Algérie
Colonisation:
l'art consommé du négationnisme
Youssef
Girard
Vendredi 21
décembre 2012 «
Ni repentance ni excuses » ou l’art
consommé du négationnisme
Le Président français avait d’emblée
annoncé l’orientation qu’il souhaitait
donner à sa visite en Algérie : « Je
ne viens pas ici pour faire repentance
ni excuses ». Il s’agissait donc
pour François Hollande de se rendre en
Algérie pour redéployer la vieille
idéologie putride de la gauche coloniale
française qui hier soutenait les crimes
de masse contre le peuple algérien et
qui aujourd’hui se complet dans le
négationnisme. Ce
négationnisme de gauche adapte son
discours, met les formes et joue sur les
mots mais sur le fond il s’agit toujours
de la négation la plus absolue de la
responsabilité des crimes commis par la
France pendant cent trente-deux ans
(1830-1962) en Algérie. Cette négation,
F. Hollande la prononce au nom d’une
prétention à la « vérité » historique
face à un peuple ayant vécu cette
histoire dans sa chair. Il faut être
profondément imbu de sa supériorité
d’occidental pour se croire autorisé à
donner des leçons d’histoire à un peuple
ayant vécu ce passé. François Hollande
n’est manifestement pas sorti de l’ère
coloniale où les occidentaux « civilisés
» avaient la « mission » d’enseigner
leurs lumineuses « vérités » à la
sous-humanité des colonisés.
En plus de cet étalage de suprémacisme
occidental, F. Hollande fait dans le
détournement de responsabilités. Il
reconnaît « les souffrances que la
colonisation a infligées au peuple
algérien » et il critique une
colonisation « profondément injuste
et brutale ». « Colonisation »
mais qu’en est-il de la responsabilité
de la France ? Qu’en est-il de la
responsabilité de la République dont on
nous vante perpétuellement les nobles «
valeurs » ? Qu’en est-il des trois
dernières Républiques françaises qui ont
été inaugurées par des crimes de masse
en Algérie[1]
? Qu’en est-il de la responsabilité de
l’armée et de l’administration française
? Qu’en est-il de la responsabilité de
la gauche coloniale française qui a
applaudi les massacres du 8 mai 1945 et
voté les « pouvoirs spéciaux » en mars
1956 ? Evidemment,
nous n’en saurons pas davantage de la
bouche du Président de la République
française. Le négationnisme de gauche
consiste non pas à nier totalement les
faits mais à maquiller les
responsabilités réelles en mettant
uniquement en cause une entité abstraite
et formellement disparue – la «
colonisation » – qui ne pourra donc
jamais rendre de comptes. F. Hollande
espère certainement solder ainsi le
passé colonial de son pays en Algérie à
peu de frais.
Au-delà de ce détournement de
responsabilités, F. Hollande fait dans
l’euphémisme lorsqu’il parle simplement
de « souffrances » ou de système
« profondément injuste et brutal ».
Seulement « brutale », la politique
génocidaire française qui a provoqué la
disparition de 30 à 58% de la population
algérienne entre 1830 et 1872 ? Simples
« souffrances », les six millions
d’Algériens morts au cours de cent
trente-deux ans d’une longue nuit
coloniale[2]
? Uniquement « injustes », les
massacres, les « enfumades », les viols,
les déportations, les centres de
tortures et autres camps d’internement
de civils ? « Injuste » aussi la
politique ethnocidaire visant à faire
disparaître la culture arabo-musulmane
en Algérie ? Toutes
ces circonvolutions verbales autour du
passé colonial de la France en Algérie
ne sont que l’expression d’un art
consommé du négationnisme. La France
pourra toujours se tresser des couronnes
de lauriers de « patrie des droits de
l’homme », la République se gargariser
de ses valeurs « universelles », les
peuples ayant vécu sous le joug français
connaissent la réalité de son humanisme
centripète qui s’arrête aux frontières
de la race blanche. Définitivement, la
France est indéfendable[3].
Youssef Girard
[1]
La IIIème
République a été fondée au
moment des massacres de 1871 qui
firent environ 300 000 morts, la
IVème
République dans la foulée des
massacres du 8 mai 1945 et la Vème
République en 1958 au cours de
la guerre de libération
nationale algérienne.
[2]
Cf. Lacheraf Mostefa,
L’Algérie :
Nation et Société,
Alger, Ed. Casbah, 2004
[3]
Pour une critique de l’attitude
des autorités algériennes Cf.
Mahi Tabet Aoul, « Visite du
Président français et séquelles
de la colonisabilité »,
URL :
http://assala-dz.net/ar/?p=2707
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