Syrie
Syrie : Le scandale des « Groupes
armés non étatiques » de M. Ban Ki-moon
Bachar al-Jaafari
Vendredi 30 octobre 2015
Le 27 octobre 2015, a eu lieu
une énième réunion du Conseil de
sécurité consacrée à la situation en
Syrie. Le Secrétaire général adjoint des
Nations Unies aux affaires humanitaires,
Stephen O'Brien, s’est fondé sur le
rapport mensuel préparé par les bons
soins de son chef, M. Ban Ki-moon [1].
Et, pour
la énième fois, l’envoyé permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies, le
Docteur Bachar al-Jaafari, s’est évertué
à aider ses collègues à lire entre les
lignes des rapports tendancieux qui se
succèdent, désignant les choses par leur
nom, décrivant la situation telle
qu’elle est, autant que faire se peut vu
le temps qui lui est imparti et la
surdité volontaire de ceux qui ne
veulent pas entendre raison.
En tout
cas à l’heure où nous achevons la
traduction de cette intervention du Dr
Al-Jaafari, les gens d’Alep ont
parfaitement intégré qu’il n’y a plus
aucun distinguo à faire entre les
dizaines de factions terroristes qui ont
massacré, endeuillé, pillé, maltraité et
détruit leur ville. Daech, Jabhat Al-Nosra
et leurs sœurs se sont toutes alliées
pour couper toutes ses artères et tenter
de la saigner à mort. Une alliance qui
prouve que le terrorisme qui frappe la
Syrie n’est divisible en factions
ennemies que pour la propagande et les
larcins, et que les cellules d’opération
des pays de l’OTAN et de leurs alliés
régionaux, dispersées dans les pays
limitrophes pour diriger de plus près la
guerre contre le peuple syrien, ont
sonné le rassemblement devant l’avancée
de l’Armée syrienne soutenue par
l’aviation militaire russe, et donc
devant l’éventualité de l’échec de leur
stratégie criminelle. [NdT].
Monsieur le
Président,
« La folie
c’est de faire toujours la même chose et
de s’attendre à un résultat différent »,
disait Einstein. Mais, soixante ans
après son décès, certains gouvernements
ne semblent pas avoir intégré cette
vérité et persistent à commettre les
mêmes fautes sur la base des mêmes
calculs erronés s’attendant, à chaque
fois, à des résultats différents.
Il est prouvé
que l’ingérence étrangère dans les
affaires intérieures des États ne mène
qu’à leur destruction, engendrant
opportunément les crises humanitaires et
le chaos, les transformant en usines de
fabrication d’extrémistes et de
terroristes.
C’est
exactement ce qui s’est passé quand ils
ont détruit l’Irak, la Libye et d’autres
pays. C’est exactement ce qui se passe
depuis qu’ils nous ont expédié Daech,
Jabhat al-Nosra, Khorassan et d’autres
encore ; le terrorisme possédant
désormais un État ou un Khalifat, comme
certains se plaisent à le qualifier.
Malgré cela,
les mêmes gouvernements ayant enfreint
la logique qui veut que les mêmes causes
produisent les mêmes effets, insistent à
appliquer la même recette empoisonnée en
Syrie et à user des mêmes slogans
mensongers, en dépit des dévastations
consécutives à leur ingérence, dont
l’ampleur est reconnue par tous, y
compris les planificateurs. Témoin en
est la dernière sortie de l’ex-premier
ministre de Grande Bretagne, Tony Blair,
nous avouant vingt-deux ans après
l’invasion de l’Irak par les États-Unis
qu’elle s’était fondée sur des
« informations fausses » [2] et
mensongères.
Et nous
voici, quatorze années après l’attaque
terroriste sur le World Trade Center à
New York, bien obligés de constater que
les stratégies appliquées dans le cadre
de la « Guerre contre le terrorisme »
ont créé cent Ben Laden au lieu d’un, et
des dizaines d’organisations ayant
adopté l’idéologie d’Al-Qaïda dans
plusieurs pays au lieu d’une seule en
Afghanistan, le terrorisme s’étant
propagé jusqu’aux pays de ses créateurs
et promoteurs.
