Algérie en phase
avec le mouvement du monde
La Journée de la Terre :
La
résilience du peuple palestinien
abandonné
Chems Eddine Chitour
© Chems
Eddine Chitour
Vendredi 6 avril 2018
«Si cette
immigration des juifs en Palestine avait
eu pour but de leur permettre de vivre à
nos côtés, en jouissant des mêmes droits
et en ayant les mêmes devoirs, nous leur
aurions ouvert les portes, dans la
mesure où notre sol pouvait les
accueillir. (...) Mais que le but de
cette émigration soit d'usurper notre
terre, de nous disperser et de faire de
nous des citoyens de deuxième catégorie,
c'est là une chose que nul ne peut
raisonnablement exiger de nous. C'est
pour cela que, dès le début, notre
révolution n'a pas été motivée par des
facteurs raciaux ou religieux. Elle n'a
jamais été dirigée contre l'homme juif
en tant que tel, mais contre le sionisme
raciste et l'agression flagrante.»
Yasser Arafat
Vendredi 30 mars un massacre de plus que
celui de 17Palestiniens coupables de
protester contre la condition
infra-humaine dans la prison à ciel
ouvert qu'est Ghaza. Toutes factions
confondues, les Palestiniens promettent
de protester pacifiquement pendant un
mois et demi jusqu'au 15 mai mettant à
profit la journée de la Terre pour
protester contre l'occupation illégale
de leur territoire d'où ils furent
chassés en 1948 Le 15 mai coïncide avec
l'inauguration controversée de
l'ambassade américaine à Jérusalem.
C'est aussi la commémoration de la
catastrophe (Nakba) subie par les
Palestiniens lors de la création
d'Israël (1948). Ils furent plus de 700
000 à fuir leur terre pour trouver
refuge dans la bande de Ghaza, en
Jordanie, au Liban, en Syrie. Leur
enfermement et la grave crise
humanitaire qui sévit à Ghaza donnent
plus que jamais corps à la question du
«droit au retour». Cette demande dont
les dirigeants israéliens n'en veulent à
aucun prix, au contraire encourageant
des juifs de la Diaspora au nom de la
loi du Retour de revenir quand ils
veulent en Palestine, prendre la place
des exclus et pousser de plus en plus
les Palestiniens restants à partir.
Tuer
délibérément «grâce aux snipers»
Pour Ibraheem Abu
Mustafa de Reuters: «Des dizaines de
milliers de Palestiniens, des femmes et
des enfants, ont convergé vendredi le
long de la barrière frontalière qui
sépare la bande de Ghaza d'Israël dans
le cadre de ´´la grande marche du
retour´´. Ce mouvement de protestation
durera six semaines pour exiger le
´´droit au retour´´ des réfugiés
palestiniens et dénoncer le strict
blocus de Ghaza. Des dizaines de
Palestiniens se sont approchés à
quelques centaines de mètres de cette
barrière ultra-sécurisée, régulièrement
le théâtre de heurts sanglants contre
les habitants de l'enclave par les
soldats. Ces derniers ont tiré des
balles réelles et fait usage de gaz
lacrymogène. Selon le ministère de la
Santé dans la bande de Ghaza, 16
Palestiniens ont été tués et plus de
1410 blessés dans les affrontements avec
l'armée israélienne. La ´´grande marche
du retour´´ a lieu à l'occasion de la
´´Journée de la Terre´´, qui marque
chaque 30 mars la mort en 1976 de six
Arabes israéliens pendant des
manifestations contre la confiscation de
terres par Israël. Les Arabes israéliens
sont les descendants de Palestiniens
restés sur place à la création de l'Etat
d'Israël en 1948» (1).
Farès Chahine qui
intervient à partir des territoires
occupés résume la situation: «L'armée
israélienne a mis en exécution ses
menaces, lancées en début de semaine,
d'utiliser des balles réelles pour
réprimer les manifestants. Le chef de
l'état-major de l'armée d'occupation
avait même déclaré à la presse
israélienne qu'il allait lui-même
superviser la répression de «La grande
manifestation du retour», comme l'ont
appelée les organisateurs. Les forces
israéliennes, renforcées par une
centaine de snipers postés tout le long
de la frontière avec la bande de Gaza,
n'ont ainsi pas hésité à tirer sur les
manifestants désarmés qui ne portaient
que des drapeaux palestiniens et
lançaient des slogans réclamant le
retour des réfugiés palestiniens sur
leurs terres et dans leurs villages d'où
ils ont été expulsés de force en 1948.
