Syrie
Qui est responsable des crimes commis
contre les enfants syriens ?
Bachar al-Jaafari
Photo:
D.R.
Mercredi 10 septembre 2014
Le 8 septembre 2014 a
eu lieu une réunion au Conseil de
sécurité des Nations Unies sous le titre
« Enfants dans les conflits armés ».
Pour mémoire,
voici la traduction de l’intervention du
Docteur Bachar al-Jaafari, représentant
permanent de la Syrie auprès des Nations
Unies. Nous l’encadrons par les
déclarations de deux éminentes
personnalités françaises en laissant au
lecteur le soin d’en tirer ses propres
conclusions.
I. 8 septembre 2014 - Conseil de
sécurité - Enfants dans les conflits
armés - Intervention de M. François
Delattre, représentant permanent de
la France auprès des Nations unies
http://www.franceonu.org/la-france-a-l-onu/espace-presse/interventions-en-seance-publique/conseil-de-securite/article/8-septembre-2014-enfants-dans-les
Extrait :
« En Irak et en
Syrie, l’État Islamique s’est rendu
coupable des pires exactions à
l’encontre des enfants. L’organisation
terroriste recrute des enfants par
centaines et les forme dans des camps
d’entrainement. L’action de la
communauté internationale pour mettre
fin aux actions de ce groupe doit se
poursuivre, doit se renforcer. C’est
pourquoi la France organisera
prochainement une conférence
internationale pour la sécurité en Irak.
En Syrie,
depuis plus de trois ans, le régime et
ses milices n’ont jamais épargné,
nous le savons,
les enfants. Plus de 10 000 enfants ont
ainsi trouvé la mort et ce chiffre est
probablement encore en dessous de la
réalité. Leurs écoles sont bombardées
sans relâche. 3000 d’entre elles ont été
détruites, privant ainsi toute une
génération de son droit à l’éducation.
Nous saluons par
ailleurs l’engagement de la Coalition et
du Conseil militaire suprême de l’Armée
syrienne libre de mettre fin et de
prévenir le recrutement d’enfants. Nous
encourageons Mme Zerrougui à poursuivre
le dialogue en vue de la signature d’un
plan d’action ».
II. Intervention du
Dr. Bachar al-Jaafari
https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=V5Nd6UolbFs
Traduction :
« Dans les zones
contrôlées par Daech [EIIL], Jabhat al-Nosra,
le Front islamique, l’Armée de l'Islam,
ou par la soi-disant Armée syrienne
libre [ASL] et tous les autres groupes
terroristes qui gravitent autour de ces
organisations ou autour de
l’organisation Al-Qaïda, des brigades
criminelles ont été constituées sous
différentes appellations, telles les « Achbal
al-Zarqaoui » dans la Ghouta de Damas et
les « Achbal al-Khilafat » à Abou-Kamal
dans l’Est syrien, puis les « Achbal al-Taymiya »
dans le rif d’Alep, laquelle est
affiliée à Jabhat al-Nosra. [Achball
signifiant lionceaux, NdT].
Le carburant et les
soldats de ces brigades sont des enfants
soumis à un lavage de cerveau qui
cherche à en faire des monstres, des
meurtriers, des violeurs et des
tortionnaires. Ils sont soumis à un
entrainement physique pénible, au
maniement des armes, et doivent parfois
transporter du matériel militaire pesant
plusieurs fois le poids de leurs corps
affaiblis. Les voix et les rires de
l’enfance innocente ont pratiquement
disparu de ces zones pour laisser place
à des slogans débordant de haine,
d’appels au meurtre et à l’effusion de
sang, en attendant qu’ils se
transforment en kamikazes mus par la
détestation et le rejet des autres dont
leurs propres compatriotes.
