Analyse
Il y a 70 ans, le 10 mars 1948 le Plan
Daleth finalisait
la planification du nettoyage ethnique
de la Palestine
AFPS
Jeudi 15 mars 2018
Fin 1947, quand les Nations unis
recommandent la partition de la
Palestine en un État juif et un État
arabe, la Palestine est habitée par un
tiers de Juifs et deux tiers d’Arabes
palestiniens. Un an plus tard, 80 % de
la population arabe palestinienne du
territoire devenu israélien vit en exil
dans des camps de réfugiés, plus de 500
villages et 11 quartiers de villes
palestiniennes ont été détruits ou
rasés. Ce nettoyage ethnique a été
méticuleusement préparé tout
particulièrement dans le Plan Daleth. En
quelques mois, les dirigeants du
mouvement sioniste ont organisé le
« transfert » par la violence et
l’intimidation de la population arabe
palestinienne.
Très tôt, Ben
Gourion avait compris que l’achat de
terres ne suffirait pas pour mettre la
main sur le territoire. À noter que
certaines ventes s’accompagnaient de
l’obligation pour les anciens
propriétaires de quitter le pays. Le
président du Fonds National Juif
déclarait en 1930 : « S’il y a là
d’autres habitants, ils doivent être
transférés ailleurs. Nous devons prendre
le contrôle des terres. » Selon
l’historien israélien Tom Segev « faire
disparaître les Arabes se situait au
cœur du rêve sioniste, et était aussi
une condition nécessaire de sa
réalisation. » En 1937 Ben Gourion
affirme que : « Les Arabes devront s’en
aller ». En 1940, Yossef Weitz écrit :
« c’est notre droit de transférer les
Arabes ». Par ailleurs, l’Agence juive,
l’organisation dirigeante du sionisme en
Palestine, avait élaboré un dossier sur
les villages palestiniens avec toutes
les informations permettant d’étudier
« la meilleure façon de les attaquer ».
Quand Ben Gourion
comprend en 1946 que les Britanniques
vont quitter la Palestine, il élabore
une stratégie générale contre la
population palestinienne une fois les
Britanniques partis (plan A, B et C).
Quelques mois plus
tard fut élaboré le plan D, (Plan Daleth).
Ilan Pappe, historien israélien, précise
dans son ouvrage paru en 2008 chez
Fayard « Le nettoyage ethnique de la
Palestine » que « C’est lui qui a scellé
le destin des palestiniens sur les
territoires que les dirigeants sionistes
avaient en vue pour leur futur État
juif. […] le Plan Daleth prévoyait leur
expulsion totale et systématique de leur
patrie. ». Il démontre dans ce même
ouvrage que « Le Plan D israélien de
1948 contient un répertoire des méthodes
de nettoyage ethnique qui correspond
point par point aux moyens décrits par
les Nations unies dans leur définition
du nettoyage ethnique, et constitue
l’arrière plan des massacres qui ont
accompagné l’expulsion massive. ». Les
descriptions sont claires : « Ces
opérations peuvent être menées de la
manière suivante : soit en détruisant
les villages (en y mettant le feu, en
les dynamitant et en posant des mines
dans les décombres). Notamment ceux qui
sont difficiles à maîtriser en
permanence. Ou en montant des opérations
de ratissage et de contrôle conformes
aux directives suivantes : encerclement
des villages, recherches à l’intérieur.
En cas de résistance, les éléments armés
seront éliminés et la population
expulsée hors des frontières de
l’État. »
On est très loin du
mythe officiel israélien répété à l’envi
selon lequel les Arabes palestiniens
auraient quitté leur terre de leur plein
gré, ou encouragés par les États arabes
voisins, lors de la première guerre
Israélo-arabe déclenchée le 15 mai au
lendemain de la déclaration unilatérale
dite « d’indépendance » d’Israël. Avant
le 15 mai 1948, les forces juives
avaient déjà expulsé par la violence
plus de 250 000 Palestiniens, le plus
souvent par la terreur, parfois avec des
massacres. La Nakba - la catastrophe qui
marque la dépossession, les massacres et
l’expulsion des Palestiniens de leur
terre - est déjà en cours. L’exode de
800 000 Palestiniens n’est pas la
conséquence malheureuse d’une guerre
mais l’aboutissement d’un plan
systématique.
La Nakba s’est
accompagnée - et cela se poursuit
aujourd’hui - d’un véritable « mémoricide ».
Il fallait en effet conforter un autre
mythe israélien selon lequel la
Palestine était « une terre dans peuple
pour un peuple sans terre ». Ilan Pappe
relate que « La dépossession s’est alors
accompagnée de changement de nom des
endroits pris, détruits et maintenant
recréés. Cette mission a été accomplie
avec l’aide d’archéologues et d’experts
de la Bible », afin d’ « hébraïser la
géographie de la Palestine ». Ce « mémoricide »
est aussi à l’œuvre dans toute la
Cisjordanie - y compris Jérusalem-Est -
où les lieux saints sont accaparés par
Israël (un cas pour exemple : le tombeau
de Rachel à Bethléem), où rues et
quartiers sont rebaptisés comme à Hébron
dans le secteur du tombeau des
patriarches vidé de ses habitants et
confisqué par des colons. À Jérusalem
l’entreprise de transformation du
quartier palestinien le Silwan en un
vaste parc dénommé Cité de David
participe de cette réécriture de
l’histoire de cette terre.
Quand en 2000,
Ariel Sharon devenu premier ministre
d’Israël, déclare « nous allons
maintenant achever ce qui n’a pas été
achevé en 1948 » les choses sont
claires : ce qui n’a pas été achevé,
c’est le processus dont la Nakba a été
l’apogée, le processus d’expulsion et de
dépossession du peuple palestinien de
son territoire ainsi que du droit à son
histoire et à sa culture.
Ce processus est
toujours à l’œuvre aujourd’hui :
extension de la colonisation en
Cisjordanie, déplacements forcés des
populations bédouines dans les environs
de Jérusalem, dans la vallée du Jourdain
ou dans le Néguev, nettoyage ethnique au
cœur de la vieille ville d’Hébron en
sont autant d’exemples.
Criante
d’actualité, la situation faite aux
Palestiniens de Jérusalem-Est. Au-delà
de la décision de Trump de reconnaitre
Jérusalem comme capitale d’Israël
entérinant ainsi la violation du droit
et la dépossession des Palestiniens,
Israël multiplie les lois destinées à
les en expulser. Ainsi, le 7 mars, la
Knesset a adopté définitivement une loi
sur "la révocation complète du statut de
résidence permanente prévu pour les
Palestiniens de Jérusalem-Est". C’est ce
statut qui régit les Palestiniens vivant
sous occupation dans Jérusalem-Est
annexée illégalement par Israël. En se
dotant de cette nouvelle loi, Israël va
ainsi pouvoir expulser encore plus
facilement les Palestiniens de
Jérusalem-Est de leur ville poursuivant
le processus de nettoyage ethnique
formalisé il y a 70 ans par le Plan
Daleth.
Paris, le 9 mars
2018
Le Bureau national de l’AFPS
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