Politique
La double imposture
Bruno Guigue
Samedi 29 avril 2017
C’était couru d’avance. A l’issue d’un
premier tour truqué, nous voilà sommés
de faire barrage au “fascisme”. La
boucle est bouclée. On vole sa victoire
au peuple, on lui fait les poches, et
maintenant on le traite d’ordure parce
qu’il refuse de voter pour un maquereau.
En contrôlant la presse, les
milliardaires ont préempté le cerveau
des électeurs. Le citoyen est conduit
par la main, comme un enfant, vers
l’urne où il déposera son bulletin “Macron”.
On lui dit qu’il faut le faire pour
sauver la République, et il le croit.
Aucun risque, l’élection du gigolo est
assurée. Mais cela ne suffit pas. Il
faut encore s’acharner sur ceux qui
résistent au décervelage.
C'est d'autant plus
urgent que le mouflet est à la peine dès
qu’on entre dans le vif du sujet.
L'affaire Whirlpool, de ce point de vue,
est une véritable leçon de choses. Voilà
une entreprise qui va fermer parce que
ses actionnaires ont décidé de la
délocaliser dans un pays, la Pologne, où
la main d’oeuvre est plus docile. C’est
la “libre circulation des capitaux”,
comme disent les traités européens. Les
travailleurs sont mis en concurrence les
uns avec les autres, et le capital se
déplace là où les perspectives de profit
sont les plus alléchantes. Porte-parole
officiel de l’oligarchie, Jacques Attali
a utilisé une belle formule. Cette
affaire, a-t-il dit, est “anecdotique”.
Le pire, c’est que ce margoulin a
raison. Ce drame qui frappe 700
familles, hélas, c’est l’écume des
jours, c’est la rubrique des chiens
écrasés du capitalisme.
Décidé à faire son
numéro, l’oligarque poudré se rend alors
à Amiens. Et que dit-il aux ouvriers
jetés à la porte comme des malpropres ?
Que cette fermeture n’a rien à voir avec
la mondialisation, que l’Etat n’y peut
rien, et qu’il est venu pour parler du
plan social. Dès qu’on passe aux choses
sérieuses, l'idole des impubères qui
s'époumone en salle de concert s’aplatit
comme une crêpe devant les vrais
patrons. Celui qui a vendu Alstom aux
Américains liquidera notre patrimoine
industriel, il le mettra en pièces,
méticuleusement, tout en éblouissant les
gogos avec ses miroirs aux alouettes
façon “start-up”. Macron, c’est un
fossoyeur qui a seulement pris la
précaution de se faire blanchir les
dents.
Marine Le Pen ayant
saisi l'occasion de cette visite pour
lui tailler des croupières, le commis de
l’oligarchie se trouve alors en
difficulté. Vite, il faut inventer autre
chose pour le faire rebondir.
Heureusement, son équipe de com’ est à
la manoeuvre, et elle a un coup de
génie. Elle envoie le Don Juan, aussi
sec, faire un “selfie” avec le clocher
d’Oradour-sur-Glane, ce village français
qui fut martyrisé par les nazis. Le
message est d'une subtilité
impressionnante. Qu'on se le dise ! Si
vous ne votez pas pour le freluquet,
c’est que vous êtes un copain des SS.
“Non, pas ça, pas ça !” s’égosille en
meeting le chouchou du Cac 40. Avec lui,
“le fascisme ne passera pas” ! A défaut
de résister aux multinationales, Macron
aura au moins inventé une parodie
d’antifascisme, la gueulante au micro
tenant lieu d’acte de résistance, avec
sa voix éraillée de post-adolescent qui
se prend pour Radio-Londres.
Macron, rempart
contre le “fascisme” ? On pourrait
discuter de ce vocabulaire, mais si Le
Pen c’est le fascisme, alors Macron
c’est Von Papen. Que l’on sache, le
Casanova de la finance est le serviteur
attitré d’une oligarchie qui a sorti le
FN de la naphtaline, l’a nourri au
grain, et l’engraisse tous les jours en
dévastant la société française. Même si
elle en profite, ce n'est pas
l'extrême-droite qui a mis les
travailleurs en concurrence, détruit les
emplois industriels et plié devant le
diktat des marchés financiers. C'est
cette même bourgeoisie, cramponnée à ses
privilèges de classe, qui prétend
aujourd'hui nous guérir d’un cancer dont
elle est la cause. Qu'elle assume ses
turpitudes !
Lorsqu'on nous
conjure de combattre Le Pen en votant
Macron, c’est comme si on prescrivait un
remède dont on est sûr qu’il achèvera le
malade, ou comme si on nommait un
pédophile directeur d'école. Une
imposture n’en chasse jamais une autre,
surtout si elles se renvoient la balle.
Il suffit d'ouvrir les yeux pour voir
que l’antifascisme de Macron n'est que
du vent. Macron a besoin de Le Pen pour
se faire élire, car il est minoritaire
dans le pays. Le Pen a besoin de Macron
pour occuper la fonction protestataire
que le PS lui a offerte et que Mélenchon
a failli lui ravir. Pour lutter contre
l'extrême-droite, il faut aussi lutter
contre Macron et ceux qui le
soutiennent. Et si l’on veut purger la
France du nationalisme identitaire, il
faudra d’abord tordre le cou à
l’oligarchie qui est son tas de fumier.
Publié avec l'aimable autorisation de
l'auteur
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