Tunisie
Les salafistes ne
passeront pas à la Marsa
Zohra Abid
Dimanche 10 juin 2012
«Ils ne passeront pas à la Marsa ni
partout ailleurs en Tunisie», a dit un
jeune artiste sur un ton victorieux,
après que la tentative, dimanche,
d’éléments salafistes de faire décrocher
des tableaux au palais El-Abdellia eut
échouée.
Par Zohra Abid
Suite aux menaces, proférées, ce
matin, par des Salafistes exigeant le
décrochage des tableaux jugés indécents,
le Printemps des Arts de la Marsa a
connu une forte mobilisation citoyenne
de soutien des artistes et galeristes.
Attachement à
la liberté d’expression
Les organisateurs de l’événement,
inauguré le 1er juin, ne
pouvaient rêver d’une meilleure
publicité : plusieurs centaines de
personnalités politiques, culturelles et
médiatiques se sont donné rendez-vous en
fin d’après midi au palais El-Abdellia
pour exprimer leur rejet de toute forme
de censure et leur attachement à la
liberté d’expression. Finalement, les
salafistes ayant proféré leurs menaces
le matin semblent avoir mis de l’eau
dans leur vin (qu’on nous excuse cette
expression peu appropriée) et ont brillé
par leur absence. Quatre autres ont cru
devoir venir pour exprimer leur
mécontentement face à quelques unes des
œuvres exposées. Ils ont essuyé des
huées et des «Dégage» bien
sonores et ont été conduits à la sortie
par des youyous de victoire.
Une forte
mobilisation citoyenne.
Quelques
unes des oeuvres qui dérangent.
La galeriste Yosr Ben
Ammar racontera que des policiers lui
ont demandé discrètement de décrocher
deux tableaux de Mohamed Ben Slama,
jugés choquants par les visiteurs du
matin (les salafistes accompagnés d’un
huissier de justice et un avocat), mais
sa réponse était catégorique : «Je
ne vais rien enlever et je vous invite à
être présents à partir de 17 heures pour
attendre leur retour. L’Art ou eux,
notre Tunisie ou eux… J’ai des principes
et personne et encore moins ces
personnes donneuses de leçons qui vont
venir me dicter mon comportement et ce
que j’ai le droit d’accrocher».
Nja
Mahdaoui solidaire avec ses collègues
artistes.
Qui lapide
les femmes peut tuer les artistes.
La
confrontation évitée de justesse
L’incident est momentanément clos. Le
sentiment de soulagement qui se lisait
sur les visages était empreint
d’inquiétude. La liberté d’expression
vraiment en danger ? Qui va arrêter ces
inquisiteurs? Une conviction semble
partagée: il ne faut rien lâcher. La
liberté retrouvée avec la chute de la
dictature ne saurait être cédée sous la
pression d’une poignée d’extrémistes
religieux.
Néjib
Chebbi sait que l'art est une affaire
éminemment politique.
Karim Ben
Smaïl et Emna Belhaj Yahia, l'éditeur et
l'écrivaine.
Il faut dire que les
autorités n’ont pas brillé, comme
souvent, par leur absence. Elles
semblent avoir pris au sérieux les
menaces du matin et elles se sont
mobilisées autour du palais El-Abdellia
et même à l’intérieur pour parer à toute
éventualité et éviter une confrontation
entre les artistes et les salafistes. Il
n’est pas difficile d’imaginer ce qu’une
telle confrontation, si elle avait eu
lieu, qui plus est à la Marsa en ce
début d’été, aurait alimenté comme
commentaires dans les médias
internationaux et comme conséquence sur
une haute saison touristique qui peine
déjà à démarrer.
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Publié le 11 juin 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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