Nouvelles d'Irak
Libye: l'OTAN, bras armé d'Amnesty
International
(revue de presse)
Lundi 25 avril 2011
Traduction et synthèse : Xavière Jardez
L’Occident impérialiste ne manque pas d’imagination pour
concocter des produits de marketing qui assureront sa
domination. On est ainsi passé de la « démocratie », au
multipartisme, aux droits de l’homme, pour arriver,
dernièrement, au concept de «protection des civils ».
Mais, cette notion avait-elle cours lors de la guerre d’Algérie
quand des « rebelles », Français Algériens, se sont
soulevés contre le gouvernement central pour accéder à leur
libération. Un million de personnes fut tué, des milliers de
personnes furent déplacés, des charniers furent découverts.
Cependant, l’OTAN n’est ni intervenu, ni l’internationalisation
de leur cause n’a été soutenue, reconnaissant par là les droits
régaliens de la France.
Il n’en va pas de même de la Libye où selon l’expression
utilisée par un journaliste britannique, John Harris, « Ils
(la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis) sont devenus
le bras armé d’Amnesty International parce qu’ils ne peuvent
supporter que des innocents soient tyrannisés par les tyrans
qu’ils ont armés et financés pendant des années »
Or, qu’en est-il exactement. ? Depuis 2004, les Etats-Unis, avec
le soutien de l’Europe, ont systématiquement bombardé le
Pakistan par drones armés interposés sans aucune raison valable.
Et Barack Obama a même intensifié cette politique, la justifiant
parce qu’Al-Qaïda en était la cible. Mais cette argumentation
présente quelques failles. Les renseignements permettant aux
Américains de guider leurs bombes sur les vrais djihadistes sont
si peu fiables que l’OTAN a ouvert des négociations de
haut niveau avec un individu se prétendant leader des Taliban,
pour qu’il reconnaisse, ensuite, n’être qu’un vulgaire épicier
pakistanais n’ayant aucun contact avec l’organisation. Il avait
seulement besoin de bakchich.
Au Pakistan, les attaques de l’OTAN
accroissent le nombre des
djihadistes
Les conseillers militaires US admettent que, même quand
l’information est juste, pour chaque djihadiste tué, 50 autres
personnes périssent. Et tous les Pakistanais pensent que ces
attaques en fait accroissent le nombre de djihadistes, chacun
d’eux voulant venger la mort de membres de leur famille.
Pour Fatima Bhutto, un des meilleurs écrivains du Pakistan,
quand « au Pakistan, nous écoutons la rhétorique d’Obama sur
la Libye, nous ne pouvons qu’en rire. Si les massacres gratuits
de civils innocents le tourmentent, il n’aurait qu’un premier
pas à franchir pour les arrêter : cessez de le faire chez
nous ».
« La guerre au Congo est la guerre la plus sanglante depuis
la marche d’Hitler à travers l’Europe. J’ai vu les pires choses
que l’imagination puisse concevoir : des armées d’enfants
mutilés et drogués, des femmes ayant été violées par des
groupes d’hommes, et dans le vagin desquelles on avait
tiré. Plus de 5 millions de personnes ont été tués et les traces
de sang courent de votre téléphone au mien ».
La principale enquête de l’ONU sur la guerre a expliqué comment
cela s’est passé. Des « armées d’hommes d’affaires »
ont envahi le Congo pour piller les ressources et les vendre à
l’Occident connaisseur. Le butin le plus apprécié est le coltan
utilisé pour produire le métal des téléphones portables, des
consoles de jeux et des ordinateurs portables. Ces « armées
d’hommes d’affaires » se sont battus et ont tué pour
contrôler les mines et l’envoyer vers l’Occident. L’ONU a dressé
une liste des principaux groupes occidentaux qui ont nourri ce
commerce et ajouté que s’ils cessaient leur trafic, la guerre
s’arrêterait.
L’an dernier, soit une dizaine d’années plus tard, les
Etats-Unis ont finalement adopté une loi qui, en théorie du
moins, est supposé traiter du problème dans le cadre d’un
système volontaire visant à savoir qui achète et vend le coltan
et d’autres minéraux meurtriers (le coltan est disponible
ailleurs qu’au Congo, mais est plus cher). Le Département
d’Etat devait envisager un certain type de sanctions dans les
140 jours. Le délai est passé sans qu’il ne manifeste la moindre
inclination à les définir. Peut-être, était-il trop occupé à
préparer les bombardements sur la Libye parce qu’évidemment, il
ne peut tolérer la mort de civils innocents. (La France et
la Grande-Bretagne se sont comportées de la même manière).
L’Occident cause d’horribles souffrances
aux civils dans le monde
Si la rhétorique sur la Libye était sincère, cela ne
demanderait aucun effort : quelques multinationales
débourseraient un peu d’argent - qu’elles refusent de payer-
et la pire guerre depuis 1945 continue.
Ce qui précède ne jette-t-il pas plus de lumière sur le débat
sur la Libye ? Les médias nous incitent tous les jours à porter
notre attention sur les abus de nos ennemis et demandent : «
que pouvons-nous faire ? ». Mais, on ne nous demande
jamais de juger les abus énormes et tout autant réels de nos
pays, de nos alliés et de nos multinationales, sur lesquels nous
avons pourtant plus de contrôle.
Quand le Premier ministre britannique Cameron déclare que «
ce n’est pas parce que nous ne pouvons intervenir partout que
nous ne pouvons intervenir nulle part », il n’a rien
compris. Alors que « nous » intervenons et causons
d’horribles souffrances aux civils dans le monde, il est
parfaitement faux de prétendre que nous sommes mus par le désir
d’empêcher les autres de se comporter exactement comme nous.
Aussi pourquoi, nos gouvernements bombardent-ils la Libye ? Nous
ne le saurons vraiment que dans une dizaine d’années, quand les
documents auront été déclassifiés. Mais Bill Richardson,
l’ancien Secrétaire à l’Energie et aussi ambassadeur auprès de
l’ONU, a certainement raison quand il dit : « Il y a un
autre intérêt et c’est l’énergie. La Libye est parmi les 10
principaux exportateurs de pétrole dans le monde. Vous pouvez
dire, en toute certitude, que la hausse du prix du pétrole aux
Etats-Unis est due à l’arrêt de la production en Libye. Aussi ce
n’est pas un pays sans importance et je pense que notre
engagement est justifié ».
Pour la première fois depuis 60 ans, le contrôle de l’Occident
sur les plus grands puits de pétrole a été secoué par des
révolutions que nos gouvernements ne pouvaient maîtriser.
L’explication la plus plausible est que l’intervention est une
manière d’assurer la surpuissance de l’Occident afin que le
résultat soit en sa faveur.
Et, si vous pensez toujours que nos gouvernements agissent pour
des motifs humanitaires, j’ai un billet aller et retour pour
vous faire voir des ruines au Pakistan et au Congo. Les gens
là-bas seront heureux d’entendre vos arguments.
Source : John Harris, The Independent, Grande-Bretagne,
repris par The Star, Johannesburg, 12 avril 2011
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 28 avril 2011 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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