(...) Au lieu de leur faire peur, les
menaces israéliennes ont au contraire
galvanisé les citoyens qui se sont
rendus en masse vers la frontière pour
scander leurs slogans. » (2)
« L'autre point
remarquable poursuit Fares Chahine, de
cette journée historique était l'absence
des bannières des différentes factions
palestiniennes. Celles-ci ont laissé
place au seul drapeau palestinien,
symbole de l'unité du peuple
palestinien. Des centaines de tentes ont
donc été plantées tout le long de la
frontière à une distance de 700 mètres
environ de la clôture. Cette présence
féminine remarquable a d'ailleurs
apporté un démenti au gouvernement
israélien de droite qui fournit de
grands efforts pour accréditer l'idée
que les Palestiniens sont des
terroristes, des tueurs sanguinaires et
des misogynes. «Malgré le danger, les
Palestiniens de la bande de Ghaza, qui
vivent dans des conditions inhumaines
depuis de très longues années,
promettent que ce 30 mars 2018 n'est que
le début d'une insurrection civile
contre les autorités de l'occupation.
(...) La journée de la Terre, qui est
célébrée depuis le 30 mars 1976, a
toujours bénéficié d'un large consensus
au sein de la population palestinienne.
En ce jour du 30 mars 1976, les forces
israéliennes ont froidement abattu six
citoyens palestiniens communément
appelés «Arabes d'Israël», Ces
Palestiniens avaient pourtant la
nationalité israélienne. Mais elle n'a
servi à rien. Il s'agit de la preuve que
ces «Arabes d'Israël» sont considérés
comme des citoyens de seconde zone.» (2)
Cyrille Louis du Figaro témoigne
et rapporte le contenu d'une vidéo mise
en ligne: «Une fois le fracas interrompu
et la poussière retombée, les
participants à cette «grande marche du
retour» ont mis en ligne les vidéos
tournées vendredi avec leur téléphone.
L'une d'elles, filmée à l'est de Beit
Lahya, a aussitôt inondé les réseaux
sociaux. On y voit un jeune homme vêtu
d'un jeans et d'un pull noir qui court,
un pneu à la main, pour tenter
d'échapper aux balles des tireurs
d'élite israéliens. Une détonation
claque, puis une seconde et le garçon
tombe à terre. D'après ses amis, dont le
témoignage a été confirmé par les
secouristes palestiniens, Abdel Fattah
Abdel Nabi est mort sur le coup. À en
juger par ce document, l'homme âgé de 18
ans ne présentait aucun risque immédiat
pour les militaires qui l'ont abattu.
Pour L'ONG israélienne B'Tselem «Tirer
sur des manifestants qui ne portent pas
d'armes est illégal» et «tout ordre
donné à cette fin l'est également».
Les réactions
Dans un discours le
même jour vendredi, le président
palestinien Mahmoud Abbas a déclaré
qu'il tenait Israël pour pleinement
responsable de ces morts Les
Palestiniens ainsi que la Turquie ont
dénoncé un «usage disproportionné» de la
force. La Ligue arabe, l'Egypte et la
Jordanie ont également condamné la
riposte israélienne.. L'Algérie condamne
«avec force» et d'un «ton très ferme» la
boucherie israélienne commise par les
forces d'occupation, à Ghaza, lors de la
répression, vendredi, d'une marche
pacifique commémorant le quarante-
deuxième anniversaire de la « Journée
de la Terre», sous le slogan du
«grand retour» d'après le communiqué du
ministère des Affaires étrangères (MAE).
Le Conseil de
sécurité des Nations unies, pour sa part
n'a rien décidé. Réuni en urgence
vendredi soir sur les affrontements dans
la bande de Ghaza, a entendu les
inquiétudes quant à une escalade de la
violence, mais n'est pas parvenu à
s'entendre sur une déclaration commune.
«Le risque de l'escalade (de la
violence) est réel», a estimé devant le
Conseil le représentant français. «Il y
a la possibilité d'un nouveau conflit
dans la bande de Ghaza. Les Etats-Unis
et le Royaume-Uni ont exprimé des
regrets quant au calendrier de la
réunion -la Pâque juive a commencé
vendredi soir- synonyme d'absence de
responsables israéliens. «Il est vital
que ce Conseil soit équilibré» a dit à
la réunion le représentant
américain..Israël a rejeté les appels
internationaux à une enquête
indépendante. L'usage de balles réelles
par l'armée israélienne est au coeur des
interrogations de la communauté
internationale et des organisations de
défense des droits de l'homme.