Monsieur le
Président,
La situation
humanitaire en Syrie revient à ce même
constat, étant donné que certains
gouvernements prétendent vouloir y
remédier en continuant de refuser la
priorité à la lutte contre le
terrorisme, en poursuivant leurs mesures
économiques coercitives et unilatérales
contre le peuple syrien, en dénigrant le
rôle du gouvernement syrien jusqu’à
décliner toutes ses offres de
coordination aussi bien dans le domaine
de l’assistance humanitaire que dans le
domaine de sa guerre contre le
terrorisme. Tant et si bien qu’au bout
de bientôt cinq années, il est clair
pour tout le monde que la situation et
les souffrances du peuple syrien ont
empiré au point qu’une partie de ce
peuple a été obligée de se déplacer,
voire à émigrer.
Par
conséquent, si nous voulons vraiment
obtenir des résultats positifs et
permanents en matière de situation
humanitaire en Syrie, il faudrait faire
quelques pas dans ce sens.
-
Le premier pas
consisterait à nous concentrer
sur
la raison principale ayant engendré
cette situation, c'est-à-dire sur
l'émergence
et la propagation du
phénomène terroriste, toujours
soutenu de l’étranger,
en appliquant les résolutions contraignantes du
Conseil de
sécurité 2170,
2178
et
2199, relatives à ce
sujet, en coordination et avec la pleine
coopération du gouvernement
syrien.
L'obstination
de ceux dont le seul souci est de
diffamer le gouvernement syrien, le
président syrien et l'armée syrienne,
préférant la coopération avec le démon
terroriste à la collaboration avec
l’État syrien pour le combattre, est
absurde et sans aucun rapport avec les
règles de la pensée et du comportement,
ou avec les principes des sciences
politiques et stratégiques.
Une absurdité
qui s’est soldée par l’expédition de
dizaines de milliers de mercenaires
terroristes étrangers en Syrie et en
Irak, à partir de plus d'une centaine de
pays ; ceci, selon neuf rapports issus
de ce respecté Conseil et des Comités de
lutte contre le terrorisme qui lui sont
rattachés [3].
En effet,
Daech, Jabhat al-Nosra et leurs sœurs,
ne sont pas venues du vide, mais de ceux
qui les ont adoptées, financées,
entraînées, facilitant leur transport
dans les aéroports et aux frontières,
leur offrant tous les visas nécessaires,
les aidant à écouler le pétrole et les
antiquités volés par l’intermédiaire de
médiateurs turcs. Ceux-là ne peuvent
être qualifiés d’« opposition syrienne
armée non étatique ». Ceux-là relèvent
du « terrorisme international » !
Par
conséquent, il faut mettre fin à ce type
d’expressions inexactes, tout autant
qu’aux pratiques de certains
gouvernements qui continuent à financer,
armer et entraîner ces terroristes.
On ne peut
parler de mettre fin aux souffrances des
Syriens, et donc à la crise humanitaire
en Syrie, en gardant le silence sur les
agissements de la Turquie et de la
Jordanie qui continuent à faire de leurs
territoires des lieux de résidence et de
passage pour mercenaires terroristes
étrangers.
On ne peut
parler de mettre fin aux souffrances des
Syriens en affichant sa préférence pour
des régimes tels ceux de l’Arabie
saoudite, du Qatar et d’autres, qui
soutiennent ouvertement et très
généreusement ces mêmes terroristes, au
lieu de renforcer les fonds du « Plan de
réponse humanitaire ». Un plan qui n’a
été financé qu’à hauteur de 35 % en
dépit de tous les congrès spectaculaires
tenus ici ou là dans ce but, tandis que
les États-Unis déclarent avoir dépensé
un demi-milliard de dollars sur le
« Programme d’entrainement de
l’opposition syrienne modérée », dont
seuls cinq éléments seraient restés à
leur disposition, les autres étant
passés dans le camp des terroristes
d’Al-Nosra, qui a confisqué les armes et
équipements qu’ils leur avaient
gracieusement fournis. Un demi-milliard
de dollars qui aurait suffi à combler
une large part du déficit de financement
de l’assistance humanitaire prévue.
