DEVINEZ DE QUI sont ces mots :
« Lancer cette guerre a été un scandale... Il était
possible de résoudre le problème des missiles au Sud-Liban par
des moyens diplomatiques... L’offensive des deux derniers
jours de la guerre au cours de laquelle 33 soldats ont trouvé
la mort, après que la résolution de cessez-le-feu eut été
presque acceptée, a été une manipulation du Premier
ministre... le Premier ministre, le ministre de la Défense et
le chef d’état-major doivent démissionner... »
Eh bien, c’était de Gush Shalom.
Mais cela n’est pas nouveau. Ce qui est
nouveau, c’est qu’hier, l’ancien chef d’état-major,
Moshe Yaalon, a répété ces déclarations, presque mot pour
mot.
« Boogie » Yaalon est l’exact
opposé de Gush Shalom. Personne ne peut dire qu’il appartient
à un « groupe marginal ». Il vient du cœur même
de l’establishment. Il est de droite. Il a été responsable
de quelques-uns des actes les plus cruels de l’occupation.
Il y a une autre différence entre Yaalon et
Gush Shalom : Gush Shalom s’est exprimé haut et fort
pendant les événements, en pleine guerre, quand il était
encore possible de sauver la vie de ces 33 soldats. A ce
moment-là, ces propos étaient impopulaires à l’extrême, à
la limite de la trahison. Comme aucun média israélien n’était
prêt à les publier, Gush Shalom a dû, pour qu’ils le
soient, payer des encarts publicitaires. Aujourd’hui, Yaalon
arrive et les répète, alors que le vent a tourné et que ces
propos sont devenus populaires.
Les mobiles de Yaalon n’ont pas
d’importance. (Pour mémoire, Ariel Sharon l’a limogé de
son poste pour mettre à sa place Dan Halutz il y a un an en vue
d’amorcer le « désengagement »). Ce qui est
important, c’est que ces choses aient été dites maintenant
par une personne ayant les plus hautes références militaires.
Quand une telle personne déclare que 33 soldats ont été
sacrifiés sans raison militaire valable, pour servir les intérêts
personnels d’Ehoud Olmert, que la guerre elle-même n’était
pas vraiment nécessaire, et que le problème des roquettes du
Hezbollah aurait été résolu par la voie diplomatique, ces
choses ont du poids.
Ceci n’est pas important seulement en ce qui
concerne ce qui s’est passé il y a quelques semaines, quand
la direction du pays a parlé d’un terrible danger menaçant
notre frontière nord, mais plus encore aujourd’hui, quand la
même direction nous met en garde contre une menace encore plus
grave quelque part ailleurs.
DANS LES couloirs du pouvoir
à Jérusalem, le cri est en train de monter : « Au
secours ! La Paix est sur toi, Israël ! »
Un terrible ennemi conspire pour nous imposer la
paix. Il avance face à nous de deux côtés, dans un mouvement
de tenailles géant.
Un des volets de cette offensive est le
gouvernement d’unité palestinien qui est en train de se
mettre en place.
L’autre est la décision de la Ligue arabe de
relancer le plan de paix arabe.
Du point de vue du gouvernement d’Israël,
cette offensive est beaucoup plus dangereuse que toutes les
roquettes de Hassan Nasrallah mises ensemble.
LE GOUVERNEMENT palestinien
d’unité nationale est destiné à résoudre, avant tout, les
problèmes internes palestiniens.
Depuis que les Palestiniens ont élu le Hamas,
un état d’anarchie règne dans la rue palestinienne. Les
clashs constants entre le Président, qui est le chef du Fatah,
et le Premier ministre, qui appartient au Hamas, ont créé un
état de paralysie, au moment même où les Palestiniens ont
besoin d’unité face à des défis vitaux.
Le Fatah a dominé le mouvement national
palestinien moderne depuis sa fondation par Yasser Arafat, il y
a presque 50 ans. Il ne s’est pas résigné à la défaite.