Certaines vidéos
témoignant de cela se sont propagées sur
le web. L’une d’entre elles montre un
Cheikh s’exprimant avec un fort accent
des Pays du Golfe, en train d’enseigner,
à un groupe d’enfants, une succession de
phrases religieuses déformées et
rapportées à une personne, à une
confession ou à un parti pour bien
ancrer dans leur tête une justification
divine ou religieuse des meurtres et
exécutions à l’arme blanche. Pour finir,
nous l’entendons demander à ses élèves
leur verdict concernant les Croisés et
les Juifs. La réponse, tant de fois
soufflée et re-soufflée, ne se fait pas
attendre : « Al-zabh ! Al-Zabh ! »
[Abattage à l’arme blanche !], avec
évidemment l’expression « Allahou
Akbar » qui suit.
Pour faire face à ces
exactions et à d’autres, et dès le début
de la crise, le gouvernement syrien en
vertu de ses responsabilités
constitutionnelles a adopté un ensemble
de mesures et de procédures juridiques
visant à renforcer la protection des
enfants et à empêcher leur recrutement
dans des opérations de combat, de
quelque nature qu’elles soient. En
témoigne le décret législatif du 6 mai
2013 conçu à cet effet. Il a également
pris toutes les mesures possibles pour
empêcher le ciblage et les attaques des
hôpitaux et des écoles, et aussi pour
éliminer toutes les formes de violence
contre les enfants, que cette violence
soit sexuelle, létale ou handicapante.
Dans ce but, les
autorités compétentes syriennes ont
coopéré avec l’équipe de la
Représentante spéciale du Secrétaire
général de l’ONU, chargée de
répertorier, d’alerter et d’enquêter sur
les crimes commis contre l’enfant
syrien, pour en découvrir les auteurs.
Et le gouvernement syrien n’a cessé de
communiquer à son bureau des
renseignements documentés témoignant de
centaines d’exactions et de crimes
abominables commis par les groupes
terroristes armés sévissant en Syrie,
avec l’espoir d’un suivi immédiat pour
que les coupables puissent être
démasqués.
Malheureusement, nous
n'avons vu aucune
mesure concrète à ce
jour. À titre d’exemple :
UN : Le 6 février
2014, la délégation syrienne permanente
auprès des Nations Unies a communiqué à
l’équipe de la Représentante spéciale
des preuves documentées concernant les
attaques systématiques et répétées sur
les écoles et les destructions à
l’explosif des hôpitaux menées par les
groupes terroristes. Ceci avec une liste
supplémentaire de 28 écoles ciblées et
de 54 cas de meurtre, d’enlèvement et de
défiguration d’enfants.
Deux : Le 7 mars
2014, nous avons demandé à la
Représentante spéciale de mener une
enquête immédiate sur des émissions par
satellites, diffusées par certains pays
arabes du Golfe, appelant au recrutement
d’enfants syriens en qualité de
correspondants de guerre.
Trois : Le 7 avril
2014, nous l’avons informée par courrier
de 18 000 cas de trafic d’organes
prélevés sur des Syriens du Nord de la
Syrie dont la majorité étaient des
enfants. Nous lui avons aussi fourni des
documents attestant que 100 000 enfants
résidant actuellement dans les camps
pour réfugiés en Turquie sont exposés à
toutes sortes de trafic, dont celui des
organes humains.
Quatre : Nous avons
exprimé des dizaines de fois notre
inquiétude au sujet de l'enrôlement
d'enfants syriens à partir des camps
situés dans les pays voisins et avons
exigé la prise de toutes les mesures
pouvant mettre fin à la souffrance des
enfants et des femmes syriennes dans ces
camps. Des dizaines d’exemples que le
manque de temps nous interdit d’exposer
maintenant…
Pour finir,
Monsieur le Président,
la Syrie se
demande encore, et depuis deux ans, ce
qu’a bien pu faire la Représentante
spéciale et son équipe régionale à Damas
pour révéler la vérité sur tous ces
crimes, et ce qu’elle a pu prendre comme
mesures pour protéger l’enfant syrien
contre les exactions commises par les
groupes terroristes armés !