-
Le deuxième pas
consisterait à soutenir la guerre contre
le terrorisme qui aidera à résoudre la
crise humanitaire en Syrie tout en
contribuant à accélérer la solution
politique, laquelle devra reposer sur le
dialogue entre Syriens et sous direction
syrienne, sans aucune ingérence
étrangère de telle sorte que soient
garanties la souveraineté,
l'indépendance, l'unité et l'intégrité
territoriale de la Syrie ; ceci, selon
le contenu de la déclaration de Genève,
de toutes les résolutions du Conseil de
sécurité relatives à la Syrie, et avant
tout selon les dispositions de la Charte
des Nations Unies et des principes du
droit international.
Monsieur le
Président,
À ce sujet,
j’aimerais rappeler que le gouvernement
syrien a annoncé, par la voix de son
ministre des Affaires étrangères au sein
même de l'Assemblée générale des Nations
Unies, son consentement à participer aux
« Groupes de travail » proposés par
l'émissaire de l'ONU en Syrie, M.
Staffan de Mistura, et ceci parce que
nous croyons en la nécessité d’une
solution politique.
Le problème
réside dans l’acharnement de certaines
parties à faire échouer le processus
politique et à parier sur l’étranger,
exactement comme ce fut le cas avec
l'initiative de M. de Mistura consistant
à « geler » les zones de combats à Alep,
et avant cela lors des pourparlers de la
Conférence de Genève 2, et encore avant
avec le plan de Kofi Annan. Ce qui ne
les empêche pas de prétendre injustement
que le gouvernement syrien rejette la
solution politique, alors que vous devez
vous rappeler qu’ils ont refusé ces
initiatives.
Et voilà que
le dernier rapport du Secrétaire général
des Nations Unies, lequel est le
vingtième de la série rendant compte
tous les trente jours de l’application
des résolutions 2139 / 2165 / 2191 par
toutes les parties du conflit en Syrie,
est une fois de plus partial et politisé
avec nombre de lacunes et
d’inexactitudes.
En réponse, nous avons adressé
hier une lettre à la Présidence du
Conseil de sécurité et aussi au
Secrétaire général, mais je me
contenterai de souligner ici que ce
rapport a omis de rendre compte des
bombardements aériens par ladite
« Coalition » [Coalition internationale
d’une soixantaine de pays menée par les
USA pour combattre l’EI ou Daech ; NdT]
de civils innocents et de diverses
infrastructures en Syrie : routes,
ponts, raffineries de pétrole, écoles,
hôpitaux…
Ces attaques n’ont même pas
épargné l’unique centrale électrique qui
nourrit la ville d’Alep, ni un centre
pour enfants nécessitant des soins
spéciaux dans la ville de Raqqa, centre
détruit et des dizaines de ses enfants
pensionnaires tués ! Tout ceci, sous le
prétexte de s’attaquer à Daech, alors
qu’après plus d’une année de leur guerre
contre cette organisation, nous n’avons
assisté qu’à l’augmentation du nombre de
ces terroristes expédiés de l’étranger
et à l’expansion de leurs zones
d’occupation.
Devant un tel
rapport du Secrétaire général, la
question qui s’impose est pourquoi le
Secrétaire général a-t-il eu recours à
des sources anonymes qui ne cherchent
manifestement qu’à pêcher en eaux
troubles et à perturber l'effort
conjoint de la Russie et de la Syrie qui
se battent contre le terrorisme de Daech,
Jabhat al-Nosra et d’autres
organisations terroristes ; la Russie
étant intervenue à la demande du
gouvernement syrien et en conformité
avec les dispositions de la Charte des
Nations Unies et du droit international,
ce qui a mené au recul des groupes
terroristes de plus d’une région qu’ils
contrôlaient jusqu’ici ?
