Sputnik
Vers une nouvelle réalité en Syrie ?
(2/2)
Alexandre Latsa
© AP
Photo/ UNRWA
Mardi 19 mai 2015
Source:
Sputnik news
Ces différentes
puissances qui apportent de l'aide aux
anti-Assad ont visiblement conclu un
accord, une sorte de pacte visant à
faire tomber le régime Syrien. Cet
accord a entrainé une unification, une
coordination militaire mais surtout une
union politique des différents groupes
d’opposition.
Cette alliance
entre deux puissances du golfe et un
pays de l'Otan, accompagne donc
maintenant une coalition militaire
composée de combattants djihadistes
proche des frères musulmans et de
salafistes, dans une coalition
hétéroclite et radicale qui
pourrait rassembler jusque 70.000
combattants.
Lors de l'assaut
contre Idlib, de nombreuses sources bien
informées
affirment que si l'équipement était
majoritairement fourni par Riyad,
plusieurs milliers de combattants se
sont infiltrés en quelques heures sur le
territoire Syrien par la frontière
Turque, frontière d'où un soutien
médical a même été apporté aux
Djihadistes blessés qui ont pu franchir
la frontière pour être traites dans les
hôpitaux en Turquie (source
ici et
là). Les mêmes sources affirment que
Riyad et Ankara envisageraient des
opérations militaires en Syrie, même si
cela semble à ce jour encore improbable,
et il faut rappeler que la Turquie a
déjà proposé l'établissement par voie
militaire d'une zone tampon, aérienne et
au sol, dans le nord du pays.
En outre, avec
l'aide des Etats-Unis, ce nouvel axe va
former dans les prochains mois un
contingent de
5.000 hommes pour combattre tant le
pouvoir Syrien que l'Emirat Islamique.
Ces changements importants interviennent
dans un contexte international et
régional mouvant lié à l'Iran.
L'accord sur le
nucléaire Iranien et la plausible levée
des sanctions ont créé une vive
inquiétude au sein des monarchies du
golfe qui craignent par-dessus tout
l'influence régionale de Téhéran. La
mort du roi Abdallah au début de l'année
2015 et l'accession au trône de son
demi-frère Salman a eu pour conséquence
un retournement de la politique
étrangère Saoudienne, accéléré sans
doute par l'opération au Yemen que Riyad
mène contre les rebelles Houtis qui ont
le soutien de Téhéran.
En lien direct avec
l'Iran, le Hezbollah semble de plus en
plus devenir une des clefs du dossier
Syrien sur le plan militaire. A la
frontière avec le Liban, le Hezbollah
augmente son implication sur le terrain
Il a lancé au cours de ce mois de mai
une opération militaire de très grande
envergure dans les
monts Qalamoum, visant à sécuriser
la frontière et cette zone stratégique
qui donne directement accès à la
capitale Syrienne.
Jusque-là, le
Hezbollah se contentait d'intervenir
dans des zones périphériques et plus ou
moins frontalières du Liban, hormis de
rares exceptions. Mais le 12 décembre
dans un discours d'importance, Hassan
Nasrallah a clairement
laissé entendre que le Hezbollah
allait désormais combattre partout où il
le faudrait sur le territoire Syrien
pour ne pas permettre la défaite du
régime. Il semble du reste plausible
qu'après la bataille de Qalamoun le
Hezbollah soit déployé dans le sud du
pays, accentuant de fait la crainte de
la Jordanie de voir l'influence de
Téhéran s'approcher de ses frontières,
tandis que dans le même temps l'Emirat
Islamique semble de son côté vouloir
s'implanter en Jordanie.
Que peut-il se
passer maintenant en Syrie?
Sur le plan
intérieur
On peut imaginer
que l'Etat Syrien ne devrait pas
s'effondrer après la perte de plusieurs
centaines de soldats et de dizaines de
tanks dans la terrible bataille en cours
pour la province d'Idlib. La montée en
puissance du Hezbollah semble montrer
clairement le problème principal auquel
fait face l'armée Syrienne pour garder
le contrôle sur la totalité du
territoire syrien: la dispersion des
forces sur des fronts de plus en plus
nombreux et étendus. En quatre ans de
guerre l'armée Syrienne et les forces de
défense nationale ont perdu plusieurs
dizaines de milliers d'hommes. Il est
donc de plus en plus difficile de mener
des opérations importantes sur plusieurs
fronts à la fois, tout en sécurisant les
territoires sous contrôle de l'état.
Il faudra observer
dans les prochains mois si le régime
peut continuer à se maintenir dans ces
avant-postes que sont Alep ou
Deir-Ez-Zor mais aussi et surtout
continuer à contrôler les axes routiers
menant à ces villes. De cela dépendra
beaucoup l'avenir de la Syrie qui
pourrait voir le régime choisir
d'abandonner, au moins provisoirement,
le nord et l'est du pays qui tomberaient
ainsi sous contrôle total de l'Emirat
Islamique (de l'Est d'Alep à la
frontière Irakienne) et du Front Al-Nosra
donc d'Al-Qaïda pour ce qui est de la
province d'Idlib.
Mais ce scenario de
repli des forces gouvernementales reste
une option qui dépendra de l'évolution
de la situation militaire dans les
semaines qui viennent et de la capacité
du régime à alimenter en hommes les
nombreux fronts militaires.
Sur le plan
extérieur
Une ligne de
rupture semble se dessiner entre les
préoccupations prioritaires des
occidentaux et celles des acteurs
régionaux.
Les occidentaux
sont désormais focalisés sur l'Emirat
Islamique et les risques qu'il fait
courir à la région mais aussi aux états
d'Europe puisque plusieurs milliers de
ressortissants européens musulmans ont
rejoint les rangs de l'organisation. Par
contre, pour Ankara ou les puissances du
golfe, la priorité est clairement de
contrecarrer l'influence Iranienne et
surtout de ne pas laisser l'axe
Téhéran-Damas-Hezbollah prendre le
dessus dans ce conflit syrien. Tout
dépendra de la pression que l'Iran peut
exercer. Téhéran peut décider de passer
à la vitesse supérieure (mais sous
quelle forme?) pour maintenir Assad au
pouvoir et appuyer le processus en cours
visiblement de transformation du
Hezbollah en « état dans l'état » au
sein du système étatique syrien.
De toute manière,
le conflit Syrien ne semble pas près de
se terminer, le pays voit se dérouler
sur son territoire une terrible guerre
proxy, entre une bien étrange coalition
des démocraties occidentales, des
dictatures du golfe et de la Turquie,
contre un axe regroupant la Syrie
laïque, l'axe Chiite Téhéran-Hezbollah
et en arrière-plan la Russie.
Difficile
d'imaginer quelle nouvelle réalité est
en train d'émerger en Syrie.
© 2015 Sputnik Tous droits réservés.
Publié le 21 mai 2015 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire d'Alexandre Latsa
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|