Analyse
Salve de missiles dans le ciel de Damas
Bruno Guigue
Samedi 14 avril 2018
C’est fait. Le gang
Washington-Paris-Londres vient de
bombarder la Syrie. Abdiquant toute
pudeur, l’habituel trio expert en coups
tordus a expédié ses engins de mort sur
un Etat-membre des Nations Unies. A
grand renfort de missiles, un Occident
déclinant a joué les durs à distance, se
gardant bien d’affronter sur le terrain
un adversaire qui lui mettrait une bonne
fessée. En attaquant l’appareil
militaire syrien, cette coalition
étriquée conduite par des pantins
vaniteux a cru que sa quincaillerie de
luxe lui permettrait de s’imposer. Mais
c’est oublier que la donne stratégique
change à toute vitesse. En matière
militaire, il y a loin de la coupe aux
lèvres, surtout lorsque l’objectif à
atteindre est fantasmatique.
Expérimentée sous la présidence de Bill
Clinton, la technique des frappes
chirurgicales vient de connaître un
nouvel avatar, dont il n’est pas sûr
qu’il soit le plus réussi.
N’en déplaise à des
dirigeants auto-satisfaits, cette
opération-éclair a brillé par sa
nullité, et sa fourberie politique n’a
eu d’égale que son inanité militaire. En
réalité, le bilan est proche de zéro.
Aucun résultat opérationnel, aucun
impact psychologique, aucun intérêt
politique. Ce fut tout juste une pluie
de pétards mouillés sur Damas, un
exercice d’entraînement grandeur nature
pour la défense anti-aérienne syrienne,
un tir au pigeon où le missile
occidental, ce joujou prétentieux, a
fini par jouer le rôle du pigeon. Les «
beaux missiles » de Trump ont fini en
morceaux, pitoyables tas de ferraille
destinés au futur musée de
l’impérialisme à Damas. Ce résultat est
d’autant plus significatif que la
Défense contre avions (DCA) syrienne a
combattu seule l’agresseur étranger,
sans l’aide de ses alliés, même si
l’appui technique russe a sans doute
joué un rôle décisif.
Même désastre sur
le plan de la guerre psychologique. On
ne s’imaginait quand même pas, à
Washington, Londres et Paris, que le
peuple syrien serait tétanisé par cette
lâche agression. Elle a plutôt produit
l’effet inverse, car la couardise de
l’adversaire, en général, consolide le
moral des troupes. Les premières images
en provenance de Damas furent celles
d’une population souriante, brandissant
fièrement le drapeau national et le
portrait du président Bachar Al-Assad.
Les trois pieds nickelés de la
géopolitique n’impressionnent pas les
Syriens. En détruisant les trois quarts
des missiles ennemis, la défense
anti-aérienne syrienne a résumé à sa
façon la réponse de ce peuple courageux
à l’agresseur néo-colonial. La DCA de
l’armée arabe syrienne est comme la
métaphore d’un peuple qui résiste
victorieusement, depuis 2011, à une
tentative de destruction multiforme.
Bien entendu, les
fauteurs de guerre occidentaux ont fait
tourner les rotatives d’une propagande
mensongère pour tenter de justifier leur
entreprise erratique. Mais la
supercherie a fait long feu. Il
s’agissait, dit-on, de punir le régime
syrien pour l’emploi de l’arme chimique
contre les civils de la Ghouta. Mais où
sont les preuves détenues par les trois
agresseurs ? On nous répond qu’elles
sont accablantes, mais qu’il est
impossible de les communiquer, car elles
sont « classifiées ». Un enfant de
quatre ans comprendrait le stratagème.
S’il y a des « preuves », au demeurant,
on pourrait les trouver sur place, et
c’est pourquoi l’Organisation
internationale pour l’interdiction des
armes chimiques a accepté l’invitation
du gouvernement syrien. Mais le jour
même de l’arrivée de ces experts, le
trio occidental a bombardé Damas.
Inutile de faire un dessin : quand on
accuse sans preuves un coupable désigné
d’avance, on n’a pas besoin d’enquête.
En réalité, la
politique belliciste d’un Occident en
mal d’hégémonie pourrit tout ce qu’elle
touche. Elle brandit les droits de
l’homme, mais c’est pour soutenir les
terroristes. Elle chante les louanges du
droit international, mais c’est pour
mieux l’anéantir. Elle parle de
démocratie, mais elle la viole à
domicile tout en déniant aux autres
nations le droit à l’autodétermination.
Quand Macron annonce qu’il va « punir »
le président syrien lors d’une
conférence conjointe avec le prince
héritier d’Arabie saoudite, il se moque
du peuple français. La triplette
belliciste USA/France/Grande-Bretagne
est comme la grenouille qui veut être
plus grosse que le bœuf. Elle s’imagine
qu’elle est le centre du monde alors
qu’elle en est l’appendice. Elle est
seulement le club de l’oligarchie
occidentale, mais elle se prend pour la
« communauté internationale ». Et
lorsque le monde assiste médusé à une
fanfaronnade où le criminel le dispute
au grotesque, elle s’imagine qu’elle a
remporté une victoire. Cette salve de
missiles sur la Syrie ne changera rien
au cours des événements. La Ghouta est
libérée, et les autres provinces le
seront bientôt. La guerre à distance
menée par les ennemis de la Syrie est
perdue d’avance.
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