Sputnik
La surprenante évolution
démographique russe
Alexandre Latsa
© Sputnik.
Mikhail Beznosov
Mardi 5 mai 2015
En ce début 2015, la
démographie russe a réservé bien des
surprises à ceux qui s’y intéressent.
Contrairement à ce
que pouvaient laisser supposer les
tendances lourdes initiées par la
catastrophique situation que la Russie a
connue au cours des années 90
(effondrement des naissances et forte
dégradation de la situation sanitaire du
pays), la Russie a connu au cours de la
décennie suivante un printemps
démographique hautement improbable,
qu'aucun spécialiste n'avait su
anticiper.
De 1999 à 2014 le
nombre de naissances annuelles est ainsi
passé de 1.214.689 à 1.947.301 (58%
d'augmentation du nombre de naissances
en 15 ans c'était hautement improbable
pour tout démographe) tandis que pour la
première fois depuis 1992 le nombre de
décès est passé sous la barre des 2
millions à partir de 2011.
Depuis 2009 la
population de la Russie augmente grâce à
un solde migratoire positif et depuis
2013 la population augmente même sans
tenir compte de l'immigration, avec des
soldes naturels positifs de 24.013 et
33.688 habitants en 2013 et 2014.
Fait intéressant,
alors que le taux de fécondité est
remonté de 1,2 enfant par femme en 1999
à 1,75 en 2014, ce taux est supérieur à
2 enfants par femme dans la Russie
rurale, ou il culmine même à 2,338
enfants par femme en 2014. Le nombre
d'avortements officiels est lui passé de
4.103.425 en 1990 à 940.000 en 2014,
contribuant sans doute énormément à la
hausse du nombre de naissances, en
parallèle de la très puissante politique
familiale déployée par le gouvernement
russe visant à soutenir financièrement
les familles ayant un second et un
troisième enfant.
Depuis 2008, le
nombre de femmes considérées comme « en
âge de procréer » diminue cependant,
C'est la conséquence du creux
démographique des années 90. La Russie
ne pourra pas éviter de connaitre une
diminution du nombre de naissances dans
un futur proche, plausiblement au cours
des deux prochaines décennies. Les
seules questions qui se posent sont de
savoir de combien mais aussi à partir de
quand.
Les deux premiers
mois de 2015 ont
laissé penser que cette évolution à
la baisse était entamée. Janvier et
février, qui cependant sont
traditionnellement des mois à faibles
naissances, n'ont connu « que » 293.862
naissances contre 305.926 pour janvier
et février 2014, soit une baisse
prononcée de 12.064 naissances.
Le nombre de
naissances continue d'augmenter dans les
grandes zones urbaines telles que Moscou
et sa couronne ou Saint Pétersbourg
ainsi que dans les oblasts russes de
Kalouga, Novgorod ou encore du grand
nord-ouest et dans les Krai de
Transbaikalie et de Khabarovsk,
c'est-à-dire des zones dans lesquelles
la part de russes ethniques et de slaves
dépasse les 93%. De façon assez
inattendue, c'est au cœur des
territoires à forte proportion musulmane
ou à population quasi-uniquement
musulmane (comme en Tchétchénie) que les
baisses de naissances ont été les plus
prononcées à savoir en Tchétchénie, au
Daguestan et au Tatarstan, avec des
baisses de 7 à 9%.
Le mois de mars a
sensiblement renversé la tendance avec
160.975 naissances (!) contre 152.359
naissances en mars 2014 et permet de
donner une vision sur le
premier trimestre 2015. Quelle
est-elle?
Le nombre de
naissances a sensiblement diminué
puisque se montant à 454.837 naissances
pour le premier trimestre 2015 contre
458.285 pour le premier trimestre 2014
soit une baisse de 3.448 naissances. Si
l'on prend en compte l'accidentelle
baisse dans les régions du Caucase russe
pour les deux premiers mois de 2015
(peut-être s'agit-il d'une erreur
statistique?) et les mauvais résultats
de la Crimée (désormais incluse dans le
décompte) le résultat est sensiblement
le même que pour l'an passé.
Il faut du reste
noter que si les résultats
démographiques de Crimée sont
historiquement mauvais (à l'image de
ceux de l'Ukraine) ils connaissent un
solde positif en mars 2015 pour la
première fois. Est-ce un effet
collatéral du rattachement à la Russie?
L'instauration du Matkapital (aide
financière aux mères de famille) à
partir de 2015 devrait sans doute
contribuer à une forte hausse des
naissances, les sommes en jeu étant
conséquentes, par rapport au niveau de
vie actuel en Crimée.
Pour ce premier
trimestre de 2015, le nombre de
naissances aura donc augmenté dans les
oblasts du centre, du nord-ouest et du
sud tandis qu'il aura diminué dans
l'Oural, en Sibérie, en extrême orient
et dans le Caucase.
Point négatif, le
nombre de décès a recommencé à
augmenter, confortant visiblement la
tendance initiée l'année dernière. Avec
507.270 décès pour le premier trimestre
2015 contre 483.497 pour le premier
trimestre 2014, la mortalité est en
hausse de 4,9% soit 23.773 décès de
plus.
Le premier
trimestre 2014 avait vu une baisse
naturelle de population de 25.212
habitants, contre une baisse de 52.433
habitants pour le premier trimestre
2015.
Il est encore trop
tôt pour dire si 2015 connaitra une
faible hausse ou une faible diminution
de population. Quoi qu'il en soit, le
nombre de naissances reste très élevé,
ce qui l'indicateur clef de la bonne
évolution démographique que le pays
connait.
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Publié le 12 mai 2015 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
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