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Ha'aretz
Travaillistes
: la mort de l'idéologie
Uzi Benziman
[ce
soir (dimanche), le Parti travailliste va probablement décider de
rester dans un gouvernement où siègera Avigdor Lieberman. En
faisant cela, il signera peut-être sa fin]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/780597.html
Ha¹aretz, 29 octobre 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Dans le nouveau roman "Seeing" (1) de José Saramago, l¹auteur
décrit un Etat dont 80% des électeurs de la capitale votent
blanc. Ainsi, cette société inventée par l¹auteur portugais,
lauréat du Prix Nobel, exprime sa protestation face à la
conduite de ses gouvernants. Le message de Saramago s¹applique à
toute l¹humanité et à Israël de fin 2006, le jour où le Comité
central du Parti travailliste se réunit pour décider de l¹avenir
du parti dans le gouvernement Olmert, un gouvernement qui
compterait dans ses rangs Avigdor Lieberman.
Le résultat attendu du vote du Comité central, qui permettrait
aux travaillistes de rester dans le gouvernement Olmert, est
encore une fois l¹expression, plus flagrante que jamais, de la
mort de l¹idéologie dans la vie politique israélienne. Si Amir
Peretz et Youli Tamir peuvent siéger dans un même gouvernement
avec Avigdor Lierberman, c¹est le signe, encore une fois, que les
mots ne veulent plus rien dire. Et ce, non seulement parce que le
leader travailliste avait déclaré [avant les élections] qu¹il
ne serait jamais d¹accord pour être un partenaire de Lieberman
dans a gestion des affaires de l¹Etat, mais aussi parce que lui
et son parti ont prétendu représenter une vision du monde
totalement opposée à celle du fondateur d¹Israel Beitenou
[parti de Lieberman]. Lieberman offrait à l¹électorat une
option raciste, simpliste et autocratique, fondée sur la force.
Les travaillistes leur proposaient une alternative de gauche,
humaine, complexe et tolérante.
Ce soir, les membres du Comité central sont appelés par Peretz
et le reste de la direction du parti à trahir leurs valeurs
politiques et sociales et les promesses faites à leurs électeurs
et à abandonner toutes leurs déclarations et intentions. On va
demander à ces mêmes membres, non pas d¹accepter une diversion
tactique isolée et limitée, mais un abandon complet. Un parti
qui appelait à une réconciliation avec le peuple palestinien, à
une relation plus étroite entre les citoyens juifs et arabes d¹Israël,
à la fin de l¹occupation, à concentrer les efforts de la nation
à réduire les différences socio-économiques, est appelé
aujourd¹hui par sa direction à soutenir un programme politique
qui cherche à intensifier la confrontation israélo-arabe, qui
croit aux méthodes violentes et qui exige à ces fins la
mobilisation des ressources du pays.
Le ministre Ofir Pines-Paz et le petit groupe de députés qui s¹est
joint à lui ([contre cette décision] n¹ont probablement aucune
chance, ce soir, de bloquer la motion de Peretz et des autres
ministres acceptant l¹entrée de Lieberman au gouvernement.
Olmert a su appuyer sur les bons boutons et pousser Peretz, Ephraïm
Sneh, Isaac Herzog, Benjamin Ben-Eliezer (tous ministres
travaillistes) à accepter Israel Beitenou au gouvernement et à légitimer
ainsi les opinions de ce parti.
La soumission a sa propre dynamique, et les dirigeants
travaillistes en administrent une nouvelle fois la preuve : bien sûr,
ils crient sur tous les toits leurs hésitations, mais ils se
ruent en même temps avec certitude vers la ligne d¹arrivée tracée
par le premier ministre. Aucune originalité dans leurs prétextes
: "nous influencerons de l¹intérieur", "nous
soulignerons la différence entre nous et la droite",
"nous arrêterons le doigt sur la détente", etc. Ehoud
Barak, lui aussi, avait sans sourciller promis un gouvernement laïque
pour immédiatement après former un gouvernement avec les partis
ultra-orthodoxes. Ariel Sharon n¹a pas hésité à tourner le dos
à son engagement envers les colonies israéliennes de la bande de
Gaza. Et Olmert abandonne sans rougir son "plan de
convergence".
Les politiciens israéliens ne saisissent pas le lien entre leur
cynisme et l¹indifférence qui envahit les électeurs. Ils ont été
troublés quand la participation aux dernières élections n¹a été
que de 63,2% (contre 80% jusqu¹en 2001). Mais ils ne comprennent
pas que la facilité avec laquelle ils jettent leurs promesses aux
orties affecte la confiance que l¹opinion place en eux. Israël
est aujourd¹hui dirigé par Kadima, un parti de gouvernement qui
n¹est rien de plus qu¹un emballage conçu par des publicitaires,
et le Parti travailliste qui, ce soir, va se détruire de ses
propres mains.
(1) Ce roman, non encore traduit en français, est la suite d¹un
précédent roman, l¹Aveuglement. |