Actualité
Le FN et la grève :
la haine de classe sous le vernis
social
Bruno Guigue
Dimanche 29 mai 2016
En faisant grève, le monde ouvrier se
bat pour la défense des droits de tous
les salariés. Il utilise le seul moyen
légal dont il dispose pour combattre un
projet imposé par le dogmatisme libéral
de l’Union européenne. Face à cette
crise, que fait le Front national ? Il
salue le courage de ces compatriotes
attachés à un modèle social conquis de
haute lutte ? Il soutient le combat
difficile de ces ouvriers et de ces
employés appauvris par la crise et
menacés dans leur emploi ? Il affirme
une solidarité sans faille avec des
Français qui défendent leurs intérêts
contre le rouleau compresseur de la
mondialisation capitaliste ?
Non, le FN fait chorus avec les
chiens de garde de la presse bourgeoise.
Il dénonce la CGT. Il réclame qu'on
rétablisse l'ordre. "Certains
représentants syndicalistes, qui ne
représentent qu’eux-mêmes et qui sont
toujours aux abonnés absents quand il
s’agit de combattre les vrais problèmes
portent une lourde responsabilité dans
le chaos que connaît aujourd’hui le
pays", écrit Marine Le Pen. Et Marion
Maréchal-Le Pen en rajoute : "Ces
syndicalistes, ultimes adeptes d’une
lutte des classes périmée, n’ont aucun
scrupule à infliger à leurs concitoyens
des difficultés supplémentaires dans
leur quotidien." (pages fb officielles).
Sans vergogne, le FN exige à la fois
le retrait du projet gouvernemental et
la répression contre ceux qui le
combattent. "Que Manuel Valls cesse
d’avoir la main qui tremble et assume
son autorité en faisant cesser cette
stratégie du chaos alors que nous vivons
sous état d’urgence", exige Marion
Maréchal-Le Pen. Ce parti prétend
protéger le peuple français de la jungle
libérale ; il se veut la seule
alternative au système oligarchique ; il
se rêve en ultime recours contre la
décadence de la nation. Mais à la
première escarmouche avec l’oligarchie
financière, le FN détale comme un lapin.
Héroïque en paroles contre les diktats
de l’Europe libérale, il prend la poudre
d’escampette dès il s’agit de passer aux
actes.
Ainsi prône-t-il la restauration de
la souveraineté nationale, mais il la
range au vestiaire lorsque Bruxelles
veut liquider le modèle social français.
Quand les conquêtes historiques du
salariat français sont menacées par la
finance, le FN jette le masque et se
range du côté du manche. Lorsque les
droits des travailleurs sont en cause,
il se précipite de l’autre côté de la
barricade. Comme si l’abandon des
prérogatives nationales était
condamnable en matière monétaire et
acceptable en matière sociale, le FN
joue de l’accordéon. Il fustige le
libre-échangisme mondial côté cour, et
il crache sur les travailleurs qui le
combattent côté jardin. Il est contre
l’alignement de la France sur les
standards libéraux de l’UE, mais il
couvre d’insultes ceux qui s’y opposent
en faisant grève.
Au fond, la crise actuelle agit sur
le FN comme un révélateur chimique. Elle
fait craquer le vernis social d’un parti
dont la ligne "anti-système" n’est que
poudre aux yeux. En décrétant l’urgence
sociale, la grève ouvrière réactive son
fonds de commerce réactionnaire.
L’inspiration sociale que Florian
Philippot prétend incarner ne pèse pas
lourd lorsque les vieux réflexes de
classe prennent le dessus. Sous l’effet
de la mobilisation populaire, l’écran de
fumée de la rhétorique frontiste se
dissipe. Projetée par les événements au
cœur du débat, la question sociale
provoque le réalignement du parti sur
son ADN.
Grâce aux travailleurs en lutte, le
voilà donc dénudé, le roitelet lepéniste
: il nous montre ce qu’il a dans le
ventre, exhalant mépris de classe et
anticommunisme de bas étage. Loin d’être
surannée, la lutte des classes est un
fil à plomb redoutable. Le conflit en
cours rappelle à ceux qui l’auraient
oublié ce qu’enseigne l’expérience
historique : une barricade n’a que deux
côtés, et l’extrême-droite n’a jamais
été du côté des travailleurs. Dès
demain, elle enfourchera à nouveau son
cheval de bataille identitaire à seule
fin de les diviser, avec la complicité
d’un parti socialiste qui s’est vendu au
plus offrant.
Bruno Guigue (29/05/2016)
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