Turquie
Erdogan est emmêlé dans une toile de ses
mensonges
Ahmad Al-Khaled
Vendredi 24 avril 2020
La politique étrangère de la Turquie
centrée autour des ambitions de Recep
Erdogan a été conçu comme une énorme
toile tissée à travers le Moyen-Orient,
Afrique du Nord et Europe. Maintenant,
le leader turc peut tomber à son propre
piège.
"Zero problème avec les voisins" -
c’était la devise choisie par Recep
Erdogan, alors premier ministre de
Turquie, pour la politique étrangère du
pays il n'y a pas si longtemps.
Aujourd'hui, quand les relations de
Turquie avec ses voisins et états
éloignés semble être composées
entièrement de problèmes, cette devise
ne ressemble qu'une mauvaise blague qui
n'a pas bien vieilli et nous donne des
raisons pour réévaluer les actions et
les décisions du gouvernement turc qui
ont amenés le pays à l'état actuel.
C'était exactement dans les relations
avec ses voisins où la Turquie a été
confrontée à des défis cruciaux. Sous la
direction d'Erdogan Ankara est
intervenue dans le conflit Syrien, tout
en coupant les liens avec le
gouvernement de Bashar al Assad et
lançant une opération militaire contre
les kurdes syriens.
Tandis que la crise Syrienne se
transformait rapidement en une guerre
par procuration impliquant les
puissances mondiales et régionales, les
actions de Turquie ont menacé de
compromettre les relations avec les
parties intéressées. L'intervention
d'Ankara est entrée en conflit avec les
intérêts de Russie, Iran et États-Unis.
L'acquisition des systèmes de missiles
sol-air S-400 russes n'a pas été
accomplie qu'après des retards et
difficultés multiples, la Turquie a été
exclue du programme des F-35 américain
et les relations avec Iran se sont aussi
détériorées. De plus, les politiques
agressives poursuivies par la Turquie
ont énervés les membres de l'OTAN, en
leur faisant douter du besoin d'avoir
Turquie dans leurs rangs.
Les relations avec les États européens
ont été rendues encore plus compliquée
par la position ambiguë de la Turquie
sur la crise migratoire. Erdogan a
choisi d'exploiter la situation pour
faire chanter les dirigeants européens,
simultanément en menaçant d'ouvrir la
frontière turque aux migrants et
demandant à allouer des fonds pour eux.
Il en va de même pour les actions de la
Turquie en Libye, où Ankara soutient le
Gouvernement d'accord national, et
affronte donc l'Armée nationale libyenne
dirigée par l'homme fort Khalifa
Haftar,qui est soutenu à la fois par des
acteurs régionaux et des États de l'UE
méfiants d'un nouvel afflux de migrants.
Il n’est pas surprenant que les efforts
maladroits de la Turquie d'exporter son
expérience syrienne en Libye aient donné
des résultats tout aussi déplorables.
Comme en Syrie, Ankara s'est retrouvée
en collision avec Moscou et a recouru à
des attaques verbales contre les Russes.
Imaginez l'absurdité de la situation: la
Turquie a accusé la Russie d'envoyer des
militants syriens en Libye - malgré les
déclarations ouvertes de Recep Erdogan
selon lesquelles la Turquie faisait de
même (il faut noter que les affirmations
d'Erdogan n'ont pas découragé la police
turque d'arrêter deux journalistes qui
ont rapporté la mort d'un officier de
renseignement turc en Libye). Et en plus
de cela, la Turquie récompense ceux qui
souhaitent voyager en Libye le double du
montant alloué par la Russie, selon une
chercheuse israélienne Elizabeth Tsurkov.
Une analyste israélienne soutenant le
discours turc est assez particulier pour
suggérer que l'ingérence d'Erdogan avec
un jeu d'échecs en trois dimensions a
été exploitée par un joueur beaucoup
plus compétent qui n'a pas manqué
l'occasion de créer des tensions là où
cela lui convient.
On peut s'attendre à ce que tôt ou tard,
probablement tôt compte tenu de la
situation, les plans astucieux des
dirigeants turcs se terminent de la
seule manière possible et totalement
prévisible - Recep Erdogan se retrouvera
emmêlé dans son propre toile des
mensonges. Pour ça, il n'aura d'autre
coupable que ses ambitions.
Ahmad Al-Khaled,
journaliste et auteur syrien
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