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Opinion

Comprendre le Moyen Orient
Tariq Ramadan


Tariq Ramadan

Dimanche 11 décembre 2011

Comment comprendre la situation au Moyen Orient ? Les choses sont en train de changer si rapidement et dans des directions si différentes, pour ne pas dire contradictoires. La réalité a toujours été complexe, mais l’interpréter est devenu de plus en plus difficile. Les acteurs impliqués, les défis et les intérêts contradictoires sont si nombreux que l’on ne peut s’étonner que les conséquences des mouvements populaires dans la région et les changements politiques actuellement en cours soient si impossibles à prévoir. D’un côté, des dynamiques nationales intrinsèques ont créé un nouvel équilibre de forces qui a un impact déterminant en Égypte, en Libye, au Yémen et en Syrie, mais également en Tunisie et au Maroc. D’un autre côté, des pays étrangers tels que les États Unis, Israël, les pays européens, la Chine, la Russie et même la Turquie, ainsi que le Qatar sont impliqués de différentes manières et à des titres divers, soit en tentant de faire avancer les nouvelles réalités, soit en en essayant de les contrôler du mieux qu’ils le peuvent, selon leurs intérêts idéologiques, économiques ou politiques.

En Tunisie, en Egypte, au Yémen, au Bahreïn, Libye et en Syrie, des millions de personnes ont appelé à la liberté et à la justice. Les premiers résultats en Tunisie, au Maroc (où certaines réformes ont été accordées afin d’éviter des soulèvements), ainsi qu’en Égypte donnent l’avantage aux islamistes au sein de l’arène politique. Certains suggèrent que les mouvements populaires ont été détournés, d’autres les revendiquent comme étant le résultat d’un véritable processus démocratique : dans ces pays à majorité musulmane, les islamistes demeurent la plus grande force populaire : c’est un fait que l’on ne peut nier. Qu’on le veuille ou non, les islamistes ont une légitimité historique en tant qu’opposants ayant payé un lourd tribut en résistant à la dictature : prison, torture, exil et exécutions ont ponctué leur histoire durant plus d’un demi siècle. Mais que peut-il se passer dans ces pays ; comment les grandes puissances géreront-elles la nouvelle situation ? Il serait puéril de penser que les États Unis, les pays européens, la Chine et la Russie, ainsi que la Turquie ne sont pas impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans les discussions (et transactions politiques) avec les islamistes, l’armée et leurs anciens alliés. Israël ne sera jamais un spectateur passif au Moyen Orient : son soutien le plus puissant et le plus ardent, les États Unis, travaille d’arrache-pied à étendre, d’une manière ou d’une autre, son contrôle sur la situation. De quelle nature sont les accords potentiels entre, à la fois, les pouvoirs occidentaux et orientaux, les armées respectives et les islamistes ? On savait que ces vieux partis islamistes, si longtemps diabolisés, allaient gagner en Tunisie, au Maroc et en Égypte, et rien n’a été fait pour les empêcher d’émerger en tant que forces politiques dirigeantes. Pourquoi ?

Les islamistes ont changé. Ils ont toujours été très pragmatiques (du Maroc en Égypte et à l’Asie, en passant par la Palestine) et capables de s’adapter aux nouveaux défis politiques. Ils savent que l’équilibre des pouvoirs est en train de basculer au Moyen Orient et ils le gèrent en conséquence. Ils font toutefois face à des attentes contradictoires : ils doivent rester fidèles aux “références islamiques” qui les ont portés au pouvoir et affronter les pressions étrangères qui testent leur flexibilité concernant le respect du processus démocratique, leurs perspectives économiques, ainsi que leur attitude vis à vis d’Israël. Même si l’exemple turc est intéressant, il ne peut servir de référence au Moyen Orient : Il ne s’agit pas de la même histoire, les acteurs ne sont pas les mêmes, les défis non plus. Dans le monde arabe, les islamistes, heureux de gagner des élections successives, pourraient bien entrer dans la période la plus délicate de leur histoire. Ils pourraient perdre la crédibilité religieuse dont ils jouissaient en tant que force d’opposition ou bien être contraints de changer, et de s’adapter à tel point au contexte politique, que la substance même de leur programme politique sera abandonnée, réduite à la forme d’un régime certes moins corrompu avec un vernis islamique. Leur victoire pourrait signifier le début de leur défaite.

