Algérie
Le 17 octobre 1961 :
un crime d’État trop longtemps occulté !
ANAAF
Vendredi 16 octobre 2015
Durant les dernières années de la
guerre d’Algérie, les Algériens de
France étaient soumis à la loi d’un
couvre-feu qui leur était spécialement
appliqué. Ils n’avaient pas le droit de
sortir entre 20h30
et 5h30.
Les cafés et restaurants dont ils
étaient propriétaires devaient fermer à
19h. Face à ces
pratiques et restrictions
discriminatoires, plus de 30 000
algériens avaient décidé, le
17 octobre 1961,
de manifester pacifiquement dans les
rues de la capitale française.
Ce jour-là, ils étaient loin
d’imaginer que Maurice PAPON, connu pour avoir
été fidèle fonctionnaire et serviteur
zélé du régime de VICHY
sous l’occupation nazie lors de la
deuxième guerre mondiale, devenu Préfet
de Police de Paris, allait ordonner une
répression sauvage et sanguinaire pour
stopper leur marche pour la dignité et
la liberté.
La décision de Maurice PAPON
avait-elle reçu, à l’époque,
l’aval des plus hautes autorités de
l’État ? La réponse relève encore
aujourd’hui de l’énigme …et de l’amnésie
politiquement entretenue.
Toujours est-il que 54 ans après, tous les
citoyens français, la diaspora
algérienne en France et notamment sa
jeunesse française d’origine algérienne,
aimeraient savoir pourquoi, dans la
capitale du « pays des droits de
l’homme et du citoyen » et de
la Révolution de 1789,
plus de 11 000
algériens furent arrêtés et plus de
200 d’entre eux furent
tués et jetés dans la Seine le jour du
17 octobre 1961.
Au même titre que d’autres pays
européens, la France reste encore
confronté aux dates sombres de son
passé. Ailleurs, comme par exemple en
Belgique, un véritable débat a été
ouvert pour mieux regarder le passé
colonial en face et l’assumer.
Au Royaume-Uni, le Gouvernement de
David CAMERON vient de
prendre une importante décision qui
risque de faire jurisprudence pour tous
les pays d’Europe qui ont été
colonisateurs.
Au-delà des mots dits ou tus au nom
de tous les citoyens de la République
française, la jeunesse française
d’origine algérienne de notre diaspora
en France attend des Représentants de la
Nation, du Gouvernement et du Président
de la République – Monsieur
François HOLLANDE, un acte
politique fort, de la même portée
historique que le discours du
Vel d’Hiv, prononcé par
l’ancien Président de la République –
Monsieur Jacques CHIRAC
-, reconnaissant pour la première fois,
au nom du peuple français, et après des
années de tergiversation, sa
responsabilité dans la déportation des
juifs par le régime de Vichy.
Cette demande est d’autant plus
légitime pour le crime d’État commis le
17 octobre 1961 que la
France ne peut pas ignorer la décision
du Gouvernement de sa majesté
britannique qui vient de signer la fin
d’un combat judiciaire qui aura duré
plusieurs années. En effet, Londres
s’est engagé à financer l’érection au
Kenya d’un
monument du Souvenir et les
5.228 victimes
africaines défendues par le
cabinet d’avocats londonien
Leigh DAY à toucher la somme de
19,9 millions de livres (23,5 millions
d’euros) que l’État de Grande-Bretagne
devra leur verser en guise de
réparation.
C’est, en effet, en octobre
2012 que la Haute cour de
Londres avait autorisé trois anciennes
victimes, à poursuivre le gouvernement
du Royaume-Uni après que ce dernier eut
tenté, en vain, de plaider la
prescription de l’action pour des faits
remontant aux années 50.
Si vous n’avez jamais entendu parler
de la révolte des Mau-Mau,
il y a des fortes chances que l’accord
qui a sanctionné le règlement du
différend dont il est question ne vous
dise pas grand-chose. Il est encore plus
plausible que vous ne sachiez pas qui
sont ces victimes qui viennent de
remporter une victoire sans précédent
contre un ancien État colonisateur
devant ses propres juges, ni de quels
abus se sont rendues coupables les
forces impériales britanniques au cours
de la décennie qui accoucha de
l’indépendance du Kenya
en 1963.
Les réparations que s’apprête à
verser le gouvernement de David CAMERON concernent les
survivants et les ayants cause des
victimes tombées sous la répression
menée par les forces britanniques contre
les membres du mouvement de résistance
anti-coloniale Mau-Mau
et contre les personnes soupçonnées de
fournir une aide directe ou indirecte à
ces derniers.
