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A Gaza, on ne voyage que vers le ciel

Ahmed al-Ostaz


Ahmed al-Ostaz

Samedi 9 août 2014

Appuyé sur mon bureau recouvert de poussière, mes dix doigts enfoncés dans mes cheveux, regardant partout et nulle part, un coin sombre de ma chambre en désordre fermés par des rideaux, je devine alors ma silhouette sur le mur, dessinée par une faible lueur qui semble venir d'une cave profonde. 
Beaucoup de questions se bousculent dans ma tête commençant par pourquoi, suivies de points d'interrogations et d'exclamation faisant la queue .. 
Rien ne bouge à part mes paupières qui clignent sans cesse, et même les souffles qui sortent de mes poumons prennent soin de ne pas couper le fil de mes pensées qui se déplacent d'une préoccupation à une autre .
Décidant de me distraire un peu, la tête au bord de l'explosion, je n'ai devant moi qu'un petit crayon de la taille de mon index et un cahier abandonné depuis le dernier semestre. Je commence à faire des zigzags et des zigzags, et subitement, je me suis souvenu d'un jour en fin de mois de mai où le chef du département m'a informé que j'avais obtenu une bourse du consulat général de France à Jérusalem dans le cadre d'un stage linguistique en France pour le mois d'Août. J'étais alors très content et joyeux, et comme ce voyage était mon deuxième départ en France, j'ai senti à quel point j'étais chanceux, pourtant je ne fais pas confiance au destin ni à son ironie.
Dès qu'on m'a informé du voyage, j'ai commencé à en rêver follement. Je suis déjà parti l'année dernière, mais, je ne sais pas pourquoi, je me suis dit que c'est peut-être parce que je ne comptais pas trop dessus que je n'imaginais pas pouvoir partir encore une fois.
Après avoir terminé mes examens, j'ai pris mes vacances, mon repos, après un semestre d'études très dense et fatiguant, segmenté en un gros tas d'informations et d'activités et en un ensemble de chocs et d'échecs. 
Après deux semaines j'ai senti que mon français se dégradait, que j'oubliais. Alors j'ai décidé de travailler comme bénévole dans la médiathèque de l'Institut Français de Gaza pour entretenir mon français, même si on n'y parle pas beaucoup français.
J'avais commencé à faire les procédures du voyage, mais j'avais toujours une très bizarre intuition de ne pas pouvoir partir, alors j'ai laissé tomber me disant que rien ne m'arrivera que ce qui m'est écrit.
Deux semaines plus tard, Le Ramadan nous a rendu visite, un mois béni, qui permet les retrouvailles, un mois où la joie réside dans les cœurs des enfants et un mois qui rassemblent les croyants.
Comme chaque année, pendant ce mois béni, je me sens en très bonne santé et très en forme, même si c'est dur de faire Le Ramadan 16 heures par jour en plein été. 
Cet état n'a pas duré cette fois. Dès le début du mois du Ramadan, il y a eu quotidiennement, après minuit, une fête à Gaza dont l'orchestre était l'aviation militaire israélienne.
Tous les indices indiquaient une prochaine agression israélienne contre Gaza, et des amis se moquaient de moi en me disant : Ahmed, il parait qu'il y aura bientôt une agression, alors tu ne partiras pas. 
Même s'ils se moquaient de moi, je prenais en compte ce qu'ils disaient. 
Une semaine plus tard dans le mois du Ramadan, soit le 7 juillet, la situation c'est beaucoup aggravée dans la bande de Gaza. L'aviation militaire de tous types, soit des F16 soit des drones militaires, a commencé à tout bombarder : les casernes de la police, les maisons des civils, les mosquées, les marchés, les hôpitaux. 
Moi, je n'ai pas prêté beaucoup d'attention à ce qui se passait à Gaza parce qu'en tant que jeune âgé de vingt ans, j'ai vécu une Intifada en 2000, beaucoup d'invasions et trois agressions en 2006, 2008 et 2012. J'ai pensé que ça n'allait juste durer que quelques jours et que cette agression ne serait pas plus agressive et criminelle que les précédentes. 
Mais malheureusement j'ai dû constater que je m'étais trompé. 
Cette agression-là est la plus sanglante, la plus criminelle et la plus sauvage, depuis 1948. 
Vraiment, c'est une honte pour l'humanité vu qu'on est en 2014.
Au nord, au sud, au centre, à l'est et à l'ouest, il y a du feu à Gaza.
