T. Hocine
Le président bolivien est certainement un dirigeant heureux. Il
vient en effet de remporter une importante bataille
diplomatique, laquelle a aussi valeur de symbole. Le président
Evo Morales, engagé dans un bras de fer avec une opposition qui
refuse obstinément l’application du programme présidentiel,
vient en effet de bénéficier du soutien de l’ensemble du
sous-continent américain réuni à Santiago (Chili) dans le cadre
de l’ENASUR (Union des Etats sud-américains).
C’est un plébiscite en faveur de ce que Evo Morales
appelle lui-même la démocratie bolivienne. Il a été, en
effet, élu sur la base de ce programme, et il n’avait pas en
outre hésité à recourir au référendum pour conforter ce
choix dès que l’opposition a commencé à se manifester.
Auparavant, rappelle-t-on, c’étaient d’autres organisations
internationales qui lui ont apporté leur soutien. Et, cerise
sur le gâteau, les participants à la conférence des
dirigeants sud-américains ont insisté sur le respect de
l’intégrité territoriale de la Bolivie.
Ils l’ont aussi invité à poursuivre le dialogue entamé à
La Paz avec l’opposition libérale. Au palais présidentiel de
La Paz, les négociations se sont poursuivies toute la nuit
de lundi à hier entre le vice-président, Alvaro Garcia
Linera, et le gouverneur de la région de Tarija, Mario
Cossio, porte-parole des cinq gouverneurs autonomistes
opposés à la politique du gouvernement. Un accord portant
notamment sur un calendrier de négociations devait être
signé, hier, en présence du président Evo Morales, ont
indiqué des sources gouvernementales. Le dialogue entre
l’Exécutif et l’opposition est gelé depuis huit mois et des
affrontements entre partisans et adversaires du président
Morales ont fait 18 morts et une centaine de blessés, jeudi,
dans la région de Pando (nord). Les gouverneurs des
provinces de Santa Cruz (est), Tarija (sud), Beni (nord),
Pando et Chuquisaca (sud-ouest) refusent un projet de
constitution gouvernemental qu’ils jugent trop étatiste et
indigéniste, englobant une réforme agraire réduisant la
taille des exploitations et une nouvelle répartition des
recettes des taxes sur le gaz.
Pour faciliter un accord et faire baisser la tension, les
gouverneurs de l’opposition ont annoncé la suspension des
manifestations et des blocus de routes dans leurs régions.
Toutefois, le calme n’est pas encore revenu et à Santa-Cruz,
le moteur économique du pays, des paysans, partisans de
M. Morales, occupaient encore une route à 850 km à l’est de
La Paz. Les autorités ont annoncé que 11 personnes avaient
été arrêtées par l’armée à Pando, où l’état de siège a été
déclaré après les violences du milieu de la semaine
dernière. Le chef de l’Etat a remercié les participants pour
leur « position ferme en faveur de la démocratie »,
ajoutant : « Espérons que les groupes d’opposition puissent
comprendre ce manifeste sud-américain. » Les dirigeants
sud-américains ont mis en place une commission devant aider
à la tenue d’une table ronde et au déroulement des
négociations. Les présidents « expriment leur soutien ferme
et total au gouvernement constitutionnel du président Evo
Morales, qui a vu son mandat ratifié (lors d’un référendum
en août), à une ample majorité », indique la Déclaration de
La Moneda, du nom du palais présidentiel chilien où elle a
été signée. Les dirigeants de la région avertissent aussi
qu’ils « ne reconnaîtront aucune situation de rupture de
l’ordre constitutionnel qui puisse compromettre l’union de
la République de Bolivie ».
Les plus proches alliés de M. Morales, le Venezuelien
Hugo Chavez et l’Equatorien Rafael Correa, avaient répondu
« présents » à l’invitation lancée samedi par la Chilienne
Michelle Bachelet, tout comme le Brésilien Luiz Inacio Lula
da Silva, le Colombien, Alvaro Uribe, l’Argentine Cristina
Kirchner, le Paraguayen, Fernando Lugo, et l’Uruguayen,
Tabare Vazquez. La présence de Lula a été « déterminante »,
a-t-on indiqué de source diplomatique. En effet, il jouit
d’une influence modératrice auprès de ses collègues,
notamment M. Chavez. Et il a l’écoute des gouverneurs
d’opposition boliviens qui dirigent des régions pour la
plupart voisines et fortement influencées par le géant
brésilien. Le geste était vraiment fort, et Morales en a
même fait un manifeste. Un grand pas pour l’Amérique latine.