Malgré tout cela, il semble que
l’État français ne semble pas pressé de
rétablir la vérité sur des crimes et des
atrocités, commis en son nom, ou sur la
domination barbare du système colonial
en Algérie qui doit être présentée, sans
maquillage, à tous les Français pour que
la mémoire de ses victimes ne soit plus
insultée par tous ceux qui veulent la
minimiser, l’occulter et même la
valoriser.
Il ne s’agit pas de tomber dans le
piège de la critique stérile de la
France ou de son peuple. Il ne s’agit
pas non plus d’évoquer une forme de
repentance d’opportunité ou qui serait
ritualisée. Mais même si la France n’a
pas eu le monopole de la brutalité
criminelle du colonialisme qui a sévit
un peu partout dans le monde, il est
légitime pour l’écrasante majorité des
citoyens de sa république de demander
qu’on arrête de leur mentir ainsi qu’à
leurs enfants au sujet des crimes et des
atrocités engendrés et perpétrés par le
système colonial en Algérie.
L’histoire et le passé d’un pays ou
d’un peuple ne s’effacent pas. Il doit
être tout simplement expliqué et assumé.
Surtout lorsque le devoir de mémoire
l’exige.
Lors de son voyage officiel en
Algérie du 19 et 20 décembre 2012, le
Président François HOLLANDE,
déclara au nom du peuple français, dans
un discours historique devant les deux
chambres du Parlement algérien, « qu’il
reconnaissait les souffrances que la
colonisation a infligées au peuple
algérien(…), pendant 132 ans. L’Algérie,
a-t-il tenu à affirmer, a été soumise à
un système profondément injuste et
brutal ».
Toujours devant les parlementaires
algériens, il précisa également que :
«la relation franco-algérienne à
laquelle il aspire au nom de la France,
doit reposer sur un «socle de vérité»
car «rien ne se construit sur des
dissimulations, dans l’oubli ou le
déni». Et cette vérité, a-t-il encore
souligné, passe par la reconnaissance
«des injustices», «des massacre» et de
«la torture».
Parmi ces massacres et ces crimes,
celui du 17 octobre 1961 est d’autant
plus et à jamais imprescriptible parce
qu’il s’agit, d’après beaucoup
d’historiens, d’un véritable crime
d’État.
Pour le Président de la République –
monsieur François HOLLANDE :
« Le 17 octobre 1961, des
Algériens qui manifestaient pour le
droit à l’indépendance ont été tués
lors d’une sanglante répression. La
République reconnaît avec lucidité
ces faits. Cinquante et un ans après
cette tragédie, je rends hommage à
la mémoire des victimes. »
Ces centaines d’algériens évoqués par
le Président de la République française,
alors qu’ils manifestaient pacifiquement
en portant fièrement la vie, élevée au
rang sacrée de valeur humaine et
universelle à défendre pour qu’elle soit
toujours libre et digne pour tous, ont
été sauvagement massacrés sur ordre du
Préfet de Police – Maurice PAPON, donc
au nom de l’État français.
Il ne faut plus qu’il continue d’être
broyé par l’oubli devenu aujourd’hui
impossible parce que le cri de leur
douleur et de leur supplice résonne
encore dans les eaux de la Seine et
au-delà.
Leur cri est notre cri à tous,
Algériens et Français. C’est le cri,
soutenu par une exigence citoyenne de
vérité, pour que soit interrogée la
politique de l’amnésie sur le crime
d’État dont ils ont été les victimes et
que soit également soulevée la question
des pratiques de l’État français vis à
vis des algériens à cette époque.
Beaucoup de ces algériens, massacrés
le 17 octobre 1961,
avaient eux-mêmes ou leur parents été
mobilisés durant la Guerre
1939-1945 et firent l’objet de
nombreux reportages vantant cette
« force nouvelle », venue d’Algérie,
capable de vaincre le nazisme et le
fascisme.
Ne plus laisser l’oubli et
l’indifférence les exterminer à nouveau,
c’est faire œuvre de justice, honorer
tous les combats pour la liberté et la
dignité, tous les combats contre le
nazisme et le fascisme
Ne plus ignorer le crime, commis par
un haut fonctionnaire de l’État le
17 octobre 1961, c’est
aider tous les français à regarder en
face les pages, noires ou tachées de
sang, de leur histoire car il s’agit,
comme l’avait si bien formulé l’ancien
Président de la République –
Jacques CHIRAC :
« Témoigner encore et
encore. Reconnaître les fautes du
passé, et les fautes commises par
l’État », car « Ne rien occulter des
heures sombres de notre Histoire,
c’est tout simplement défendre une
idée de l’Homme, de sa liberté, de
sa dignité ».
Alliance Nationale des
Associations des Algériens de France
Le dossier
Algérie
Les dernières mises à jour
|