ministre est d'ailleurs le seul
à la citer, plus de trente ans plus tard
(en 1994). Dans le tome 1 de C'était De
Gaulle, il est écrit que le premier
président de la Ve République aurait
prononcé cette phrase le 5 mars 1959, en
pleine guerre d'Algérie: «C'est très
bien qu'il y ait des Français jaunes,
des Français noirs, des Français bruns.
Ils montrent que la France est ouverte à
toutes les races et qu'elle a une
vocation universelle. Mais à condition
qu'ils restent une petite minorité.
Sinon, la France ne serait plus la
France. Nous sommes quand même avant
tout un peuple européen de race blanche,
de culture grecque et latine et de
religion chrétienne.» (...) Si le
général a eu d'autres propos qui
paraissent choquants quarante ou
cinquante ans plus tard, il semblent
davantage se rapprocher de l'usage
sémantique en vigueur à l'époque que de
propos racistes ou racialistes.» (1)
Si «race» se trouve, en effet, dans
les dictionnaires, mais reste pour
l'instant dans la Constitution. (...) Le
terme de «race» ne recouvre donc aucune
réalité scientifique précise: il est le
résultat d'une construction sociale
et/ou de perceptions visuelles: les
«Noirs» ne constituent pas un groupe
biologiquement homogène ou cohérent, pas
plus que les «Blancs», les «Jaunes»,
etc. (...) Parler de «races» est donc
tout sauf innocent, et la défense de Mme
Morano consistant à s'abriter derrière
le «bon sens» des différences physiques,
ne suffit pas. Le racisme est, en soi,
un délit. Et d'autres «dérapages», par
exemple celui du socialiste Georges
Frêche qui évoquait en 2006 «les Blancs
(..) nuls en football», ou Manuel Valls
parlant des «Blancs, white, blancos»,
ont été largement condamnés (mais pas
forcément sanctionnés), comme celui de
Mme Morano». (1)
Qu’en pense les Français ? Il semble
qu’ils soient plus lucides que madame
Morano. En effet, Un sondage Odoxa pour
iTele et «Paris-Match» montre que près
d'un Français sur deux a une mauvaise
opinion de l'élue Les Républicains.
C'est le constat d'un sondage Odoxa
réalisé moins d'une semaine après le
début de la polémique et dévoilé
vendredi 2 octobre. Le sondage montre en
tout cas que 60% de l'opinion publique
trouve que le parti Les Républicains
court après le Front national et ses
idées. (2)
Les
réactions
: Le bal
des hypocrites
Dans la plus pure tradition
hypocrisie, c'est à la fois la gauche et
une partie de la droite qui s'émeuvent.
Même Nicolas Sarkozy, qui voudrait
réviser les accords d'Evian, s'il venait
à être réélu, l'a désavoué mollement, ce
qui laisse à penser que tout a été
voulu, su et adoubé.
La réaction la plus nette est venue
d'une députée française de la Réunion.
