Monde
Le doux parfum de la démocratie
Bruno Guigue
Mardi 25 août 2020
LE DOUX PARFUM DE LA DÉMOCRATIE
On connaît la
musique. A l'instar de BHL se
précipitant dans son jet privé pour
désigner les cibles à vitrifier, les
fauteurs de guerre civile mandatés par
les officines de l'ingérence sont
toujours à l'affût, chez les autres, de
la moindre secousse qu'ils transforment
alors, grâce à leurs sponsors
planétaires, en juteuse opportunité de
déstabilisation pour le compte de
l'impérialisme.
Ces dernières
semaines, on a ainsi pu voir comment,
ciblant la Biélorussie à l'occasion
d'une crise politique, les vautours du
droit-de-l'hommisme se sont jetés comme
la vérole sur ce pays dont ils
ignoraient tout la veille.
Manifestement, ils rêvent d'en faire un
nouveau bantoustan au profit de
l'oligarchie mondialiste en y ouvrant
les vannes, de gré ou de force, de la
grande braderie néolibérale.
On ne fera croire à
personne que c'est l'autoritarisme du
président Loukachenko, au pouvoir depuis
26 ans, qui arrache des larmes de
crocodile à ces belles âmes
occidentales. Car le fait est qu'elles
sont beaucoup moins regardantes sur le
respect des droits de l'homme
lorsqu'elles tapinent pour les
monarchies du Golfe.
En réalité, s'il
est pris pour cible, c'est surtout parce
que le pouvoir biélorusse, dont nul ne
prétend qu'il est sans reproches, entend
néanmoins préserver les acquis sociaux
et le patrimoine national hérités de la
période soviétique en les soustrayant
aux convoitises d'une finance prédatrice
et prompte à démolir tout ce qu'elle
touche. Et de mémoire d'homme, on n'a
jamais vu une politique d'ingérence se
faire au profit de qui que ce soit
d'autre que de celui qui la pratique.
Au IVe siècle avant
notre ère, Aristote ironisait déjà en
faisant observer que "nous n'allons tout
de même pas, nous les Grecs, nous mettre
à délibérer sur les affaires qui
concernent les Scythes". Il est
ahurissant de voir que l'admission d'une
règle aussi simple, dans le cerveau
d'homo occidentalis, échoue encore à
passer la rampe de la perception la plus
élémentaire.
On se demande bien
à quel titre les régimes politiques
occidentaux, d'ailleurs, sont fondés à
donner des leçons de morale à la planète
entière. Et il faut vraiment que le
monde ait été frauduleusement mis à
l'envers pour qu'on finisse par prendre
leur propension historique au crime de
masse pour un certificat de vertu et
d'exemplarité.
A croire que
l'idéologie dans laquelle nous barbotons
comme des canards a de surprenantes
vertus alchimiques : elle transforme la
merde en parfum. La politique
occidentale a beau empiler les cadavres,
cette compulsion n'est jamais imputée à
son essence même. Cette brutalité n'est
qu'accident de l'histoire, égarement
passager, vagues péripéties rapidement
plongées dans l'oubli par les mécanismes
de la mémoire sélective.
On peut vitrifier
les Libyens à sa guise, transformer
l'Afghanistan en champ de ruines, livrer
les Syriens à Al-Qaida, tenter de mettre
l'Iran à genoux, faire crever les
enfants vénézuéliens en les privant de
médicaments, après tout ce n'est jamais
que du menu fretin. De la volaille au
teint basané vouée à l'immolation
sacrificielle par les grands prêtres de
la démocratie et des droits de l'homme.
Sur l'échelle de
Richter du massacre à la tronçonneuse,
il y a longtemps que la démocratie
occidentale a dépassé toutes les
prévisions. Chapelets de bombes sur les
Coréens, les Vietnamiens, les
Cambodgiens, les Irakiens, les
Palestiniens, les Syriens, les Libyens,
les Afghans, les Yéménites. Guerre par
procuration, blocus, guerre économique,
action clandestine, coup d’État,
manipulation de la terreur : la panoplie
est inépuisable, le résultat édifiant.
Soyons fiers et exportons notre
savoir-faire !
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