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Trump conspire-t-il
pour lancer une
guerre contre l'Iran ?
Bill Van Auken

Trump
rencontre Nétanyahou le lundi 27 janvier
2020 [Credit: The White House]
Mardi 17 novembre 2020
La Maison-Blanche
de Trump se prépare-t-elle à lancer une
guerre d’agression contre l’Iran dans le
cadre de sa tentative de coup d’État
visant à annuler le résultat des
élections de 2020 et à instaurer une
dictature présidentielle ?
C’est une question
que se pose avec une urgence croissante
les milieux militaires et du
renseignement à Washington et en Israël,
alors que le secrétaire d’État américain
Mike Pompeo entreprend la visite de sept
pays, principalement Israël et les
monarchies pétrolières du Golfe, qui
constituent l’axe anti-iranien cultivé
par le gouvernement Trump.
La semaine
dernière, Pompeo avait déjà répondu à la
question d’un journaliste en déclarant
qu’il y aurait une «transition en
douceur vers un second gouvernement
Trump». Dans ce contexte, les deux
principaux quotidiens israéliens de
langue anglaise, Haaretz et le
Jerusalem Post, ont mis en avant
dans leurs éditions numériques la menace
d’une guerre contre l’Iran.
«Netanyahu va-t-il
frapper l’Iran? Peu probable, mais Trump
pourrait le faire», titre Haaretz.
Le Jerusalem Post demande:
«Israël et les Etats-Unis prévoient-ils
d’attaquer l’Iran?»
Les conjectures
quand à une guerre contre l’Iran ne
viennent pas que de la toute première
apparition prévue d’un secrétaire d’État
américain dans une colonie sioniste en
Cisjordanie occupée. Au début de cette
semaine, l’ancien conspirateur
irano-américain Elliott Abrams, qui est
l’envoyé spécial du gouvernement Trump
pour l’Iran et le Venezuela, est arrivé
en Israël pour s’entretenir avec le
Premier ministre Benjamin Netanyahu. Et
le Jerusalem Post a rapporté que
le chef d’état-major interarmées
américain, le général Mark Milley, a
tenu un appel vidéo jeudi avec son
homologue, le chef d’état-major des
forces israéliennes, Aviv Kochavi.
Les gouvernement
Trump et Netanyahu s’opposent à tout
assouplissement, par un nouveau
gouvernement Biden, du régime de
sanctions de «pression maximale» imposé
à l’Iran suite à l’abrogation
unilatérale par Washington de l’accord
nucléaire de 2015, conclu entre Téhéran
et les principales puissances. Alléguant
un soutien de l’Iran au «terrorisme» et
une menace supposée permanente, issue de
son programme nucléaire civil,
l’impérialisme américain est déterminé à
éliminer l’Iran en tant que rival
hégémonique dans la région du Golfe
persique riche en énergie et allié
économique et militaire de la Chine.
Une incroyable
frénésie de contacts israélo-américains
s’est produit immédiatement après la
défaite de Trump aux élections dans le
contexte d’une purge générale de hauts
responsables du Pentagone, à commencer
par le secrétaire à la Défense Mark
Esper, renvoyé sur un tweet et remplacé
par un ancien colonel des forces
spéciales et loyaliste de Trump peu
connu, Christopher Miller.
Trump a nommé
d’autres loyalistes de droite, connus
pour leurs positions anti-iraniennes
extrêmes, à des postes de haut niveau.
Parmi eux, le général à la retraite et
commentateur de Fox News Anthony Tata,
qui occupe le troisième poste au
Pentagone, celui de sous-secrétaire à la
Défense pour la politique. On avait
contraint Trump à annuler sa précédente
nomination de Tata à ce poste en raison
de précédentes déclarations dénonçant
Barack Obama comme un «leader
terroriste» et appelant à l’exécution de
l’ancien directeur de la CIA, John
Brennan. Trump a également nommé Ezra
Cohen-Watnick, un politicien d’extrême
droite de 34 ans, et Kash Patel, qui a
joué un rôle clé dans la campagne de
Trump pour déterrer des informations sur
Joe Biden en Ukraine. Il les a désignés
respectivement comme sous-secrétaire à
la Défense pour le renseignement et chef
de cabinet du secrétaire à la Défense.
En outre, Miller,
le nouveau secrétaire à la Défense, a
engagé comme conseiller principal le
colonel retraité Douglas Macgregor. Ce
dernier est connu pour son plaidoyer en
faveur de la loi martiale à la frontière
américaine et de l’exécution
extrajudiciaire de migrants et de
réfugiés.
Bien plus
circonspect que la presse israélienne
tout en reconnaissant le caractère sans
précédent de la purge du Pentagone, le
New York Times a déclaré: «Rien
ne prouve jusqu’à présent que les
nouveaux nommés aient un agenda secret
sur l’Iran ou pris leurs fonctions avec
un plan d’action en main». Mais il a
ajouté: «Il est possible que ce
bouleversement puisse présager une
période volatile et dangereuse, incluant
même des opérations ouvertes ou secrètes
contre des adversaires comme l’Iran».