Israël rejette
toute enquête
Vendredi 30 mars a
été la journée la plus meurtrière dans
la bande de Ghaza depuis la guerre de
2014: 16 Palestiniens ont été tués et
plus de 1400 blessés, dont 758 par des
tirs à balles réelles, selon le
ministère de la Santé dans l'enclave. Le
secrétaire général de l'ONU, Antonio
Guterres, ainsi que la représentante de
la diplomatie européenne Federica
Mogherini, ont réclamé une «enquête
indépendante» sur l'usage par Israël de
balles réelles, une demande rejetée par
l'Etat hébreu. De son côté, le ministre
de la Défense israélien Avigdor
Lieberman a qualifié d'«hypocrites» les
appels à ouvrir une enquête. «Il n'y
aura pas de commission d'enquête»,
a-t-il déclaré à la radio publique
israélienne. «Il n'y aura rien de tel
ici, nous ne coopérerons avec aucune
commission d'enquête.» (3)
Pour M.K.Bhadrakumar, l'horrible attaque
de 17 manifestants palestiniens non
armés et pacifiques vendredi par les
forces de sécurité israéliennes a une
fois de plus souligné que l'occupation
par Israël des pays arabes demeure
toujours la cause première de la crise
au Moyen-Orient. La revendication des
manifestants est qu'Israël devrait
accorder le droit aux 1,3 million de
réfugiés (selon les chiffres de l'ONU
des réfugiés enregistrés) de «rentrer
chez eux» d'où ils ont été chassés,
(...)Trump entouré, dont l'islamophobie
suinte de ses veines, il s'est
maintenant entouré de personnes aux vues
similaires, en particulier le nouveau
secrétaire d'État Mike Pompeo et le
conseiller à la sécurité nationale John
Bolton ainsi que l'ambassadrice des
États-Unis auprès de l'ONU Nikki Haley.»
(4)
La marche du désespoir des
Palestiniens
Un article du
journal Le Monde nous apprend un
peu plus sur cette marche pacifique:
«Des dizaines de milliers de
Palestiniens ont manifesté vendredi à
quelques mètres de la clôture qui les
sépare d'Israël. Au moins 16 ont été
tués par l'armée israélienne. Tels des
champignons de fer, les casques des
tireurs d'élite israéliens se dessinent,
immobiles, au sommet des collines. Des
officiers assurent la liaison radio à
leurs côtés. Une jeep passe dans leur
dos. Les manifestants palestiniens,
réunis près du camp de Bureij,
contemplent ce ballet. La distance qui
les sépare des soldats se compte en
centaines de mètres. Soudain, une balle
siffle, un corps s'effondre. On
l'évacue. On continue. Ce face-à-face a
duré toute la journée du vendredi 30
mars, le long de la bande de Ghaza.
Cette journée marque un succès amer pour
les partisans d'une résistance populaire
pacifique, qui ont constaté depuis
longtemps l'échec de la lutte armée.
D'autant que la supériorité
technologique de l'armée israélienne ne
cesse de s'accroître. La manifestation
de vendredi place cette armée sur la
défensive, obligée de justifier des tirs
à balles réelles sur des manifestants ne
présentant aucun danger immédiat pour
les soldats. (...) Mais contrairement
aux propos calibrés des autorités
israéliennes, personne n'a forcé les
Ghazaouis à sortir pour réclamer le
droit au retour des Palestiniens sur les
terres qu'ils ont perdues en 1948, au
moment de la création d'Israël. «Je
n'appartiens pas à une faction, mais à
mon peuple, résume Rawhi Al-Haj Ali, 48
ans, vendeur de matériaux de
construction. C'est mon sang et mon
coeur qui m'ont poussé à venir. (...)»
(5)
Non loin de lui,
dans la zone de rassemblement de
Jabaliya, dans le nord de la bande de
Ghaza, Ghalib Koulab ne dit pas autre
chose, sous le regard de son fils. «On
veut envoyer un message à l'occupant,
résume cet homme de 50 ans. On est
debout, on existe.» Dans le conflit
israélo-palestinien, les mots aussi sont
sacrifiés, vidés de leur sens. Dans
chacun des cinq lieux de rassemblement
prévus le long de la frontière a conflué
le peuple ghazaoui dans sa diversité, et
son dénuement. Vieillards et gamins,
femmes voilées et jeunes étudiantes
apprêtées, mais surtout jeunes hommes
sans avenir (...) Mais personne ne
contrôlait cette foule éclatée. Il est
tentant de dire que ces jeunes défiaient
la mort. En réalité, ils défiaient la
vie, la leur, qui ressemble à une longue
peine: celle des victimes du blocus
égyptien et israélien, enfermées depuis
bientôt onze ans dans ce territoire
palestinien à l'agonie. (...) «On ne
sera pas transférés dans le Sinaï
égyptien, comme le veulent les
Américains et les Israéliens! On
continuera jour après jour, jusqu'à ce
qu'on retrouve nos terres. Le processus
de réconciliation, amorcé sous les
auspices de l'Egypte en octobre 2017,
est au point mort, mais personne ne veut
signer l'acte de décès.»(5)
La colonisation continue: personne ne
proteste
Pendant ce temps
Israël accentue sa politique de
colonisation des Territoires
palestiniens. Selon un rapport de La
Paix maintenant, le nombre de nouveaux
logements a fortement augmenté en 2017.