Mais un peuple qui se bat pour son existence ne peut se
permettre que ses deux principales factions se combattent au
lieu de coopérer dans la lutte de libération nationale.
A cela on doit ajouter le blocus imposé à l’Autorité
palestinienne par l’Europe et l’Amérique, sur ordre du Président
Bush. C’est une tentative sans précédent de littéralement
affamer tout un peuple pour chasser son gouvernement démocratiquement
élu.
Le gouvernement d’unité nationale est destiné
à restaurer l’ordre public et à faire lever le blocus
international.
Pour y arriver, le gouvernement doit franchir de
sérieux obstacles. Pour des raisons religieuses, il est
difficile au Hamas de reconnaître officiellement Israël. Cela
n’a rien à voir avec l’antisémitisme, comme on le prétend,
mais avec le fait que, selon l’Islam, la Palestine est un
« waqf » (bien religieux) appartenant à Dieu (de la
même façon que les fondamentalistes juifs croient que Dieu
nous a promis ce pays, et qu’en abandonner une partie est un péché
mortel.) Mais la religion musulmane contourne l’obstacle en
permettant une « hudna » (trêve) très longue qui
peut durer des décennies et même des siècles.
La voie pour résoudre ce problème est de faire
un gouvernement unitaire, dirigé par Hamas, de déclarer
qu’il s’engage sur le « document des prisonniers »,
les résolutions de l’ONU, les accords signés entre Israël
et l’OLP et le plan de paix arabe - tous ces textes étant basés
sur la reconnaissance d’Israël. Cela suffirait à quiconque
veut réellement promouvoir la paix israélo-palestinienne.
Pour notre gouvernement, c’est précisément là
que le bât blesse.
LE DEUXIÈME volet de
l’offensive de paix est la reprise du plan de paix arabe.
Ce plan a été conçu par Abdallah, alors
Prince héritier, aujourd’hui roi d’Arabie Saoudite. Il a été
adopté par le sommet des chefs d’Etat arabes à Beyrouth en
mars 2002.
Ce plan dit, en gros : L’ensemble du
monde arabe reconnaîtra Israël et fera la paix avec lui s’il
se retire sur les frontières de 1967 et fait son possible pour
établir l’Etat de Palestine avec Jérusalem-Est pour
capitale.
Le gouvernement d’Israël a rejeté
l’initiative, « sur le seuil » comme dit
l’expression hébraïque (toute initiative de paix est rejetée
« sur le seuil », de façon à ne pas lui permettre,
Dieu nous en garde, de mettre un pied dans la porte.) Le plan a
été enterré et laissé à l’abandon depuis lors.
Maintenant, les méchants Arabes le ressortent et le remettent
sur la table.
FACE À CE DANGER des
marchands de paix arabes, le gouvernement Olmert bat le rappel
de ses forces. En dépit du fait que la direction politique et
militaire dans son ensemble est occupée à se maintenir au
pouvoir après le fiasco libanais, elle est en train de se
rassembler face à cette effrayante menace.
Tzipi Livni a été envoyée à toute vitesse
aux Etats-Unis, pour prévenir du danger. Elle est allée
convaincre le Président Bush (qui est « passé »
par là alors qu’elle discutait avec Condoleezza Rice et qui
l’appelle « Tsiffi ») qu’il use du mortel veto
américain au Conseil de sécurité contre toute résolution du
Conseil de sécurité qui pourrait soutenir la paix. Elle va
rencontrer 20 chefs de gouvernements et ministres des Affaires
étrangères pour obtenir leur soutien contre cette menace.
Pour cela, elle a descendu du grenier des
Affaires étrangères une feuille de chou appelée « feuille
de route ». Il n’est même jamais venu à l’esprit du
gouvernement israélien de mettre en œuvre cet accord, dont le
seul but était, dès le commencement, de donner l’impression
que le Président Bush avait réalisé quelque chose au
Moyen-Orient. Dès le début, toutes les parties ont su que c’était
un document qui ne pouvait pas être mis en œuvre.