Qu’une telle cabale
de militaristes fascistes occupe des
postes politiques clés au Pentagone, en
plein milieu des tentatives de Trump de
renverser le résultat de l’élection,
fait peser la menace directe qu’on
utilisera l’armée américaine pour
réprimer l’inévitable éruption massive
d’opposition populaire à la tentative de
coup d’État en cours, ainsi qu’à toute
nouvelle guerre.
L'hostilité de
Trump envers Esper a son origine dans
les événements de début juin, où
l’ex-secrétaire à la Défense s'était
dissocié des menaces du président
d'invoquer la Loi sur l'insurrection et
de déployer des troupes régulières de
l'armée dans les rues pour attaquer les
manifestations contre la violence
policière.
Après l’éviction d’Esper,
le général Milley a convoqué une réunion
des chefs d’état-major, et a tenu le
même jour une conférence téléphonique
avec les commandants des unités de
combat américaines. Il ne fait aucun
doute que lui et d’autres tâtent le
terrain pour savoir qui, parmi les hauts
gradés de l’armée, soutiendrait le coup
d’État de Trump et qui s’y opposerait.
Lors d'une
cérémonie de la Journée des anciens
combattants marquant l'ouverture d'un
nouveau musée de l'armée, Milley a
prononcé un discours dans lequel il a
souligné avec force: « Nous sommes
uniques parmi les militaires. Nous ne
prêtons pas serment à un roi ou à une
reine, à un tyran ou à un dictateur.
Nous ne prêtons pas serment à un
individu... Nous prêtons serment à la
Constitution. »
Une attaque de
l’Iran, que ce soit de son programme
nucléaire civil ou d’autres cibles
stratégiques, pourrait fournir à Trump
une sorte de «surprise de décembre». Un
acte de guerre destiné à choquer
l’opinion publique et à créer les
conditions politiques pour la
consolidation d’une dictature
présidentielle.
Le fait qu'une
telle attaque provoquerait sans aucun
doute des représailles iraniennes,
menaçant la vie de milliers de soldats
américains déployés dans la région,
serait le résultat souhaité d'une telle
provocation. Représentant les sections
les plus impitoyables de l'oligarchie au
pouvoir aux États-Unis, Trump a présidé
à la mort inutile d'un quart de million
d'Américains lors de la pandémie de
COVID-19. Des pertes massives parmi le
personnel militaire américain dans la
région du Golfe Persique seraient un
prix modique en termes de calculs
politiques du gouvernement.
Au vu de tels
événements, on compterait sur Biden et
le Parti démocrate pour qu’ils se
subordonnent au nouveau «président en
temps de guerre». Les Démocrates se sont
toujours opposés au gouvernement Trump
depuis la droite, l’accusant d’avoir été
«trop doux» envers la Russie et la
Chine. Quant à leur réaction à
l’inquiétant bouleversement au
Pentagone, elle a été d’avertir qu’il
pourrait rendre l’impérialisme américain
vulnérable pour «ses ennemis».
Dans une interview
récent au quotidien allemand Der
Spiegel, l’amiral à la retraite
James Stavridis, qui a été commandant
suprême des forces alliées de l’OTAN en
Europe et a travaillé comme conseiller
principal du Pentagone, a mis en garde
contre «le grand danger de cette
situation».
Le président
américain, a-t-il déclaré, «a toutes les
options entre ses mains». Et de
poursuivre: «Il peut ordonner n’importe
quel type d’opération militaire, même
une attaque avec des armes nucléaires.
De plus, maintenant on a des gens qui se
trouvent au sommet qui n’ont aucune
expérience. Mais cela ne les empêche pas
d’avoir des idées dangereuses. Par
exemple, Trump pourrait provoquer une
escalade en faisant patrouiller les eaux
internationales au large de la Chine par
la marine américaine. Il peut même
ordonner des frappes militaires ciblées
contre son ennemi déclaré, l’Iran».
Ce qui sous-tend
bien plutôt ce danger cependant, ce
n’est pas seulement le complot de Trump
mais la crise insoluble de
l’impérialisme américain. A l’intérieur,
ce qui reste de ses institutions
démocratiques s’effondre sous le poids
d’une inégalité sociale insoutenable,
tandis qu’à l’extérieur, il a tenté au
cours des décennies — avec des
gouvernements démocrates comme
républicains — d’inverser le déclin de
son hégémonie mondiale au moyen
d’agressions militaires. Ces tendances
de développement convergent dans la
crise politique sans précédent entourant
l’élection 2020 et ses conséquences.
On ne peut pas
mener la lutte contre la menace de
guerre et de dictature dans le cadre du
conflit entre les Démocrates, un parti
de Wall Street et de l’appareil
militaire et de renseignement, et le
gouvernement Trump. Cela nécessite la
mobilisation politique indépendante de
la classe ouvrière en lutte pour la
grève générale politique pour vaincre la
conspiration dictatoriale de Trump et
faire avancer le combat pour la
transformation socialiste de la société.
(Article paru
d’abord en anglais le 14 novembre 2020)
Le
dossier Iran
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