«A l'Assemblée nationale, la députée de
La Réunion, Ericka Bareigts, a
sévèrement critiqué Nadine Morano: «Cet
épisode n'est que la suite d'une longue
série de dérapages.» «Pour moi, députée
noire de la République, la France
décrite par Mme Morano, n'est pas la
mienne», a lancé Ericka Bareigts, née
sur une terre de métissage. «Cette
expression [...] ne relève pas de
l'erreur malencontreuse, elle a été
préparée, répétée et confirmée»,
rappelant que Nadine Morano a prévenu
qu'elle ne s'excuserait pas. L'élue a
assuré qu'une partie du parti Les
Républicains est sujette à une
surenchère droitière. Elle déplore que
«des digues sautent», et ce au mépris de
«l'héritage et de la tradition» de la
droite républicaine». (3)
L'archevêque de Paris critique, lui
aussi, Madame Morano non pas sur la
notion de race , mais sur la couleur du
visage du Christ Il écrit : «Il y a plus
d'Africains et d'Arabes chrétiens qui se
font trouer la peau par fidélité au
Christ, que de gens de race blanche. Je
suis spécialiste en christianisme et je
trouve que cela soit surprenant que
Jésus n'ait pas son passeport pour la
tradition judéo-chrétienne parce qu'il
n'était pas de race blanche. Dans le
monde il y a plus d'Africains,
d'Asiatiques et d'Arabes chrétiens qui
se font trouer la peau par fidélité au
Christ que de personnes de race
blanche.»(4)
Une belle
réplique: lettre ouverte à Nadine Morano
Détruisant l’argumentaire de madame
Morano, Nicolas Huguenin lui répond
d'une façon élégante: «Vous parlez de
«race blanche» et de religion, en
associant l'une et l'autre. Passons sur
le fait que la «race blanche» n'existe
pas (...) Mais associer une religion à
une couleur de peau, là, il fallait le
faire! Les Albanais sont blancs et
musulmans. Desmond Tutu est noir et
chrétien. Le pays musulman le plus
peuplé du monde est l'Indonésie, habitée
par... des jaunes. Ah, c'est compliqué,
hein! (...) vous laissez entendre que la
Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la
Réunion et Mayotte, ce n'est pas la
France. (...) ça raye de la carte cinq
départements d'un coup. Vous expliquez
ensuite que la France a une identité
judéo-chrétienne ». (5)
« Non, madame, la France n'est pas
judéo-chrétienne. Elle est catholique.
Et elle l'est parce que, pendant mille
trois cents ans, on n'a pas permis aux
Français d'être autre chose. Juifs,
Cathares, Vaudois et protestants le
savent bien. Entre 496, et 1790-1791,
date à laquelle on s'est résolu à
considérer les juifs et les protestants
comme des citoyens à part entière, les
Français n'ont pas voulu être
catholiques. Ils ont été contraints de
l'être. (...). Et tous ceux qu'on avait
massacrés au nom de Dieu, avant eux;
(...)... Au passage, je trouve
parfaitement dégueulasse votre tentative
minable de récupérer les juifs et les
protestants pour alimenter votre petit
commerce de la haine. Quand on sait ce
qu'ils ont subi en France pendant des
siècles... En laissant les Français
librement choisir leur religion, ou
choisir de ne pas en avoir, on a des
surprises. Et alors? Cela porte un beau
nom, madame Morano. Cela s'appelle la
liberté de conscience» (5)
«Vous vous plaignez que, dans
certains quartiers, on ne célèbre plus
que cinq baptêmes, là où il s'en
célébrait 250 il y a encore quelques
décennies. Mais la faute à qui? Aux
musulmans, qui «envahissent» nos villes,
ou aux catholiques, qui renoncent à
l'être et n'obligent plus leurs enfants
à fréquenter le catéchisme? (...) Ou
parce que le double discours d'une
Église riche à milliards en faveur des
pauvres n'est plus tout à fait pris au
sérieux? Ou, tout simplement, parce que
la foi, dans notre monde moderne,
n'apporte plus de réponses suffisantes
aux masses? Et d'ailleurs,
rassurez-vous, les catholiques ne sont
pas les seuls concernés. Tenez, je vous
parie que, dans deux ou trois
générations, les musulmans de France ne
mettront pas plus souvent les pieds dans
une mosquée que moi dans une église...
Tout cela pour vous dire, madame, que
votre vision d'une France réduite à ses
seuls habitants «de souche» est non
seulement insupportable moralement, mais
aussi sacrément dépassée». (5)
Comment être
Français au XXIe siècle
Qu'en est-il aujourd'hui de
l'identité française au XXIe siècle?
Doit-on la circonscrire uniquement aux
Gaulois à têtes rondes pour paraphraser
San Antonio dans «l'Histoire de France»?
Doit-on au contraire faire du désir
d'être ensemble le ciment d'une identité
du XXIe siècle? On se souvient que le
thème de l'identité a déjà été «vendu»
lors des élections de 2007.
Cela a commencé, on s’en souvient,
par une petite phrase: «La France:
aimez-la ou quittez-la» plagiant la
fameuse phrase de Ronald Reagan: «America
love it or leave it» En fait il
voulait insinuer «La France tu l'aimes
chrétienne ou tu t'en vas» (6).
