Liban
Liban : L’ultime bataille des
chrétiens
Antoine Charpentier

Des
chrétiens du Liban pendant la messe en
plein air du pape Benoît XVI
le 16 septembre 2012 à Beyrouth. - ALEXANDRE GELEBART / 20 MINUTES
Mercredi 12 octobre 2016
Au Moyen-Orient, les chrétiens, à
l’instar de plusieurs minorités,
subissent de nos jours plusieurs formes
de persécutions allant de l’exclusion
politique, économique et sociale
jusqu’aux attaques armées ainsi que
d’autres formes de violences. Les
libanais chrétiens ne font pas
exception.
Par sa diversité culturelle,
ethnique et religieuse, le Liban
constitue un territoire ouvert à toutes
formes de tensions. Actuellement, les
chrétiens libanais sont à l’épicentre
d’un conflit quasiment mondial qui se
joue en Syrie voisine. Cependant, la
violence qu’ils subissent ne prend pas
une forme armée ou militaire, mais elle
demeure tacitement grave et
omniprésente.
Nombreuses
sont les minorités culturelles et
religieuses qui luttent au Moyen-Orient
pour leur avenir. Les Libanais chrétiens
luttent aussi contre des politiciens de
la même obédience religieuse qui
s’alignent totalement et sans condition
sur des politiques dictées par
l’étranger, consistant explicitement à
exclure les chrétiens du processus
politico- économique. Ce manque de
solidarité, ainsi que les divisions
fondamentales au sein de la communauté
libanaise chrétienne, nuisent aux
intérêts stratégiques du pays. Ces
ambiguïtés comportementales rendent la
situation des chrétiens libanais de plus
en plus difficile.
Les multiples
tentatives d’exclure les Libanais
chrétiens du processus politique
s’expriment également à travers
l’empêchement de la tenue des élections
présidentielles. Depuis environ deux
ans, la présidence de la République
libanaise est inoccupée. Cette vacance
n’est pas due à l’absence de candidats
fiables, mais au refus des
pétromonarchies d’accepter un Président
de la République au Liban qui ne répond
pas à leurs aspirations. Cependant,
l’élection présidentielle libanaise fait
partie du conflit global au Moyen-Orient
qui n’a rien de religieux comme le
prétendent certains, mais qui est de
nature économico-énergétique.
Le Général
Michel Aoun, candidat favori à la
présidence de la République libanaise,
ne parvient pas à y accéder à cause de
son alliance avec le Hezbollah et les
relations de ce dernier avec l’Iran.
Monsieur Sleiman Frangié également
favori à la présidence, n’arrive pas à
atteindre son but et à se faire élire
puisqu’il est proche du clan Hariri
pro-saoudien. Néanmoins, l’élection
présidentielle au Liban a toujours été
un sujet de discussions, de litiges, de
conflits et de consensus. C’est le seul
poste de l’exécutif libanais qui suscite
autant de négociations à chaque fois que
l’échéance se présente.
Toutefois,
l’élection d’un président fort et
populaire tel que le Général Aoun peut
contribuer à donner un souffle positif
aux libanais chrétiens, leur remontant
le moral, leur donnant un élan
psychologique qui ne peut être que
bénéfique pour le Liban. Mais le Général
Aoun risquerait d’être enchaîné d’avance
par un certain nombre de conditions qui
contribueraient à son élection.
Les
prérogatives du président de la
République libanaise ont été largement
limitées suite aux accords du Taëf2
au profit du premier ministre de
confession sunnite. De ce fait, il ne
suffit pas d’élire un président fort,
honnête et populaire, mais il faut par
la suite former un gouvernement, chose
qui peut prendre aussi beaucoup de temps
au Liban. Un consensus est en train de
prendre forme en ce moment au Liban. Il
consisterait à élire le Général Aoun
comme président de la République
libanaise à condition d’avoir comme
Premier ministre M.Saad Hariri3.
Il convient de préciser que ce dernier a
déjà entamé des négociations avec le
Général Aoun concernant la présidence de
la République, après avoir abandonné le
processus de négociations au profit de
M. Sleiman Frangiè qui se voit
aujourd’hui mis de côté. L’accélération
des négociations entre le Général Aoun
et Saad Hariri est aussi tributaire de
plusieurs facteurs extérieurs aux
frontières libanaises.
Le Liban et
ses chrétiens sont placés aujourd’hui
devant le fait accompli. Alors que le
Général Aoun deviendra probablement le
prochain président de la République
libanaise, il est obligé de composer
avec les corrompus, les féodaux ainsi
que ses adversaires qui voteraient pour
lui, en espérant qu’il arrivera à
redresser le pays. Cela sans négliger le
manquement à la Démocratie dans le
processus électoral, où le peuple n’a
pas son mot à dire, où il faut
s’entendre sur le nom du Président avant
de l’élire et dans le cas actuel sur le
nom du Premier ministre.
Enfin, les
chrétiens du Liban mènent l’ultime
bataille qui va peser sur leur avenir,
sans pour autant que la présidence de la
République cesse d’être dans les années
à venir un sujet de grands litiges.
Antoine
Charpentier | 12
octobre 2016
1Le Pacte
national de 1943 octroie la présidence
de la République aux chrétiens
maronites, le poste du premier ministre
aux musulmans sunnites, la présidence du
parlement aux musulmans chiites, la
vice-présidence aux chrétiens orthodoxes
et le chef de l’armée aux chrétiens
maronites. Ce schéma se décline sur
toute la fonction publique de l’Etat
libanais.
2 Les accords
du Taëf est un accord inter-libanais qui
a été signé le 22 octobre 1989 mettant
fin à la guerre libanaise.
3 Saad
Hariri, homme politique libanais, ancien
premier ministre nommé le 16 septembre
2009, jusqu’à fin à son mandat le 12
janvier 2011 suite à la démission d’un
tiers des ministres de son gouvernement.
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