Opinion
Les (mauvaises)
surprises des Français
Soraya
Hélou
Lundi 11 février
2013
Il a
fallu que le premier secrétaire du parti
socialiste français (actuellement au
pouvoir) Harlem Désir demande
publiquement au Qatar de définir sa
position à l’égard des extrémistes du
Mali pour que le malaise entre ce petit
émirat du Golfe et la France apparaisse
au grand jour. Il n’y a pas si longtemps
encore l’émir du Qatar était l’invité du
président français Nicolas Sarkozy pour
assister aux cérémonies de la fête
nationale française le 14 juillet et les
Français n’avaient pas assez de mots
pour louer le dynamisme et l’ouverture
de l’émirat, qui était en train
d’investir à coups de milliards de
dollars en France. L’émir est intervenu
pour obtenir la libération des
infirmières bulgares détenues par
l’ancien dirigeant de Libye, le colonel
Kadhafi, l’émir a acheté le plus bel
hôtel sur les Champs Elysées (la plus
grande avenue de Paris), l’émir a acheté
le club de foot de Paris , le Paris
Saint Germain (PSG), tout au long de ces
dernières années, il n’y en avait que
pour l’émir et son dévouement pour le
«printemps arabe», avec l’aide
médiatique fournie aux rebelles via la
chaîne Al Jazeera et l’argent et les
armes donnés à ces mêmes rebelles, de
Libye, en Egypte et en Syrie.
S’il y avait quelques rares
protestations sur la main mise de
l’émirat sur certains lieux culturels
français et quelques grincements de
dents sur la façon dont il a obtenu
l’organisation de la coupe du monde de
foot sur son territoire en 2022, ils
étaient rapidement étouffés par la
majorité de la classe politique et
médiatique, soucieuse de ménager cet
émir si généreux.
Mais voilà, il a fallu la guerre du Mali
pour que cette belle histoire d’amour
entre la France et l’émirat commence à
se fissurer. La France a donc engagé des
troupes aériennes et terrestres pour
combattre les terroristes installés au
Mali et financés et aidés par le Qatar.
Le choc est dur pour les Français qui
ont brusquement compris qu’il n’était
plus possible de cacher le véritable
visage de cet émirat qui aide les
mouvements extrémistes dans le monde,
tout en se donnant une vitrine moderne
et occidentale via ses investissements
en France.
Les médias commencent à ouvrir les yeux,
qu’ils gardaient jusque-là soigneusement
baissés, et les langues commencent à se
délier. Au point que les talks shows de
la télévision française ainsi que de
nombreux articles de presse commencent à
critiquer ouvertement la classe
politique pour ses complaisances à
l’égard de cet émirat qui soudain ne
partage plus les valeurs républicaines
de la France. L’affaire pourrait être
drôle si elle n’était en fait si
dramatique et si l’aveuglement
volontaire des dirigeants français
n’avait coûté au monde arabe tant de
morts sous couvert de lutte pour la
démocratie et qui n’est en fait que
l’ouverture d’un chemin direct vers le
pouvoir aux «islamistes» les plus
extrémistes. L’émir a eu beau «acheter»
pour le club de foot parisien le PSG,
l’ex-meilleur joueur du monde David
Beckham dans une tentative de calmer les
esprits et de jeter de la poudre aux
yeux, les critiques ont continué à
pleuvoir et l’opération de marketing n’a
pas vraiment porté ses fruits. Les
Français commencent à comprendre comment
ils ont été piégés, consciemment ou non,
par un émir ambitieux, qui a réussi
pendant des années à jouer tous les
tableaux mais qui a peut-être fait le
coup de trop.
Maintenant,
c’est au tour de la presse israélienne
de reprendre des déclarations de l’ex
ministre des AE Tsipi Livni qui a accusé
le Qatar d’avoir financé l’extrême
droite israélienne et la presse
française se souvient brusquement qu’au
cours de son voyage à Gaza, l’émir du
Qatar a versé près de 400 millions de
dollars à la bande, en principe pour des
projets de développements, mais qui,
selon la presse française, «pourraient
être utilisés pour acheter des armes qui
vont tuer des enfants israéliens». Bien
entendu, c’est tout ce qui compte pour
les médias français, et si des
militaires français n’étaient pas morts
au Mali, à cause des armes achetées avec
l’argent du Qatar, personne n’aurait
sans doute remis en question l’alliance
avec cet émirat. Mais quelles que soient
les raisons de cette remise en question,
elle ne peut qu’être saluée
puisqu’aujourd’hui, dans tous les
milieux en France on se demande si cette
alliance et ce «printemps arabe» tant
vantés ne sont en fait qu’un hiver
démocratique, de la Libye, en passant
par l’Egypte… et la Syrie. D’ailleurs un
chroniqueur français a déclaré samedi
sur une grande chaîne, ce n’est pas au
Qatar de demander de préciser sa
position, mais à la France elle-même qui
n’a cessé de fermer les yeux lorsque
cela l’arrangeait. Une phrase sans doute
à méditer…
Source : moqawama.org
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