Israël et les Etats-Unis veulent donc déclarer
que le plan de paix arabe compromet la paix, parce qu’il entre
en contradiction avec la feuille de route. Le gouvernement
unitaire palestinien, qui s’installe, doit être boycotté
parce qu’il n’est pas établi explicitement que tous ses
membres reconnaissent l’Etat d’Israël (comme si tous les
membres du gouvernement israélien étaient prêts à reconnaître
l’Etat de Palestine et son gouvernement, sans mentionner
l’arrêt de la violence et l’acceptation de tous les accords
signés.) Donc, le blocus de la population palestinienne doit
continuer, jusqu’à ce qu’elle soit à genoux.
POURQUOI l’offensive de paix fait-elle peur au
gouvernement israélien ?
Si quelqu’un était venu vers nous le 4 juin
1967, et nous avait dit que l’ensemble du monde arabe était
prêt à faire la paix avec nous à l’intérieur des frontières
de ce jour, et que la direction palestinienne aussi était prête
à déclarer la fin du conflit historique, nous aurions cru à
l’arrivée du Messie.
Mais le 5 juin 1967, nous avons lancé une
guerre qui a tout changé. Nous avons bientôt contrôlé toute
la Palestine et un énorme territoire supplémentaire. Nous
avons déclaré que nous les garderions temporairement afin de
pouvoir les négocier mais, comme on le sait, l’appétit vient
en mangeant. Nous avons commencé à annexer des territoires (Jérusalem
Est et des environs et les Hauteurs du Golan), et à couvrir la
Cisjordanie de colonies.
Aux yeux de la direction israélienne,
l’initiative de paix - toute initiative de paix - n’est
qu’une conspiration diabolique de marchands de paix pour nous
voler ces territoires. Elle nous obligerait à mettre fin à
l’entreprise de colonisation - qui n’a pas arrêté un seul
instant depuis 1968, et qui aujourd’hui bat son plein - et à
démanteler les colonies existantes.
Le mouvement en tenailles des marchands de paix
pourrait prendre de l’ampleur et générer une pression
internationale à laquelle il serait difficile de résister.
C’est la raison de la panique à Jérusalem.
L’INITIATIVE de paix arabe
pourrait réussir si elle mettait les Israéliens en face d’un
choix clair et sans ambiguïté : la paix sans les
territoires occupés, ou les territoires occupés sans la paix.
Après six guerres majeures et quelques-unes de
moindre importance, nous pouvons commencer à soupçonner que le
prix à payer pour la guerre en sang et en argent est trop élevé,
et - surtout - qu’elle n’apporte pas la victoire, mais
multiplie les charges qui pèsent sur la société israélienne.
Dans les six ans de folie entre les guerres de
1967 et de 1973, Moshe Dayan a prononcé la phrase :
« Mieux vaut Charm el-Cheikh (sur la pointe sud de la Péninsule
du Sinaï) sans paix que la paix sans Charm el-Cheihk ! »
De tels slogans ont coûté la vie de quelque
2.700 soldats israéliens (et qui sait de combien d’Egyptiens
et de Syriens) dans la guerre du Kippour. Par la suite, nous
avons rendu Charm el-Cheikh et l’ensemble du Sinaï et avons
fait la paix avec l’Egypte. Dayan lui-même a joué un rôle
dans l’obtention de cette paix.
Combien de soldats et de civils, israéliens et
arabes, devront-ils mourir avant que nous comprenions que la
paix avec les Palestiniens et l’ensemble du monde arabe est
infiniment plus importante pour Israël que d’essayer de se
cramponner aux territoires occupés et aux colonies ?
Article publié en hébreu et en anglais le 17 septembre sur le
site de Gush Shalom - Traduit de l’anglais "Traduit
de l’anglais « Help ! Peacemongers ! » :
SW