L'an I de la présidence Trump, sans
surprise, a été marqué par une poursuite
des activités de colonisation en
Cisjordanie. Selon le rapport annuel
publié lundi par l'organisation
anti-occupation La Paix maintenant, 2783
nouveaux logements y ont été mis en
chantier en 2017. Ce décompte marque un
léger recul par rapport à l'année
précédente, mais il traduit une hausse
de 17% si on le compare avec la moyenne
des 10 années écoulées. Le nombre
d'appels d'offres passés pour de
nouvelles habitations (3154) a
simultanément atteint un niveau...
Au dernières
nouvelles , ce vendredi 6 avril jour
de prière. De nouveaux affrontements ont
éclaté ce vendredi 6 avril entre
manifestants palestiniens et soldats
israéliens près de la frontière entre la
bande de Gaza et Israël. Ces heurts
interviennent une semaine après des
violences sans précédent depuis 2014 qui
ont coûté la
vie à 19 Palestiniens.
Cinq Palestiniens
ont été tués et plus de 400 blessés par
des soldats israéliens. Des manifestants
ont incendié des pneus et lancé des
pierres sur les soldats israéliens
postés à la barrière de sécurité
séparant les deux territoires, selon des
correspondants de l'AFP sur place. Les
militaires ont riposté en tirant des gaz
lacrymogènes et des balles réelles (6).
Beaucoup de
commentateurs ont fait une analogie avec
les massacres de Sharpeville , sauf qu’à
l’époque le monde occidental avait banni
l’Afrique du Sud, qui fut par la
force des choses amenée à reconsidérer
sa politique d’apartheid.
Pourtant, la
conscience humaine devrait retenir le
bras vengeur de cette armée qui se dit
«la plus morale du monde» car mettre des
dizaines de snipers pour un tir aux
pigeons, sauf que le pigeon est un jeune
envahi par le désespoir, qui veut vivre
à en mourir dans une enclave où son
horizon est bouché. Il ne lui reste que
la solution finale; offrir sa poitrine
et mourir pour une cause de la liberté.
Ce qui est encore plus inhumain, c'est
ce que doit penser le sniper dont le
tableau de chasse est éloquent en fin de
journée. Il ôte la vie à des jeunes
comme lui qui ne demandent qu'à vivre
comme lui sur cette Terre de Palestine
dont il est difficile de parler
d'ethnie, la science ayant prouvé que
les Palestiniens et Israéliens
appartiennent au même peuple de
Cananéens.
Que certains
sionistes aient fait de la religion
judaïque un fonds de commerce au nom de
la race élue, ne doit pas porter
préjudice à un peuple qui revendique de
vivre sur les 18% de la Palestine
originelle. S'il est connu que les
Palestiniens n'ont rien à attendre des
pays occidentaux tétanisés par la faute
originelle, qui leur fait accepter
toutes les impunités d'un pays qui brave
une quarantaine de résolutions, ils sont
encore mal barrés concernant la
solidarité des pays arabes, encore plus
tétanisés qui regardent ailleurs et se
fendent de communiqués qui n'apportent
rien de nouveau. La direction
palestinienne s'est installée dans les
temps morts et il n'y a pas de relève à
l'horizon. Il est à craindre que la
conscience internationale regarde
ailleurs pendant qu'un peuple est en
train de disparaître en tant que nation.
« Est-ce ainsi
que les Hommes vivent » aurait dit
Aragon ?
1.
https://www.huffpostmaghreb.com/entry/ghaza-les-palestiniens-poursuivront-leur-protestation-apres-une-premiere-journee-meurtriere_mg_5abf3c94e4b0f112dc9c6f2f
2. http://www.elwatan.com/international/israel-commet-un-massacre-a-ghaza-31-03-2018-365426_112.php
3.
https://assawra.blogspot.fr/2018/04/israel-rejette-toute-enquete.html
4.
http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2018/03/31/palestine-still-remains-core-issue-in-middle-east/
5.
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/03/31/a-la-frontiere-de-la-bande-de-gaza-une-grande-marche-du-retour-pacifique-mais-meurtriere_5278985_3218.html#wREQ7JpikMuVjQ7V.99
6.
https://www.nouvelobs.com/monde/20180406.OBS4747/affrontements-a-gaza-5-palestiniens-tues-dans-des-heurts-avec-l-armee-israelienne.html
Article de
référence :
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur
_chitour/289893-la-resilience-du-peuple-palestinien-abandonne.htm
Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
Alger
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
Les dernières mises à jour
|