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Gaza a-t-il rejoint l’axe de la
résistance ?
Adnan Abu Amer
Mardi 13 mars 2018
Par Adnan Abu
Amer (revue de presse : Chronique de
Palestine – 10/3/18)*
Les factions
palestiniennes, à l’exception du
Fatah,
menacent d’ouvrir un front à Gaza contre
Israël, s’il part en guerre contre la
Syrie, le Liban ou l’Iran.
Les tensions se
sont intensifiées le 10 février entre
Israël et la Syrie après que les
défenses aériennes syriennes ont
abattu un avion de combat israélien
qui avait bombardé Damas quelques heures
après qu’Israël avait intercepté un
drone iranien dans son espace aérien.
Bien que les Palestiniens n’aient pas
été impliqués dans les événements,
quelques heures plus tard, le Hamas, le Djihad islamique,
le Front populaire de libération
de la Palestine (FPLP), le Front
démocratique pour la libération de la
Palestine, le Mouvement populaire
de résistance et le Mouvement pour la
liberté palestinienne ont déclaré
leur soutien à la Syrie et à l’Iran et
promis de ne pas garder le silence si
Israël attaquait un des deux pays.
Le même jour, les
Brigades Izz
ad-Din al-Qassam, l’aile
armée du Hamas, ont tweeté
qu’elles allaient faire de leur mieux
pour protéger le peuple palestinien et
répondre à toute agression israélienne,
suite aux incidents à la frontière
israélo-syrienne. Mahmoud Mardawi, un
dirigeant du Hamas à Gaza et ancien
commandant militaire des Brigades, a
déclaré à Al-Monitor : « La position
du Hamas sur les événements en Syrie
envoie un message clair et sans
concession à Israël. A savoir que le
front de Gaza ne sera pas plus facile à
vaincre que les fronts syrien et
libanais, que les fronts syrien,
libanais et Gazaoui sont unis et
qu’Israël ne pourra pas les diviser. Le
Hamas cherche également à rassurer la
population palestinienne que l’idée
d’une nouvelle guerre contre Gaza
inquiète, en lui affirmant que les
brigades Qassam sont capables de
répondre à la menace israélienne ».
Mardawi a ajouté:
« Le Hamas veut également montrer à
la Syrie que si Israël l’attaque, lui,
le Hamas, se tiendra à ses côtés pour
qu’elle n’ait pas à affronter seule
l’ennemi, comme il l’a fait par le
passé. Il sera donc plus difficile pour
Israël d’attaquer un des trois pays,
Gaza, le Liban ou la Syrie. »
Maher al-Taher, le
directeur des relations politiques du
FPLP, basé à Damas, a déclaré à
Al-Mayadeen le 10 février qu’une
guerre israélienne contre le Liban, la
Syrie ou Gaza se transformerait
nécessairement en un conflit
plus large sur tous ces fronts à
la fois.
Hassan Hoballah,
qui supervise actuellement le dossier
palestinien du Hezbollah, a déclaré à
Al-Monitor : « L’axe de
résistance ne permettra pas à Israël de
mener une guerre d’agression uniquement
contre Gaza; les commandants de terrain
ont les moyens militaires d’empêcher que
cela ne se produise. »
Hoballah a ajouté
néanmoins : « Je ne crois pas à une
agression israélienne contre la Syrie,
le Liban ou Gaza. Cela coûterait
vraiment trop cher à Israël, la
résistance à de puissants moyens, même à
Gaza, et tous les membres de l’axe de
résistance sont maintenant dans le même
bateau. »
Les récents
événements en Syrie ont peut-être ouvert
la voie à un retour définitif du
Hamas dans l’axe iranien qu’il avait
quitté en 2012, après un désaccord sur
le camp à soutenir dans la guerre
civile syrienne. Le retour
progressif des bonnes relations
entre le Hamas, le Hezbollah
et l’Iran, et la manifestation de
soutien du Hamas envers la Syrie
devraient mettre fin aux dissensions et
permettre au Hamas de rétablir de
bonnes relations avec tous les membres
de l’axe de résistance, c’est-à-dire
Téhéran, Damas et Beyrouth.
