Opinion
Du sérieux des propos d’un prétendant au
trône
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 23 juillet 2015
Depuis qu’il a gravi les échelons de la
notoriété, l’image de l’homme n’a jamais
été reluisante et a fait le bonheur des
caricaturistes. La raison en est qu’en
d’autres temps, le peu d’envergure de
Nicolas Sarkozy ne lui aurait même pas
permis de prétendre aux seconds rôles et
c’est porté par une profonde régression
politique que le personnage a pu occuper
le devant de la scène. Car l’histoire
est ainsi faite qui propulse sur le
devant de la scène les profils adaptés
aux niveaux d’exigence de chaque époque.
Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut
négliger ce que le bonhomme a dit à
Tunis. Libéré des obligations
officielles et/ou diplomatiques, il
exprime bel et bien des visées réelles
sur l’Algérie, un rêve absolu de
néocolonialiste convaincu que la
conjoncture est propice à une reconquête
du terrain perdu, quelle que soit la
forme que cela prendra. Nous avons pu
voir avec quel entrain il a été
l’initiateur de la destruction de la
Libye et sa jubilation après
l’assassinat de Mouammar Kadhafi, son
mécène. Nous avons pu l’entendre, en
tant que président de son pays, faire
cette déclaration : « les opérations
militaires qui ont été menées par la
France en Algérie qui, je le rappelle,
appartenait alors au territoire
national, ont été engagées par la
République française et conduites sous
l'autorité de gouvernements légitimes et
démocratiquement élus. » Il défendait,
bien sûr, avec aplomb l’idée que la
guerre de répression menée contre le
peuple algérien, les massacres, la
torture institutionnalisée, avaient une
légitimité. Il est même allé plus loin
quand, aux yeux des pieds noirs et des
harkis, il devait justifier
l’indépendance algérienne. Sur le sujet,
il considère que c’est à son corps
défendant que la puissance coloniale a
dû se résoudre à la chose, une façon de
signifier des regrets et de suggérer que
la disponibilité au fait colonial
persiste. Ecoutons-le : « Mais où est la
responsabilité de la France ? D'avoir
été une puissance coloniale ou d'avoir
accepté un processus de décolonisation
en Algérie comme toutes les puissances
coloniales ont, partout, été contraintes
de le faire ? » Alors les propos servis
aux Tunisiens prennent toute leur
importance et ceux qui doutent de son
avenir risquent d’avoir des surprises,
parce qu’ils occultent la décrépitude du
contexte politique français, la
progression fulgurante des courants de
pensée les plus rétrogrades et les
fortes probabilités que le choix se
portera vers ceux qui proposent la haine
de l’autre, la sécurité, au prix de la
neutralisation de « l’ennemi
intérieur », et la restitution de « sa
grandeur » au pays. Ceci sans omettre
que le pouvoir "socialiste" actuel,
comme il l’a démontré, ne doit pas
diverger de beaucoup avec le va-t-en
guerre Sarkozy. Rien ne coûte, dès lors,
sans paranoïa aucune, de ne pas mépriser
ou de minorer les déclarations de ce
monsieur, qui ne doivent pas faire
office de simple ballon sonde. Même les
délires les plus fous peuvent avoir une
matérialité, surtout que l’Occident est
aux abois et qu’il a prouvé, à maintes
reprises, qu’il a inauguré une nouvelle
ère où il compte bien remodeler la
planète selon ses propres perspectives.
Ahmed.Halfaoui
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