Opinion
En attendant le
“printemps israélien”
Tariq
Ramadan
Tariq
Ramadan
Jeudi 8 septembre
2011
Article paru dans le journal turc
Star le 12 juillet 2011
Merci encore à tous celles et tous
ceux qui ont proposé une traduction.
Nous avons fait usage d’un maximum de
contributions..
Du monde entier, des femmes et des
hommes qui soutiennent les droits
palestiniens se sont préparés à
embarquer sur une expédition symbolique.
Au nom d’idéaux humanitaires, ils ont
pris des mesures politiques directes :
une flottille internationale allait se
diriger vers Gaza (où le peuple continue
à souffrir dans les conditions les plus
défavorables en raison du blocus
israélien) afin d’exprimer la solidarité
internationale avec les Palestiniens. Le
gouvernement israélien, du ministère des
Affaires étrangères au Mossad et aux
services secrets, a essayé par tous les
moyens d’arrêter les bateaux en faisant
pression sur le gouvernement grec, en
sabotant certains vaisseaux et en
lançant une campagne médiatique qui a
accusé les activistes non violents
d’être des extrémistes et des radicaux.
Dans une large mesure, et à court terme,
cela a été un succès : quelques bateaux
seulement de ce qui aurait dû être une
grande et pacifique flottille demeurent
opérationnels ; le gouvernement grec, en
raison de ses nouvelles relations avec
Israël, a plié sous les pressions et
empêché les bateaux d’appareiller.
Un an après l’assassinat de neuf
activistes non violents (pour la plupart
turcs) dans les eaux internationales, le
gouvernement israélien veut éviter la
honte mais n’est toujours pas disposé à
tenir compte de l’appel international à
la justice. Le Premier ministre
israélien Benjamin Netanyahu ne veut pas
perdre sa dignité à cause d’une
couverture médiatique qui serait
potentiellement préjudiciable ; mener
une politique inhumaine contre le peuple
de Gaza ne lui fait en revanche pas
peur. Une fois de plus, la “communauté
internationale” garde le silence. Plus
de deux ans après le massacre de plus de
1 200 civils à Gaza, un an après
l’attaque contre des civils désarmés à
bord de la Flottille de la Paix, et
alors que nous assistons à la
colonisation continue des Territoires
Occupés, la Communauté Internationale
demeure paralysée. Nous avons célébré ce
qu’on appelle le “printemps arabe” tout
en fermant les yeux sur la détresse
intolérable des Palestiniens. Depuis
plus de 60 ans, on leur a proposé de
beaux discours - mais pas la justice. Et
ainsi en va-t-il : l’Etat d’Israël
demeure inchangé : sourd et obstiné.
Pouvons nous espérer célébrer un jour un
“printemps israélien” ?
On a conseillé aux Palestiniens de
cesser leur résistance armée afin de
recevoir le soutien de l’Occident. On
leur a dit de mettre en œuvre en interne
un processus démocratique et d’accepter
les conditions préalables du soi-disant
processus de paix. Ils ont été invités à
négocier et négocier encore, à maintes
reprises : on leur a promis la “paix”,
pour la cinquième fois, en 2005. Six ans
plus tard, leur situation est pire
qu’ils n’auraient jamais pu l’imaginer.
Divisés, en partie parce que la
communauté internationale n’a pas
accepté le choix du peuple lors des
“premières élections libres dans les
Territoires Occupés”, ils n’ont ni un
Etat indépendant ni aucun espoir
d’amélioration. Israël persévère avec
son expansion silencieuse : lentement,
sûrement, sciemment, stratégiquement.
Rien, apparemment, n’a changé, hormis
la stratégie palestinienne. Ils savent
que cela sera un processus long. A la
lumière des soulèvements arabes, ils
sont en train d’évaluer leur potentiel
pouvoir de résistance non violente. Mais
il serait quasiment impossible pour eux
de déclencher une protestation de masse
effective à cause des réalités
géographiques et politiques. La
situation à Gaza est désespérée ; la
Cisjordanie commence également à
suffoquer. Mais les Palestiniens
continuent à résister avec dignité et
courage ; ils n’abandonneront pas. Nous
devons rendre hommage à leur résistance
juste et légitime et demander que le
gouvernement israélien cesse sa
politique d’oppression et qu’il écoute.
Pendant ce temps, les Etats Unis
balbutient de timides mots tandis que
les pays européens se contentent de les
suivre.
Le mouvement global de résistance non
violente à Israël est en train de gagner
du terrain. La flottille internationale
faisait partie de cette stratégie : des
activistes pacifiques allaient
sensibiliser le monde entier de manière
plus aiguë en agissant de manière
symbolique : en apportant des vivres aux
Palestiniens, ainsi qu’en brisant le
blocus immoral de Gaza. Par la même
occasion, ils promeuvent l’appel au
boycott des produits israéliens, à
désinvestir les intérêts économiques
israéliens et à sanctionner la politique
israélienne. Il s’agit d’un mouvement
non violent, pacifique et mondial qui
doit prendre de plus en plus de d’élan.
Le seul espoir réside dans le fait
d’imposer à Israël, malgré les pressions
internationales, son propre “printemps
national”.
Il est révoltant de voir des pays
occidentaux plier sous les pressions
israéliennes et bloquer une action
légale et non violente contre
l’oppression israélienne des
Palestiniens. L’avenir paraît sombre et
personne ne peut prédire ce qui se
produira au Moyen-Orient. La seule
certitude est que les Palestiniens
n’abandonneront pas et finiront en fin
de compte par faire valoir leurs droits.
Tandis que certains pourraient demander
“Et si la résistance non violente était
un échec ?”, notre réponse devrait être
la suivante : il n’y a qu’une seule
décision juste en histoire, à savoir
résister à l’oppression et à la
colonisation. Les Palestiniens savent
mieux que quiconque quels sont les
moyens à leur disposition. Quant à nous,
nous savons quels sont les instruments
de notre résistance internationale :
dénoncer, briser l’isolation des
Palestiniens et boycotter les produits
israéliens. Il s’agit d’une lutte
historique et essentielle pour la région
- ainsi que pour le monde.
Il n’est point de doute possible : le
printemps arrivera bientôt.
© Tariq Ramadan
2008
Publié le 8 septembre 2011
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