Une mort rapide est venue remplacer la mort lente dont les habitants de Gaza souffraient à cause du blocus étouffant imposé depuis des années. 
De toute manière, on meurt.
Dès le premier jour de l'agression, j'ai sorti ma nouvelle radio gagnée il y a deux ans lors d'un concours journalistique et je me suis installé devant mon ordinateur dans le but de ne pas rater d'informations. 
J'ai d'autant plus suivi follement les infos que mes amis français et francophones se plaignaient de la désinformation des médias dans leurs pays et me demandaient de leur transmettre la vérité sur ce qu'il se passait à Gaza, car ce qui était annoncé dans les médias internationaux l'était de façon subjective. 
Mais, c'est bien dommage car je n'ai pas pu le faire comme il le fallait faute d'électricité. Pendant les premiers jours de l'agression, nous n'avions seulement 8 heures du courant par jour, mais plus tard, les 8 heures se sont réduites en 3 heures par jour et cela a continué de se réduire jusqu'à ce qu'on ait juste eu deux ou trois heures du courant tous les deux ou trois jours .
Ces jours-ci, l'électricité est devenue le rêve de certains enfants à tel point quand on leur demande : quel est votre grand rêve dans la vie ?! 
La réponse est d'avoir de l'électricité pour toute une journée entière sans qu'il y ait des coupures. 
C'est choquant comme réponse mais logique.
Actuellement à Gaza, c'est un miracle d'avoir de l'électricité notamment après que la seule centrale électrique de Gaza ait été bombardé .
L'ambiance de Ramadan s'est déguisée en ambiance de guerre, les proches ne se sont pas rendus visite et tous sont restés chez eux. Le ciel pleut des bombes et le sommeil manque à nos yeux.
A chaque heure, une dizaine de maisons s'écroulent et majoritairement sur les têtes de leurs habitants à moins que les habitants soient avertis, soit par un appel téléphonique de la part de l'armée israélienne, soit par un missile effrayant largué par un drone qui cible un groupe de personnes et les réduisent en morceaux. 
Tout le monde l'appelle un missile d'avertissement, cependant il n'a pas été largué pour avertir. Ce missile-là contient une substance phosphorique qui permet aux avions F16 de déterminer la cible qui doit être bombardée.
Et même si on appelle les habitants et qu'on largue un missile pour qu'ils évacuent leurs maisons, on ne leur donne que quelques minutes pour les évacuer avant que les F16 arrivent, si bien que les gens ne peuvent rien emporter, que les vêtements qu'ils portent et encore, parfois, ils ne réussissent pas à s'en sortir.
Pendant ces moments atroces, j'ai complètement oublié le voyage et je n'avais nulle envie d'y penser, parce qu'au lieu d'y penser, il fallait penser aux gens qui nous quittent et voyagent au paradis, aux enfants aux corps déchirés ayant l'âge des fleurs dont Israël prétend qu'ils sont des terroristes, aux maisons rasées que les gens ont payé de leur sang pour les construire, aux mosquées démolies, les maisons de la paix où on allait fêter l'Aid, et aux écoles bombardées étant les phares des sciences.
Un jour où toute la famille était à table pour casser le jeûne, une explosion à fait trembler le quartier, et quelques minutes après on a appris que deux jeunes de mon quartier ont été ciblés par un drone lorsqu'ils étaient en train de rentrer chez eux après avoir fait la prière de EL Mahgreb à la mosquée. 
Un est tombé martyr et l'autre s'est fait couper les jambes et il est toujours dans un état très grave. 
Un jour aussi, alors qu'il était presque 8h du matin, j'ai été réveillé par un tremblement de terre terrible. Je me suis levé et j'ai couru dehors pour voir ce qui se passait. 
J'ai trouvé la rue entassée de gens se pressant pour aider notre voisin à évacuer sa maison avant que les F16 ne la réduisent en pierres. 
Deux minutes après, la maison qui se composait de 6 étages a été pulvérisée. 
C'était insupportable de voir les larmes de notre voisin qui travaillait comme professeur et qui venait juste de prendre sa retraite. Il avait consacré la majorité de sa vie à construire cette maison qui abritait environ 60 personnes. 
Et c'est du même au pareil pour des milliers de familles.
Quand je suis rentré chez moi, j'ai trouvé maman en train de pleurer et cela m'a beaucoup énervé.