«Qui est en fait Français et depuis
quand? Quelle différence y a-t-il entre
un Bulgare un Hongrois, un Arménien, un
Espagnol, un Italien au regard de
l'intégration avec un Algérien ou un
Marocain? La différence réside d'abord
dans la non-maîtrise par les premiers de
la langue et de la culture françaises.
En fait, il n'est pas important qu'ils
connaissent la «Ballade des pendus» de
François Villon. Par contre, leur
avantage décisif est l'identité
religieuse qui, a bien des égards, berce
d'une façon invisible la société
française. On le devine. Tout ce beau
monde est «compatible» avec le corps
social français pétri par deux mille ans
de cultures chrétiennes quand bien même
ces ci-devant candidats à la nationalité
n'ont qu'un rapport lointain avec la
religion chrétienne, n'empêche ils sont
«comme nous». Par contre, on peut être
français depuis un siècle, le nom
patronymique et surtout l'appartenance à
une sphère cultuelle différente sont des
«marqueurs indélébiles». (6)
«Doit-on tenir à distance le musulman
au point qu'à la 4e génération on parle
encore de l'origine des beurs? Nous
donnons la parole à Jean Baubérot qui
répond magistralement et avec humour au
président Sarkozy: «Tu as écrit une
tribune dans Le Monde (9 décembre) qui a
retenu toute mon attention. En effet, tu
t'adresses à tes «compatriotes
musulmans», et c'est mon cas, moi
Mouloud Baubérot, frère siamois de celui
qui tient ce blog. Avant, par politesse,
il faut que je me présente très
brièvement. Ma famille provient de
Constantine, ville française depuis 1834
et chef-lieu d'un département français
depuis 1848. Nous sommes donc d'anciens
Français. Mais, comme tu l'écris très
bien, nous sommes très «accueillants»,
nous autres. Alors nous avons donc
accueilli parmi eux, un certain Paul
Sarkozy de Nagy-Bosca, qui fuyait
l'avancée de l'Armée rouge en 1944. Nous
sommes tellement «accueillants» que nous
avons fait de son fils, ton frère
siamois, immigré de la seconde
génération, un Président de notre belle
République. (...) Quand les Sarkozy sont
devenus Français, le ciel de Paris
s'ornait d'une Grande Mosquée, avec un
beau minaret. Je suis d'accord, moi
Mouloud qui t'accueille, je dois te
faire «l'offre de partager (mon)
héritage, (mon) histoire (ma)
civilisation), (mon) art de vivre».
Tiens, je t'invite volontiers à venir
manger un couscous avec moi. (...)» (6)
«Contrairement à moi, poursuit le
philosophe Jean Baubérot, puisque tu
n'es en France que depuis une seule
génération, tu as encore beaucoup de
choses à apprendre quant aux «valeurs de
la République (qui) sont partie
intégrante de notre identité nationale».
(...) Tu fais preuve d'une curieuse
obsession des minarets et tu sembles
assez ignorant à ce sujet. Pendant la
guerre 1914-1918, mon arrière-grand-père
est mort au front, comme,
malheureusement, beaucoup de Français,
de diverses régions: Algérie, Savoie, ou
Limousin,...Car nous avons été environ
100.000, oui cent mille, musulmans à
mourir au combat pour la France. Nous
étions déjà tellement «arrivés» en
France, que nous y sommes morts! Ma
famille y était venue, à cette occasion,
et elle y est restée. A Paris,
précisément. Comme nous commencions à
être assez nombreux, et provenant, outre
la France, de différents pays, la
République laïque a eu une très bonne
idée: construire une mosquée, avec un
beau minaret bien sûr. Elle avait
décidé, en 1905, de «garantir le libre
exercice du culte». «Garantir», c'est
plus que respecter. C'est prendre les
dispositions nécessaires pour assurer
son bon fonctionnement. (...) De plus,
et je vais t'étonner Nicolas, les
laïques, ils aimaient bien les minarets.