Alors que la
plupart des factions palestiniennes ont
adopté des positions pro-syriennes et
pro-iraniennes, le Fatah est
resté remarquablement silencieux. Il n’a
pas fait de commentaires, ni publié de
déclaration sur les développements dont
nous venons de parler. Tayseer Nasrallah,
membre du Conseil révolutionnaire du
Fatah et dirigeant du Fatah dans le
nord de la Cisjordanie, a expliqué
pourquoi à Al-Monitor. « Le
Fatah concentre son attention sur la
cause palestinienne », a-t-il dit.
« Nous n’intervenons pas dans les
affaires des pays voisins. Nous croyons
qu’une guerre dans la région se ferait
aux dépens de notre cause nationale.
Nous ne voulons pas laisser l’attention
palestinienne se détourner vers d’autres
questions. »
Les Palestiniens de
Gaza ne se sont pas encore remis de la
guerre d’Israël contre le Hamas en
2014. C’est pourquoi l’idée de
s’engager dans une guerre régionale, qui
ne les concerne pas directement, ne les
enthousiasme guère. A cela s’ajoute le
fait que le Fatah ne veut pas
s’engager dans un conflit, et que ni la
Syrie, ni le Hezbollah, ni l’Iran ne
sont intervenus pour les aider lors des guerres
israéliennes de 2008, 2012 et
2014.
Wasef Erekat, un
expert militaire palestinien spécialiste
de la Cisjordanie et ancien commandant
de l’unité d’artillerie de l’OLP,
a déclaré à Al-Monitor: «
S’engager dans une guerre régionale
n’est pas vraiment dans l’intérêt de
Gaza. Les Palestiniens du Sud-Liban et
du Golan syrien pourraient peut-être se
joindre à une guerre contre Israël, mais
les Gazaouis ont déjà suffisamment de
problèmes, comment pourraient-il
s’engager dans un conflit de ce genre?
Peut-être que les alliés de Gaza au
Liban et en Iran peuvent le comprendre
et l’accepter.»
Le 10 février, le
ministre adjoint des Affaires étrangères
iranien Hussein al-Islam a déclaré que
l’Iran allait continuer à maintenir un front
de résistance uni entre la
Syrie, le Liban et Gaza. Mais il reste à
voir si les positions pro-syriennes et
pro-iraniennes des factions
palestiniennes sont assez sincères et
solides pour se concrétiser par des
actions contre Israël sur le terrain.
Emad Abu Awad, un
spécialiste des affaires israéliennes
du Vision
Center for Political Development en
Turquie, basé à Istanbul, a déclaré à
Al-Monitor : « L’attitude
belliqueuse tous azimut d’Israël a pour
but de monter les États-Unis contre
l’Iran en accusant [Téhéran] de
parrainer la résistance à Gaza. Bien
qu’Israël puisse craindre des
développements inattendus pendant une
guerre [sur plusieurs fronts], son front
nord avec le Liban et la Syrie demeure
sa principale préoccupation. »
Les tensions
pourraient encore s’intensifier entre
Israël et la Syrie, ce qui constituerait
un sérieux défi pour les membres de
l’axe iranien. On verra alors s’ils
unissent leurs forces contre Israël, ce
qui pourrait aboutir à une guerre
régionale dont les conséquences seraient
sans doute terribles pour les
Palestiniens. Ou si les factions
palestiniennes s’en tiennent uniquement
à des déclarations et des prises de
position…
Adnan Abu
Amer est doyen de la Faculté des Arts et
responsable de la Section Presse et
Information à Al Oumma Open
University Education, ainsi que
Professeur spécialisé en Histoire de la
question palestinienne, sécurité
nationale, sciences politiques et
civilisation islamique. Il a publié un
certain nombre d’ouvrages et d’articles
sur l’histoire contemporaine de la
Palestine.
*Source :
Chronique de Palestine -
Traduction : Dominique Muselet
Version
originale :
Al-Monitor (22/2/18)
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