Opinion
Les
Etats-Unis et la nouvelle guerre du
Pacifique
Akil Cheikh Hussein
Mercredi 11 décembre 2013
Ce n'est pas la Corée du
Nord qui est cette fois à l'origine de
l'escalade des tensions dans la région
Asie-pacifique. C'est en effet Pékin qui
fait que beaucoup d'observateurs se
demandent si ce qui se passe dans la mer
de Chine n'annonce pas une confrontation
militaire entre les deux géants chinois
et étasunien.
Le 23 novembre dernier, la Chine a
annoncé la création d'une «zone de
défense aérienne» incluant une grande
partie de la mer de Chine autour de
plusieurs îles administrées par le Japon
qui leur donne le nom de Senkaku, mais
que la Chine considère comme partie
intégrale de son territoire national
sous le nom de Diaoyu. Taïwan les
considère aussi comme siennes.
Les données géographiques vont dans le
sens de l'appartenance de ces îles à
Taïwan puisqu'elles se situent à 170 km
de ses côtes, alors que cette distance
s'élève respectivement à 300 km des
côtes chinoises et à 400 km des côtes de
l'île japonaise d'Okinawa. Cependant, la
question revêt une dimension plus
compliquée du point de vue politique
puisque la Chine considère Taïwan
elle-même comme territoire chinois.
Du point de vue historique, les plus
anciens documents disponibles montrent
que ces huit îles dont la superficie
totale n'est d'environ que de 6 km
carrés sont chinoises depuis très
longtemps. Mais elles sont tombées avec
Taïwan et plusieurs autres pays de la
région sous l'occupation japonaise en
1895. Après la défaite du Japon dans la
seconde guerre mondiale, les Etats-Unis
ont rendu Taïwan à la Chine mais ils ont
gardé ces îles sous leur contrôle
jusqu'à l'an 1972, avant d'autoriser au
Japon de les administrer semant ainsi de
nouveaux germes de la discorde entre la
Chine et le Japon.
Les îles en question ne sont pas
peuplées. Mais un rapport émanant d'une
commission des Nation unies a signalé en
1969, dans le but peut-être de nourrir
les germes de la discorde, que la zone
sous-marine environnant ces îles
pourrait receler d'importants gisements
de pétrole. Dès lors, un conflit qui
resta non armé malgré quelques
altercations limitées a éclaté entre le
Japon, la Chine et Taïwan.
Quoi qu'il en soit, l'annonce chinoise a
provoqué de fortes réactions de la part
des Etats-Unis et du Japon. Cela prouve
que Washington -qui s'emploie
actuellement à renforcer sa présence
militaire dans le Pacifique- n'est pas
prêt, après ses régressions au
Moyen-Orient, à reculer dès la première
épreuve de force loin d'une région
qu'elle considère vitalement importante
pour ses intérêts stratégiques.
Des responsables étasuniens ont dit
clairement que leur pays défendra les
îles disputées conformément à un traité
qui avait été conclu avec le Japon. Et
au milieu de ce climat tendu, le
vice-président des Etats-Unis, Joe Biden,
qui a visité Tokyo, Pékin et Séoul, a
insisté sur la présence permanente et
forte de son pays dans le Pacifique.
Washington ne s'est pas contenté de
lancer des avertissements. Il a dépêché
à l'appui des avions et des navires de
guerre. Pékin a de son côté fait de
même. Mais aucun accrochage n'a eu lieu
même lorsque des avions civils et
militaires étasuniens et japonais ont
survolé les Îles sans prêter attention
aux avertissements chinois qui avaient
évoqué la possibilité de les attaquer.
En vérité, les menaces chinoises
n'étaient pas suffisamment sérieuses
dans la mesure où elles ont été placées
dans le seul cadre du possible. De son
côté, l'action étasunienne n'était pas
plus sérieuse puisque les bombardiers
B-52 qui ont survolé les îles n'étaient
aucunement armés.
Certes, personne ne s'est attendu à voir
l'évolution de la situation dépasser les
limites du contrôle. Pourtant, tout le
monde sait que la région est ouverte à
davantage de tensions. Des bases
militaires étasuniens existent non loin
des côtes chinoises aux philippines, au
Japon, en Corée du Sud et ailleurs. Pas
moins de 40 pour cent de la totalité des
potentiels militaires des Etats-Unis
sont déjà déployés dans la région. Tout
cela prouve l'inquiétude de Washington
face à l'accroissement de la puissance
économique et militaire chinoise, mais
aussi face à la tendance de la Chine à
élargir ses zones d'influence sur les
deux plans régional et international.
D’un autre côté, la mer Jaune qui est un
prolongement vers le Nord de la mer de
Chine est un théâtre quotidien des
manœuvres maritimes mais aussi de
confrontations entre la Corée du Nord
d'une part et d'autre part la Corée du
Sud et ses alliés japonais et étasunien.
Quant aux îles Kouriles contrôlées par
Tokyo et revendiquées par Moscou, elles
font de la Russie -qui cherche de son
côté à profiter du recul des Etats-Unis-
un acteur principal dans la concurrence
sur le Pacifique.
Par le passé, les Etats-Unis ont gagné
la guerre du Pacifique qui a été
couronnée par le largage des bombes
atomiques sur les villes japonaises. De
nos jours, il parait qu'on se dirige
vers une nouvelle guerre du Pacifique.
Mais il est trop tôt de faire des
spéculations sur les gagnants et les
perdants, mais s'il est possible de dire
qu'aujourd'hui les rapports de forces ne
donnent plus l'avantage à Washington
comme c'était le cas lors de la première
guerre du Pacifique.
Source: French.alahednews
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