Quand on a posé la 1ère pierre de la
mosquée, le maréchal Lyautey a fait un
très beau discours. Il a déclaré: «Quand
s'érigera le minaret que vous allez
construire, il montera vers le beau ciel
de l'Ile de France qu'une prière de plus
dont les tours catholiques de Notre-Dame
ne seront point jalouses.» (6)
C'est un fait! Ce rappel lancinant de
la race au-delà des manoeuvres
politiciennes a tout de même un fond
rocheux. C'est le XIXe siècle qui a fait
le lit du nazisme. Souvenons-nous de
Renan, de Gobineau avec son ouvrage De
l'inégalité des races, de Ferry et son
Devoir des races supérieures.
Souvenons-nous du «white man burden» de
Kipling. Souvenons-nous de «la France
juive» de Drummond. Souvenons-nous aussi
que L'Eglise a longtemps adoubé cette
vision de l'Histoire, même Pie XII s'est
tu sur le martyre des juifs pendant la
Seconde Guerre mondiale. Sophie Bessis a
bien raison de dire que le nazisme n'a
pas jailli du néant c'est le XIXe siècle
qui a fait le lit du nazisme. Les
musulmans seront au XXIe siècle les
juifs du XXe siècle et des nuits de
cristal sont partout organisées pour
éteindre en prenant appui sur les
monstres qu'ils ont créés (Daesh, Boko
Haram, Al Nosra...)
Les Français-musulmans dans leur
immense majorité veulent vivre avec
dignité leur culte. Ils connaissent les
fils rouges à ne pas dépasser, ils
savent ou ils doivent savoir qu'ils sont
dans un vieux pays de tradition
chrétienne. Pourtant, leur identité
religieuse n'est nullement un frein à
leur patriotisme. Pour rappel, les
Algériens qui montaient à l'assaut de la
colline de Wissembourg avant la débâcle
de Sedan en 1870, outre le fait qu'ils y
ont été décimés pour conquérir un bout
de colline et y planter le drapeau
français étaient des musulmans à part
entière et des patriotes - à leur corps
défendant à part entière -, il fut de
même de ceux qui eurent à combattre les
Allemands dans l'enfer de Verdun.
Les descendants de ceux qui sont
morts pour la France ont choisi de vivre
en Europe, ils souhaitent le faire dans
la dignité. Ils veulent vivre d'une
façon apaisée et sans ostentation leur
spiritualité à l'ombre des lois de la
République. Ces attaques lancinantes à
des Français-musulmans risquent de
remettre aux calendes grecques l'utopie
toujours recommencée de la Nation.
Madame Morano a tort d’attiser les
haines en prenant le risque de fracturer
la République et sa répudiation des
listes électorales, n’arrange rien, du
fait qu’en ne s’excusant, calculant
qu’elle va au devant d’une débâcle elle
préfère jouer à la martyr pour une bonne
cause. Du fait de ces atermoiements et
des tentatives de prendre en otage un
électorat, Le problème du vivre ensemble
reste entier
1.
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/10/01/les-races-morano-et-de-gaulle-pour-clore-la-polemique_4780347_4355770.html#
oktUDYGD0hIvrzE1.99
2.
http://www.rtl.fr/actu/politique/race-blanche-nadine-morano-recueille-16-d-opinions-favorables-7779937004
3.
http://www.lexpress.fr/actualite/politique/pour-moi-deputee-noire-cette-france-decrite-par-madame-morano-n-est-pas-la-mienne_1721284.html
4.
http://www.rtl.fr/actu/politique/race-blanche-la-sortie-de-nadine-morano-n-est-pas-une-declaration-politique-selon-mgr-andre-vingt-trois-7779919034
5.Nicolas Huguenin·dimanche 27
septembre 2015
www.facebook.com
6. C.E.Chitour
http://www.legrandsoir.info/Comm-
ent-etre-Francais-au-XXIe-siecle.html
Article de référence :
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_
chitour/226684-epitre-a-nadine-morano.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
enp-edu.dz
Publié le 7 octobre 2015 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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