Actualité
La Turquie commence à regretter
son ingérence en Libye ?
Alaeddin Saleh
Fayez
Sarraj
Lundi 13 avril 2020
En lançant une campagne militaire en
Libye aux côtés du gouvernement d'accord
national (GAN), la Turquie ne pouvait
pas imaginer que le principal obstacle
au succès décisif de son opération
serait l'inertie de son allié libyen.
Mais, il s'est avéré que le gouvernement
de Tripoli, dirigé par le premier
ministre Fayez Sarraj, n'est pas non
seulement prêt à aider les Turcs dans de
nouvelles actions contre l'armée
nationale libyenne (ANL) du maréchal
Khalifa Haftar, mais aussi met en péril
des progrès de l'opération militaire
accomplis jusqu'à présent.
Selon des sources
bien informées, qui ont demandé
l'anonymat car elles ne sont pas
autorisées à parler aux médias, Ankara a
été confrontée à un certain nombre de
problèmes insurmontables liés à
l'inaction ou au sabotage du GAN. A ce
moment-là, la principale affaire qui
compromet considérablement la mise en
œuvre du plan turc en Libye est le refus
des groupes armés contrôlés par les
autorités de Tripoli de se joindre à la
bataille.
De plus, les
autorités de Tripoli elles-mêmes
manifestent une certaine réticence à
accélérer l'offensive contre le ANL.
Selon les sources, malgré les appels de
la communauté internationale à une trêve
humanitaire, Sarraj prévoyait sous la
pression de la Turquie de lancer début
avril une offensive à grande échelle
pour repousser les troupes dirigées par
Khalifa Haftar des banlieues ouest et
sud de la capitale Tripoli.
Cependant,
invoquant la menace de propagation du
coronavirus et le manque de soins
médicaux, le leader du GAN n'a pas donné
le feu vert à Ankara pour reprendre les
opérations offensives. De toute
évidence, le refus de son allié libyen a
provoqué un énorme ressentiment au sein
des militaires turques qui attribuait à
la force terrestre de Tripoli un rôle
central dans la défaite de l’ANL. En
conséquence, les Turcs ont été forcé
d’abandonner les plans d’une grande
offensive et intensifier leur campagne
de frappes aériennes avec une forte
utilisation des drones d'assaut pendent
ce qu'ils ont appelé l'opération
‘Tempête de paix’.
Selon les sources,
la frustration d’Ankara est également
liée au fait que les dirigeants du GAN,
en particulier le premier ministre Fayez
Sarraj et son adjoint Ahmed Maiteeq, le
représentant informel de la ville de
Misurata, ne répondent pas à ses
attentes.
Il y a une
compréhension croissante dans les
milieux politique et militaire turcs que
le gouvernent libyen, reconnu par l’ONU,
est impuissante face à la pression de
Haftar qui a affaibli la capacité de
Fayez Sarraj à contrôler ses loyalistes
parmi les chefs des milices armées. Le
dernier exemple de sa perte d'influence
sur les militants est devenu
l’incapacité du premier ministre libyen
de fournir aux Turcs un nouveau site
pour lancer des véhicules aériens sans
pilote à l'intérieur de la capitale.
Certaines sources
proches des autorités de Tripoli ont
affirmé que le commandant des forces
turques en Libye avait personnellement
demandé à Fayez Sarraj d’apporter un
autre site qui pourrait être utilisé
comme alternative à l'aéroport de Mitiga
en raison de sa vulnérabilité aux
frappes aériennes et aux bombardements
de l'ANL.
Cependant, Sarraj a
ignoré la demande du commandant turc.
L’homme politique libyen, comme on l'a
connu, n'a pas pu parvenir à un accord
avec les chefs des groupes armés pour
permettre aux militaires turques
d'accéder à des zones potentiellement
propices au décollage et à
l’atterrissage de drones. Il est
probable que les chefs des milices ont
refusé d’offrir des zones sous leur
contrôle aux Turcs de peur de devenir la
cible idéale des frappes aériennes de
Haftar.
En outre, les
sources ont indiqué que des groupes
armés locaux pillent régulièrement des
dépôts d’armes et de munitions fournis
par la Turquie dans le cadre du soutien
au GAN. Ce fait entraîne donc de
fréquentes pénuries de matériels et de
fournitures militaires lors des
affrontements. Dans le même temps,
l’absence de réserves d’armes a un
impact direct sur le moral des groupes
actuellement impliqués dans des
accrochages incessants aux côtés des
instructeurs turcs et des mercenaires
syriens.
Il est clair que la
passivité de Sarraj coûte cher à Ankara.
Alors que la réticence des autorités
libyennes à fournir les infrastructures
nécessaires au fonctionnement des drones
facilite leur abattage, le refus des
factions locales de mener la guerre tue
un nombre croissant de militaires turcs
et leur supplétifs syriens. Selon
l'Observatoire syrien des droits de
l'homme, le nombre de combattants
syriens tués en Libye a atteint 182.
Il apparaît
clairement qu’un an après une ingérence
active dans le pays d'Afrique du Nord,
la Turquie a commencé à réaliser que ses
plans avaient vraiment mal tourné.
Ankara ne s'attendait pas à ce que le
GAN et ses dirigeants apparaissent de
tels alliés inutiles, de sorte que
l'armée turque en Libye n'a que des
regrets.
Auteur Bio
: Alaeddin Saleh est un
journaliste libyen avec une longue
expérience professionnelle en matière de
l'étude et la couverture médiatique de
la Libye et de la région
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