III. 13 août
2014 :
M. Alain Marsaud sur
I-Télé : « le mal que nous avons
fait ! »
http://www.youtube.com/watch?v=ZYVEohMnsVM
Extraits :
« …
Vous savez
que nous avons déjà un tout petit peu
armé les djihadistes de Syrie, c’est à
dire, les cousins de ceux contre
lesquels on va lutter en Irak. Moi, je
ne comprends plus rien dans la politique
étrangère de la France menée au
Moyen-Orient. On a l’impression qu’on a
là Laurel et Hardy, à savoir M. Obama et
M. Hollande, et qu’ils font n’importe
quoi !
Regardez l’Amérique
ce qu’elle a fait en Irak… Il n’y a plus
d’Irak, et il y a des malheurs et des
malheureux et des gens qui vont mourir.
Nous avons fait la
Libye. Vous avez vu ce qu’est devenue la
Libye ! La Libye, c’est exactement comme
l’Irak, sauf qu’il n’y a pas encore de
djihadistes [!!!]. En tout cas, il n’y a
pas trop de Chrétiens et on n’aura pas
forcément à intervenir.
Je crois
effectivement qu’on n’a pas la main
heureuse, nous Occidentaux. Quand je dis
« nous Occidentaux », c’est les
Américains, c’est les Français, c’est
les Britanniques.
Je crois
effectivement qu’il vaut mieux que l’on
prenne un peu de recul. Je vous rappelle
qu’il y a exactement un an, le 31 août,
M. Obama et M. Hollande avaient décidé
de bombarder « chez Assad » pour faire
rendre gorge à Assad et pour aider les
djihadistes.
Je ne comprends plus
rien dans cette politique étrangère. Il
serait temps qu’on ait une… comment
dirais-je… une lanterne comme M.
Soubise, pour trouver un tout petit peu
où sont nos troupes et nos intérêts.
Quand on regarde le
malheur des gens aujourd’hui : nous
avons déstabilisé des gens, nous avons
déstabilisé des États, nous avons
déstabilisé la Libye, la Syrie, et
maintenant l’Irak.
Regardez le malheur
des gens. Je ne dirai pas qu’ils
vivaient heureux sous les dictateurs.
Assad est un dictateur haïssable. On
aurait pu se passer de lui
effectivement. Il en était de même pour
celui de Libye et pour celui de l’Irak.
Ce sont des dictatures absolument
haïssables !
Regardez l’état de
leur peuple, le malheur que nous avons
semé, nous Européens. J’espère que nous
irons un jour à confesse. Mais en tout
cas, il faut bien que l’on prenne
conscience du mal que nous avons fait
sur cette zone « historique » ! […]
Je suis peut-être le
seul [de mon parti : l’UMP] à penser
cela. Je suis tout seul. Il se trouve
que je suis le député de ces pays et
c’est la raison pour laquelle j’ai mes
« compatriotes » au téléphone. Je sais
ce qu’ils me disent tous les matins, y
compris les Français qui vivent en
Syrie, et qui réclament surtout l’aide
et la protection de M. Assad et de son
système, certes haïssable ; mais, ils
ont tellement peur de voir arriver le
fascisme des djihadistes, qu’ils
préfèrent encore finalement les
dictatures épouvantables dans lesquelles
ils ont vécu. […]
La seule solution,
éventuellement, c’est quand même de
passer par le Conseil de sécurité,
d’avoir une opération internationale
d’envergure. Ça se passe au Conseil de
sécurité ! Manque de pot, au Conseil de
sécurité il y a quelqu’un qui s’appelle
M. Poutine. Ça ne sert à rien de
l’insulter à longueur de journée ici, si
c’est de lui qu’on a besoin au Conseil
de sécurité. C’est la raison pour
laquelle je dis qu’il faut modifier,
peut-être, notre position par rapport à
M. Poutine, même si certains ne l’aiment
pas !
Transcription et
traduction par Mouna Alno-Nakhal
10/09/2014
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dossier Syrie
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