Dès que l'armée israélienne a lancé l'offensive terrestre, la situation a terriblement empiré. Des milliers de familles habitant à l'est et au nord de la bande de Gaza ont dû fuir leurs maisons vers les écoles de l'UNRWA des villes de l'ouest et le centre-ville. 
Cela m'a rappelé la Nakba palestinienne en 1948, où les gens avaient pris avec eux le nécessaire et fermé leurs maisons à clé. 
C'est exactement comme ce qui s'est passé en 1948, pourtant il y a une grande différence entre cette période-là et celle-ci, car en 1948, lorsque les gens se sont réfugiés dans la bande de Gaza. Il y avait alors beaucoup d'espace et de terrains vides et les réfugiés n'étaient pas si nombreux alors qu'aujourd'hui Gaza est déjà surpeuplée et le nombre des réfugiés a triplé.
Nous avons accueilli ma sœur, son mari et leurs enfants habitant à l'est de Gaza, ainsi que mon frère et sa famille. Ils habitent depuis toujours chez nous, on était presque une vingtaine dont la majorité sont des enfants. 
On a pris toutes les précautions pour être prêts en cas d'évacuation ou d'urgence. 
On veillent toutes les nuits en regardant les bombes être larguées partout, accompagnées de lumières rouges touchant le ventre du ciel et des explosions agressives faisant danser les maisons.
Un jour où j'ai pu acheter quelques litres d'essence après des heures d'attente, pour faire fonctionner notre générateur électrique afin de remplir les tonneaux d'eau, on a allumé notre télévison couverte de poussière, sur une chaîne locale qui exposait les crimes commis contre les civils dans le quartier Al Chujaià : un homme soulevait un petit enfant bombardé dont le sang coulait par terre.
Mon neveu m'a demandé : oncle, pourquoi cet enfant a été puni comme ça ? C'est parce qu'il taquine sa maman ?? 
Je lui ai répondu : non, c'est parce que sa maman l'adore et il y a des gens qui en sont jaloux. 
A ce moment-là, je n'ai pas trouvé mieux que cette réponse et je craignais qu'il me pose une autre question à laquelle je ne pourrais peut être pas trouver la réponse convenable.
Plusieurs fois, lors d'un ciblage ou d'une explosion près de chez nous, je remarquais qu'un de mes neveux âgé de 3 ans, tendait l'oreille pour nous dire si ce missile est largué par un drone ou par un F16 pour faire en sorte que nous riions et oubliions le chagrin et la misère pour un petit moment.
Il est vrai que la nécessité est mère de l'invention, comme il n'y avait pas de courant, toutes les batteries de nos portables étaient épuisées, mais heureusement les Gazaouis réussissent toujours à dépasser les crises : on a pu charger nos portables à partir des fils des téléphones fixes qui ne fonctionnent pas à l'électricité. 
La date du voyage s'est approchée, et là je commençais à me faire du souci, et je me demandais si l'agression serait finie avant que le voyage ait lieu. Je gardais toujours un petit espoir, quand bien même j'étais sûr de ne pas pouvoir partir, et en fin de compte, j'ai appris que la voyage a été annulé au vu de la situation actuelle à Gaza et des passages fermés. 
Il est vrai que c'est dur d'assimiler l'annulation d'un projet, mais, à Gaza, on a appris de rêver, à se faire des illusions, car on a toujours eu l'habitude de voir nos rêves partir en fumée. 
Alors, j'ai constaté qu'il est plus facile de franchir les frontières du ciel que de franchir les frontières de Gaza, il plus facile de voyager au paradis que de voyager en France, car à Gaza pour aller au paradis il ne faut qu'une balle ou un missile alors qu'il faut attendre l'approbation de plusieurs états afin de franchir les frontières de Gaza et on n'en est jamais sûrs.
Pendant la trêve de 72 heures proposée par l'Egypte le mardi matin le 4 Août, je suis allé voir le quartier El Chujaia et je suis juste passé à côté des frontières. 
Il y avait tant de ravages et de destructions inimaginables, qui auraient pu faire fondre les cœurs de la douleur, mais malgré tout cela, les habitants ont résisté et survécu, ils gardent toujours la volonté, la détermination et l'attachement à la terre. Ils ont même fait des tentes sur leurs maisons bombardées .
Un peuple dont la volonté ne se brise ni par le feu ni par le fer, un peuple qui adore voyager au ciel plutôt que de rester humilié sur la terre...

 

 

   

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