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Opinion
Quand Kouchner fait
ses adieux...
Soraya Hélou
Vendredi 19 novembre 2010
Comme annoncé, le flamboyant ministre français des AE Bernard
Kouchner ne fait plus partie depuis dimanche du gouvernement
français. Ce qui donne d’ailleurs à sa dernière visite au Liban
une atmosphère de tournée d’adieux. Kouchner avait alors tenu à
rencontrer les principaux pôles politiques du pays, en
consacrant une partie de son emploi du temps serré à un
entretien avec le responsable des relations internationales au
Hezbollah Ammar Moussawi, qui avait été d’ailleurs qualifié de «
franc et de courtois ». S’il est vrai ainsi que M.Kouchner a eu
le mérite de convier officiellement en France un représentant du
Hezbollah dans le cadre de la Conférence de Saint Cloud , qui
était destinée à amorcer un dialogue franc entre toutes les
parties libanaises et des représentants de la société civile, il
est aussi vrai qu’il appliquait ainsi surtout la politique
étrangère dictée par le président Nicolas Sarkozy qui avait
ouvertement choisi de rétablir les ponts avec la Syrie et de
parler avec toutes les parties libanaises, contrairement à son
prédécesseur Jacques Chirac qui avait ouvertement appuyé un camp
libanais contre l’autre et opté pour un changement de régime en
Syrie, comme le montrent des ouvrages importants parus
récemment.
M.Kouchner a donc dû, bon gré mal gré appliquer cette directive,
mais il a toujours réussi à glisser, au cours de ses multiples
visites au Liban, des opinions tranchées, pas très
diplomatiques, qui montraient clairement où allaient ses
sympathies profondes. Kouchner s’est toujours présenté comme un
grand connaisseur du dossier libanais, ayant effectué des
missions humanitaires au pays du Cèdre au début de la guerre en
1976 et jusqu’en 1990. C’est d’ailleurs aux années 70 que
remonte sa rencontre avec l’imam Moussa Sadr et avec le
président de la Chambre Nabih Berry comme avec bien d’autres
figures libanaises. Avec son style incomparable qui mélange
politique et émotion, et mise sur les liens amicaux, il a cru
pouvoir jouer un rôle décisif au Liban. Mais pour pouvoir le
faire, il aurait dû moderniser sa vision du Liban, dont la
situation et le rapport de forces avait changé depuis les années
70, et il aurait dû aussi ne pas se contenter d’aligner ses
opinions sur celles des Etats-Unis et de leurs alliés.
Au Liban, en tout cas, mais aussi en Iran -avec ce pays il avait
adopté la ligne dure, allant parfois jusqu’à le menacer
directement d’une guerre- le passage de Kouchner au Quai d’Orsay
a été pratiquement un échec. Si l’homme a conservé son panache
et son élégance verbale, ainsi qu’une grande partie de sa
popularité auprès des Français, il a perdu beaucoup de sa
crédibilité auprès de ses interlocuteurs arabes et régionaux et
en particulier libanais. Il est même arrivé à plusieurs reprises
que ses propos soient nuancés ou corrigés par des communiqués du
Quai d’Orsay et même par des déclarations de l’Elysée. C’est
d’ailleurs une des raisons pour laquelle les Libanais qui ont
rencontré le ministre Kouchner au cours de sa dernière visite à
Beyrouth ne l’ont écouté que d’une oreille sachant à l’avance
qu’il allait réaffirmer que nul ne peut arrêter le TSL, en écho
aux déclarations américaines…Il est d’ailleurs arrivé à
certaines personnalités politiques libanaises en visite en
France de rapporter un son de cloche différent sur la politique
française dans la région de celui décrété par le ministre
Kouchner. Ce dernier semblait avoir sa propre démarche mais qui
ne trouvait parfois pas d’écho auprès des centres de décision au
palais de l’Elysée.
Kouchner, qui avait été à l’origine de la reconnaissance par
l’ONU du principe du droit d’ingérence humanitaire, considéré
comme une de ses plus grandes réalisations, n’a pas réussi à
marquer le cours du monde à travers ses trois années passées au
Quai d’Orsay. On ne dira pas de lui qu’il a été un grand
ministre des AE de son pays, comme Hubert Védrine par exemple,
sous Mitterrand et le Liban ne regrettera pas ses multiples
visites, faites sous le couvert de l’amitié, mais qui n’ont
jamais réussi à produire de véritables solutions, faute de
moyens peut-être, de vision réaliste ou encore de détermination.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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