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L’immunité
de l’Etat hébreu
Aliaa Al-Korachi
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Israël. Considérée
comme l’une des plus grandes initiatives mondiales après la
Charte des Nations-Unies, la Cour Pénale Internationale (CPI)
n’est cependant pas en mesure de juger Israël pour ses
agissements au Liban ou en Palestine.
Au lendemain de sa création en 2002, à La
Haye, la Cour pénale internationale avait donné beaucoup
d’espoir pour prévenir ou réduire les atrocités liées aux
conflits armés. Génocides, crimes de guerre, crimes contre
l’humanité et crimes d’agression, tels sont les crimes graves
jugés par la CPI. Contrairement à sa sœur aînée, la Cour
Internationale de Justice (CIJ), qui a pour objet les différends
entre les Etats, la CPI est compétente pour juger des individus
indépendamment de leur qualité officielle ou hiérarchique. Deux
protagonistes importants ayant leur sceau sur toutes sortes de
crimes dans le monde, les Etats-Unis et Israël, ne peuvent
cependant être jugés par cette cour. Simplement parce que ces
deux pays n’ont pas ratifié son statut, mettant ainsi en cause
l’efficacité de la cour et sa capacité à mettre fin aux opérations
commises soit par Israël dans les territoires palestiniens et
libanais, soit par les forces américaines en Afghanistan, en Iraq
et d’autres régions du monde. « Nous n’avons reçu aucune
plainte concernant le Liban, mais la cour n’est pas compétente
à l’égard des ressortissants d’Etats qui n’ont pas ratifié
son statut », explique-t-on à la cour.
A la différence des tribunaux internationaux
qui étaient provisoires, ayant un champ d’action limité dans
le temps et dans l’espace, comme le Tribunal Pénal
International (TPI) pour l’ex-Yougoslavie et celui pour le
Rwanda, la CPI, elle, est permanente et son champ d’action s’étend
sur tous les pays ayant ratifié le statut de Rome, son acte
fondateur. Cent pays ont jusqu’à présent ratifié ce statut.
Du côté arabe, on ne trouve que la Jordanie et Djibouti, alors
qu’ils se trouvent dans la région la plus touchée par toutes
sortes de crimes contre l’humanité. Selon le politologue égyptien
Saïd Okacha, les pays arabes s’observent mutuellement et
regardent ce que font les Etats-Unis et Israël.
Dès le premier jour d’existence de la CPI,
Washington a mené une campagne mondiale acharnée en vue de
persuader d’autres Etats de conclure des accords bilatéraux
d’immunité de juridiction visant à empêcher ses
ressortissants d’être livrés à la CPI. Pour atteindre ce but,
Washington a même menacé de suspendre toute assistance militaire
à tout pays qui ne conclurait pas cet accord. Mission presque
accomplie. Aujourd’hui, une cinquantaine d’Etats ont signé
l’accord avec les Américains, y compris l’Egypte. Les
Etats-Unis ont aussi menacé de se retirer de l’ensemble des opérations
de maintien de paix de l’Onu si le personnel y participant n’échappait
pas à la juridiction de la cour. Résultat de ce bras de fer
devant le Conseil de sécurité de l’Onu : la résolution 1 422.
Elle accorde aux ressortissants américains participant à des opérations
de maintien de la paix une année d’immunité, renouvelable. «
Washington craint que l’existence d’un tel tribunal nuise à
la poursuite de sa politique étrangère. Il veut avoir les mains
libres dans sa présumée lutte contre le terrorisme », dit le
politologue Moustapha Magdi. Pas de chance pour les prisonniers
d’Abou-Gharib, de Guantanamo et leurs familles : les Américains
seront jugés dans leur pays et il est facile de deviner le
jugement.
Israël a été encouragé par sa mère
adoptive, rejetant la CPI en raison d’une clause qui fait du
transfert des populations civiles dans des territoires occupés un
crime de guerre. Or, la colonisation juive dans les territoires
occupés peut être interprétée comme telle. Mais une fois un
Etat palestinien créé, celui-ci pourrait saisir la cour pour
tous les crimes commis par des Israéliens sur son territoire, même
si Israël n’est pas encore membre de la CPI.
Les Etats-Unis et Israël disposent-ils alors
d’une immunité permanente et échappent-ils toujours à la
justice ? La réponse est malheureusement positive, « puisque même
l’exception ne s’applique pas à ces deux pays », affirme
Ibrahim Al-Anani, professeur de droit international. Le Conseil de
sécurité peut, en effet, saisir la CPI et demander au procureur
d’enquêter sur un éventuel crime commis par un des pays non
ratifiants, comme c’est le cas pour le Darfour. Hypothèse théorique
improbable. A-t-on oublié le veto américain, « ce veto qui sert
de protecteur pour Washington et Tel-Aviv chaque fois que ces deux
pays risquent d’être sanctionnés ? », ajoute Al-Anani.
C’est dire que la crédibilité d’une justice internationale
est mise en cause et laisse croire qu’elle ne peut être exercée
que sur les champs de bataille.
Un seul espoir pointe à l’horizon : des ONG
peuvent saisir la cour si elles sont en mesure d’apporter la
documentation et les témoins qui soutiennent leur démarche.
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Publié avec l'aimable
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