Monsieur le
Président,
Pour
conclure, je rappellerai que
l’expression « Groupes armés non
étatiques » pour désigner des
terroristes est, à elle seule, un
scandale, car la carte du terrorisme en
Syrie la contredit tout autant que les
rapports de vos sous-comités de lutte
contre le terrorisme.
Je ne
donnerai que quelques exemples :
-
À Alep, ceux qui
sont décrits comme « Groupes
d’opposition armés non étatiques »
correspondent en réalité au groupe Jaïch
al-Fateh [Armée de la Conquête], créé
par les Services secrets turcs, et qui
comprend des factions de Jabhat al-Nosra
et de Ahrar al-Cham, depuis que ces
derniers ont déclaré leur allégeance aux
premiers. En d’autres termes et puisque
1+1=2, Jaïch al-Fateh n’est autre que
Jabhat al-Nosra, laquelle figure sur la
« Liste des organisations terroristes
des Nations Unies ».
-
Dans le
Rif-Damas, c’est surtout Jaïch al-Islam
[Armée de l’Islam] qui sévit. Il est
financé par les Services secrets
saoudiens et comprend des Tchétchènes et
d’autres mercenaires étrangers
originaires du Caucase ou d'autres pays.
Il a déclaré son allégeance à Daech. Par
conséquent, nous avons affaire, ici
aussi, à une entité terroriste.
-
Sur le front sud, Liwaa al-Yarmouk [Brigade d’al-Yarmouk]
est dirigée par la cellule d’opération
MOK située à Amman en Jordanie. Elle
compte 8000 salafistes jordaniens dans
ses rangs et des milliers d’autres
terroristes [4][5]. Ceci
sans oublier les terroristes de Jabhat
al-Nosra occupant une bonne partie de la
ligne de démarcation côté syrien du
Golan occupé, dont les blessés sont
ouvertement remis sur pieds dans les
hôpitaux israéliens bien qu’il soit
notoirement connu que ce sont eux qui
ont attaqué les Forces de L’UNFOD et
enlevé tout un groupe de ses soldats
philippins et fidjiens.
Tous ceux-là
seraient donc résumés par l’expression
sans cesse répétée « Groupes armés non
étatiques » tout au long du rapport du
Secrétaire général des Nations Unis ?
Tous ceux-là n’auraient donc rien à voir
avec des mercenaires terroristes
étrangers ?
Merci,
Monsieur le Président
Dr Bachar
al-Jaafari
Représentant
permanent de la Syrie auprès des Nations
Unies
27/10/2015
Source :
Vidéo Al-Ikhbariya [Syrie]
https://www.youtube.com/watch?v=H75gQQqUt6w
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Notes :
[1] Rapport
du Secrétaire général sur l’application
des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014)
et 2191 (2014) du Conseil de sécurité
http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/2015/813
[2] Tony Blair : En Irak, les
renseignements étaient faux
https://www.youtube.com/watch?v=7nsuwLTPTs0
[3] Action de l'ONU contre le
terrorisme
http://www.un.org/fr/terrorism/securitycouncil.shtml
[4]
La très pro-israélienne Brigade des
martyrs de Yarmouk fait allégeance à
l’Etat Islamique et endoctrine les
enfants
http://www.medias-presse.info/la-tres-pro-israelienne-brigade-des-martyrs-de-yarmouk-fait-allegeance-a-letat-islamique-et-endoctrine-les-enfants/36027
[5]Talking to the
Yarmouk Martyrs Brigade
http://www.syriadeeply.org/articles/2015/10/8476/talking-yarmouk-martyrs-brigade/
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