Tribune
2013 l'année
Poutine ?
Alexandre latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 27 novembre 2013
Source:
RIA Novosti
Les années passent et se ressemblent
pour le président russe. D'après
certains médias, en 2011, il était
contesté par des manifestants
volontairement présentés comme une sorte
d’avant-garde sociétale représentant la
Russie du futur.
En 2012, d'après les mêmes médias, sa
réélection à la présidence russe s’était
faite sur des bases contestables, on se
souvient du gentleman agreement avec
Dimitri Medvedev, et le nouveau
président russe faisait soit disant face
à de nouveaux dilemmes, intérieurs comme
extérieurs, et à une baisse de confiance
de la population russe à son égard.
En cette fin 2013, force est de
constater que soit la situation a
totalement changé, soit la grille de
lecture de ces médias, pour les
événements de 2011 et 2012, n’était pas
la bonne.
Sur le plan intérieur, l’opposition
de rue de 2011, composée de groupes
politiques de droite et de gauche
radicale et aussi de manifestants plutôt
apolitiques issus de la classe dite
créative, est semble-t-il morte et
enterrée. Un commentateur inconnu du
grand public à d’ailleurs tracé un
portrait assez juste de cette classe
créative russe, en la comparant avec
humour aux Bobos français.
Cette "Classe Créative"
principalement moscovite n'est
finalement arrivée à rien. Ni à créer un
parti politique cohérent, ni à prendre
le pouvoir à Khimki ou à Moscou,
soit la ou ses leaders se sont
présentés. Ce n'est pas faute de
démocratie, puisqu'en Russie, des
candidats issus de l’opposition
traditionnelle ont réussi à se faire
élire démocratiquement dans des villes
assez symboliques comme Petrozavodsk ou
Perm ou encore Iaroslav.
Aujourd'hui, le niveau de confiance
envers le président russe reste stable
et proche des
60% ce qui après 13 ans de
gouvernance est assez remarquable. Les
lecteurs russophones peuvent en savoir
un peu plus dans
cette série d’analyses assez
intéressantes.
Bien sur le grand défi de la Russie
pour ces prochaines années reste le
choix d’une politique économique (dont
est en charge le gouvernement)
permettant d’accélérer la modernisation
économique du pays et de relever un
niveau de croissance trop bas cette
année puisqu’il devrait avoisiner 1,5%.
C'est bien moins que les années
précédentes et c'est sans aucun doute
très insuffisant pour permettre le
développement du pays selon les
objectifs fixés par les élites russes.
Mais le grand évènement de 2013,
c'est surtout la conséquence de la
gouvernance Poutine sur le plan
extérieur et la réapparition en position
de force de la Russie dans la diplomatie
internationale.
Il y a tout d’abord l’affaire
Snowden qui a fait apparaître la
Russie aux yeux du monde comme un Etat
accordant protection à celui que
beaucoup considèrent comme un héros de
la défense des droits individuels.
Et puis ensuite il y a eu la crise
Syrienne. Depuis le début de cette
crise, la Russie mène une politique
équilibrée et surtout stable de soutien
plus ou moins discret au pouvoir Syrien
au nom de l’ordre constitutionnel, tout
en dénonçant les ingérences extérieures,
au nom du respect de la souveraineté
nationale Syrienne.
L'activité diplomatique de la Russie
a finalement obtenu trois résultats :
- Empêcher un bombardement de
la Syrie par la coalition occidentale et
l’Otan et donc une guerre régionale au
minimum.
- Obtenir un accord international sur
le désarmement chimique de la Syrie.
- Obtenir un accord pour
l’organisation d’une conférence de paix
dite de Genève-2.
Ce faisant, la diplomatie russe a
aussi fait voler en éclats le mythe
d’une opposition syrienne démocratique
influente, en faisant au contraire
apparaître au grand jour une réalité
trop longtemps occultée par le
mainstream médiatique: l’extrémisme
effrayant de groupes armés
majoritairement étrangers opérant dans
le pays. Au résultat, Vladimir Poutine
s’est vu octroyer le titre d’homme
le plus influent de l’année 2013
pendant que d’autres estiment qu’il
mérite le
Nobel de la paix.
A l'échelle du moyen orient, la
grande prudence russe depuis le début du
printemps arabe a replacé la Russie au
cœur de cette zone du monde, comme les
lecteurs de RIA-Novosti pouvaient
s’en douter dès mars dernier.
La Russie est en effet depuis peu en
négociations intenses avec l’Egypte,
pourtant traditionnel allié américain
dans la région et elle a commencé la
livraison de matériel militaire à
l’Irak en vertu d’un accord signé en
2012. Plus inattendu, Russie et Arabie
saoudite, pourtant en opposition quasi
directe sur le dossier Syrien,
négocient également un paquet
d'accords d'un montant total d'au moins
12 milliards de dollars pendant que les
dirigeants de la nouvelle Libye
post-Kadhafi ont eux récemment souhaité
la reprise des discussions avec la
Russie pour la
poursuite des contrats d’armements
antérieurement signés.
La Russie s’est aussi imposée comme
un acteur clef dans le dossier du
nucléaire Iranien en contribuant
activement a l’accord historique de
dimanche dernier et en
accentuant sa coopérations
bilatérale avec ce pays. Ceci préfigure
plausiblement une nouvelle architecture
Russo-américaine dans la région, malgré
de fortes réticences
israéliennes et
francaises. Cet
accord historique a pour conséquence
de non seulement replacer l’Iran dans le
concert des nations mais aussi selon
certains commentateurs de
priver l’Amérique d’ennemis/ et donc
de se poser désormais la question de
l’utilité du projet de bouclier
anti-missiles américain au cœur de
l’Europe continentale.
Plus près de l’Europe, deux nouvelles
sont venues bouleverser toutes les
prévisions.
Il y a d’abord l’Ukraine qui vient de
tout simplement
suspendre (provisoirement?)
ses négociations avec l’UE pour
renforcer au contraire ses relations
avec la Russie et la CEI. Le premier
ministre ukrainien Nikolaï Azarov
affirmant même que: "l'objectif
numéro un du gouvernement est de
rétablir les relations normales avec la
Russie". Le président russe a de son
côté
dénoncé les pressions de l’UE sur
l’Ukraine. Va-t-on vers une nouvelle
tentative de révolution de couleur
en Ukraine ou plus simplement vers une
nouvelle
dégradation des relations entre
Moscou et Bruxelles?
Plus au sud, d’étranges et inattendus
signaux sont venus de Turquie. Le
président Erdogan, en visite en Russie,
a en effet clairement exprimé son
intention d'intégrer la Turquie à
l’Organisation de Shanghai, souvent
qualifiée de pendant Eurasiatique de
l’Otan. Le président turc s'est
également déclaré intéressé par une
participation de son pays à l’Union
Douanière. Dans le même temps, Russie et
Turquie se sont
fixé un but: porter leurs échanges
économiques en 2020 à un niveau
supérieur à celui des échanges
Russie-Allemagne actuels, soit 100
milliards de dollars annuels. Pour le
moment, la Russie est le deuxième
partenaire commercial de la Turquie
après l'Allemagne pendant que la Turquie
est le deuxième importateur
mondial de gaz naturel russe et que le
tronçon maritime du pipeline South
Stream, dont la construction devrait
être achevée en 2015,
passera dans la zone économique
exclusive de la Turquie.
La
guerre des grands ensembles bat son
plein.
© 2013
RIA Novosti
Le sommaire d'Alexandre Latsa
Le
dossier Russie
Les dernières mises à jour
|