Monde
L'élection de Trump,
doigt d'honneur au mythe américain
Bruno Guigue
Vendredi 11 novembre 2016
Chez nous, la caste politico-médiatique
a toujours adoré l'Amérique. Adepte de
l'américanisation du monde, elle s'est
abandonnée avec délice à son pouvoir
d'enchantement. Elle en singe les
coutumes et les travers avec une
fidélité à toute épreuve. Pour elle,
l'Amérique, c'est "New York, New York",
Manhattan et la statue de la Liberté. Ce
Nouveau Monde est le paradis de la libre
entreprise, une nation bénie du Créateur
où le génie humain fait reculer les
frontières du possible. Qu'elle soit
toujours plus puissante, plus
rayonnante, et l'humanité ne pourra que
bénéficier de sa lumière.
Comme
disait O'Sullivan au XIXème siècle, "les
Etats-Unis ont pour destinée de
démontrer au genre humain l'excellence
des principes divins". Tout ce que
l'Amérique fait pour sa propre gloire ne
peut que rejaillir en une pluie de
bienfaits sur le reste de l'humanité.
Chez nos politiciens professionnels,
magnats de la presse et faiseurs
d'opinion, l'allégeance à Washington est
devenue une seconde nature. C'est le
ticket d'entrée exigé pour l'admission
dans la caste supérieure. Inconsciemment
ou non, elle a toujours adhéré à cette
formule d'un héros de Melville : "Pour
la première fois dans l'histoire de
l'humanité, l'égoïsme national est de la
philanthropie sans limite : car nous ne
pouvons faire du bien aux Américains
sans faire l'aumône au monde".
Mais
ce mythe auquel la caste dirigeante
voulait croire parce qu'il lui donnait
bonne conscience s'est subitement
évanoui le 8 novembre. Pour incarner une
Amérique forte, généreuse, et nous
irradiant de ses bienfaits, l'oligarchie
a commis l'impair de choisir Hillary
Clinton. Terrible erreur de casting.
S'aveuglant sur sa propre puissance,
elle a opté pour le sous-produit le plus
frelaté du système politique américain.
Elle vomissait Trump parce qu'il était
machiste et grossier, mais elle a
encensé Clinton malgré les relents
nauséabonds d'une corruption sans
limite. Elle reprochait à Donald de
parler gras, mais elle a préféré oublier
le mari d'Hillary dont la castration
chimique eût été une mesure de salubrité
publique. Plus sérieusement, elle
accusait Trump de racisme, mais la
jouissance jubilatoire de Clinton devant
le cadavre de Khadafi valait bien toutes
les saillies démagogiques du candidat
républicain.
Les
bonnes consciences de tous bords qui ont
soutenu Clinton n'ont pas voulu le voir,
mais la réalité est têtue. On ne fera
admettre à aucun esprit sensé qu'il est
plus grave de vouloir mettre fin à
l'immigration illégale aux USA que de
répandre le chaos au Moyen-Orient en se
servant d'organisations terroristes. Il
est odieux de vouloir fermer
provisoirement l'entrée du territoire
américain aux musulmans étrangers, comme
l'a annoncé Donald Trump. Mais il est
abject de recevoir dix millions de
dollars d'une monarchie dégénérée dont
on sait (en le cachant au peuple
américain) qu'elle finance le
terrorisme. C'est pourtant ce qu'a fait
Hillary Clinton, amie de François
Hollande et coqueluche des médias.
Avec
Clinton, l'Amérique de Washington et
Lafayette s'est vautrée dans la fosse à
purin. Qu'ont fait les élites
politico-médiatiques européennes ? Elles
ont fait comme si de rien n'était en se
bouchant les narines. Le résultat ne
s'est pas fait attendre. L'outsider
Donald Trump a ravi la mise le 8
novembre. Mais avec lui, c'est une autre
Amérique qui est sortie du chapeau.
Adieu le jazz, le musée Guggenheim et
les sunlights de Broadway. Bonjour les
pedzouilles du Kentucky, la NRA et les
matchs de catch ! En prenant d'assaut la
Maison blanche, Trump a fait un
gigantesque doigt d'honneur au mythe
américain. Et c'est une Amérique
insoupçonnée qui a subitement jailli à
la face enfarinée de tous les gogos de
droite et de gauche qui se pâmaient
devant un modèle qui sentait le moisi.
Du
coup, l'idylle est bel et bien terminée.
La caste n'aime plus l'Amérique ! Comme
une maîtresse frivole, elle repousse ce
prétendant dont elle découvre qu'il aime
une musique de plouc et qu'il a
l'haleine chargée à la bière vendue en
promotion à la supérette du coin.
L'Amérique, une "nation exceptionnelle"
? Tu parles ! Des bouseux qui votent
pour un démagogue, la voilà la nouvelle
Amérique. BHL a même dit que "le peuple
américain s'était suicidé". C'est lui,
pourtant, qui avait l'air d'un
mort-vivant. Sur sa face hâlée de
mauvais acteur, on lisait le désarroi
d'un cocu qui aimerait mettre une
torgnole à son rival mais qui sait qu'il
en est incapable, même en rêve. Ce
soir-là, il était le symbole de la caste
dont le rêve absurde d'une Amérique
virginale vient de se fracasser sur le
mur du pays profond.
Bruno
Guigue (11/11/2016)
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