Ce qui se passe actuellement au Moyen Orient est fondamental et complexe à la fois, et il s’agit clairement d’un tournant. En coulisses, de nouveaux dirigeants potentiels, ainsi que les pouvoirs occidentaux qui ont soutenu l’intervention militaire, décident de l’avenir de la Libye. La transparence est loin d’être une réalité : la soi-disant “intervention humanitaire” était motivée par des objectifs géostratégiques qui sont à présent parfaitement visibles. Ce dont nous avions déjà connaissance, nous en sommes à présent les témoins. Personne ne sait de quoi sera fait l’avenir de la Syrie : la population refuse d’abandonner son combat ; des milliers de civils ont été tués par le régime dictatorial. Israël, les Etats Unis, les pays européens, ainsi que l’Iran ont essayé d’éviter de négocier un changement de régime. Il semble pourtant qu’il n’y ait pas d’autre alternative. Voilà en quoi la complexité au Moyen Orient est déroutante, avec tant de paramètres conflictuels. Si le régime syrien tombe, alors son allié régional, l’Iran, deviendrait paradoxalement soit un danger soit une cible plus facile puisque l’équilibre des pouvoirs et des alliances aura basculé. La récente campagne contre l’Iran doit être comprise dans ce contexte particulier. Elle a débuté lorsque les Saoudiens ont demandé aux Américains de “couper la tête du serpent”, puis avec la prétendue tentative d’assassinat aux Etats Unis (on nous demande de croire que l’Iran voulait tuer l’ambassadeur saoudien à New York), puis en utilisant l’attaque de l’ambassade du Royaume Uni dans le but de créer une coalition internationale contre l’Iran. Pendant ce temps, l’Iran agit à de multiples niveaux et a adopté une stratégie multidimensionnelle : il s’agit d’obtenir des soutiens et d’établir des liens dignes de confiance dans la région ainsi que sur le plan international. Le nœud se resserre et la situation devient de plus en plus inquiétante pour le régime actuel. Malgré le manque de liberté et de transparence sur le plan national, l’Iran continue d’avoir quelques alliés et quelques puissants atouts. Allons-nous voir des forces démocratiques internationales et populaires se mobiliser afin de changer le régime ou bien deviendra-t-il un nouveau front de guerre ? Rien n’est aujourd’hui évident.

Quel que soit l’avenir dans ce Moyen Orient en pleins bouleversements politiques, les nouveaux acteurs politiques seront jugés par la “communauté internationale” sur la base de trois critères prioritaires : quelle sorte de système et règles économiques acceptent-ils ; quelle est leur position vis à vis d’Israël, et, en sus, où se positionnent-ils quant aux divisions entre chiites et sunnites au sein des pays à majorité musulmane ? Comprendre le Moyen Orient signifie garder ces trois facteurs à l’esprit. Sur certains sujets, les islamistes pourraient être plus flexibles que qu’on ne s’y attend (à l’exception, bien sûr, du conflit israélo-palestinien) alors que la géographie du Moyen Orient est en train de changer radicalement. Cependant, qu’il s’agisse de politique ou non, les musulmans devraient affronter cette cruelle réalité : leur défi majeur tient à leur conflit interne, et en particulier celui de la division (et de la rivalité malsaine) entre chiites et sunnites. Il s’agit là d’une des questions les plus importantes de notre époque : on ne peut pas reprocher à son ennemi d’être trop fort lorsque l’on est directement responsable de sa propre faiblesse.

Merci à S.H. pour la gracieuse traduction

© Tariq Ramadan 2008
Publié le 11 décembre 2011

 

 

   

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Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...

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