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Opinion - L'Orient Le Jour
La visite d'Ahmadinejad consacre un
nouveau rapport de force, selon une source de l'opposition
Scarlett Haddad
Photo: Moussa Husseini
Samedi 16 octobre 2010
En dépit de toutes les pressions, de toutes les critiques et de
toutes les tentatives de la reporter ou de la faire perturber
par un climat tendu, la visite du président iranien au Liban -
et notamment au Sud - a bel et bien eu lieu et s'est déroulée
sans incident majeur. Ce qui, en soi, peut être considéré comme
un succès. Certes, Mahmoud Ahmadinejad n'a pas jeté une pierre
en direction d'Israël, comme certaines rumeurs l'avait laissé
entendre, mais il a lancé ses prophéties habituelles sur la
disparition prochaine de « l'entité israélienne » et sur « la
chute du capitalisme qui sème l'injustice et renforce les
inégalités ». Rien de bien nouveau, en somme, sauf que,
prononcés à partir de Bint Jbeil, avec tout ce que cette
localité représente dans la lutte contre Israël, les propos du
président iranien trouvent une dimension symbolique bien plus
importante.
En près de 48 heures, Ahmadinejad a réussi à limiter les
controverses internes au sujet de sa visite et il a surtout,
selon une source de l'opposition, accompli un grand pas dans «
l'officialisation » des relations entre le Liban et la
République islamique. Certes, ces relations existent depuis
longtemps, mais c'est bien la première fois qu'elles
s'inscrivent dans un cadre aussi officiel, puisque Ahmadinejad a
été reçu par les représentants de toutes les institutions
publiques. Désormais, poursuit la source de l'opposition, il
sera plus difficile pour les détracteurs de la République
islamique de l'entraîner dans le conflit interne libanais ou
d'en faire une pomme de discorde confessionnelle. La source de
l'opposition relève le fait qu'une telle visite « n'aurait pas
été possible il y a trois ans, et elle consacre en quelque sorte
un processus qui a commencé en 2008 et qui exprime un nouveau
rapport de force au Liban ». Avant 2008, il n'aurait pas été
possible pour Ahmadinejad d'être reçu de la sorte au Liban,
alors que les représentants de l'administration américaine,
notamment celle du président George Bush, avaient bien plus
d'influence qu'ils n'en ont aujourd'hui. Les déclarations
répétées de nombreux responsables américains hostiles à la
visite du président iranien n'ont pas empêché les officiels
libanais de recevoir celui-ci avec les honneurs dus à son rang
de chef d'État, un chef d'État considéré désormais comme « ami
»... La phrase qui résume le mieux la situation, estime cette
source de l'opposition, est celle du général Michel Aoun, à
l'issue de la rencontre de jeudi matin entre des pôles
politiques de l'opposition avec le président iranien. Interrogé
par un journaliste sur le « mécontentement occidental » au sujet
de cette visite, Aoun a répondu : « Nous sommes chez nous et
nous sommes libres de recevoir qui nous voulons. »
Est-ce à dire que le Liban a basculé dans le camp antioccidental
? La même source s'empresse de rejeter cette classification,
précisant que désormais, l'équilibre a été rétabli entre les
différentes influences étrangères et il est certain, selon elle,
que la visite d'Ahamdinejad au Liban consacre le recul du projet
américain dans la région et au Liban en particulier. D'autant
que le président iranien a exprimé à toutes les occasions
possibles l'attachement de la République islamique au Hezbollah,
tout en déclarant son appui à tous les Libanais... dans la
mesure où ils adoptent et préservent la résistance. Il ne l'a
sans doute jamais dit clairement, mais « l'appui illimité » de
son pays au Liban, qu'il a souligné à plusieurs reprises, passe
forcément par la concrétisation de l'équation «
armée-population-résistance-gouvernement ». Et le rajout de «
gouvernement » se veut clairement une ouverture en direction des
sunnites, représentés par le Premier ministre Saad Hariri, qu'il
a soigneusement pris soin de mettre à l'aise en précédant sa
visite au Liban d'un coup de fil avec le roi Abdallah d'Arabie.
De plus, le président iranien a refusé de se laisser entraîner
dans les dédales politiques internes libanais, insistant, même
dans son discours à Bint Jbeil, sur l'unité des Libanais qui
est, a-t-il dit, « le symbole de la résistance et la clé de la
victoire ».
Mais la visite d'Ahmadinejad au Liban n'a pas qu'un impact
libano-iranien. Elle a aussi une dimension régionale et
internationale, puisque l'homme qui suscite le plus de
controverses dans le monde d'aujourd'hui s'est tenu à quelques
kilomètres de la frontière israélienne et sur les rives de la
Méditerranée qui cristallise l'un des principaux conflits de la
région. Il s'est certes adressé à Israël pour lui annoncer sa
fin toute proche, mais il s'est surtout adressé aux États-Unis
pour leur montrer que son pays a désormais son mot à dire dans
tous les dossiers régionaux et surtout dans le conflit
israélo-palestinien. Il a pris en quelque sorte sa revanche sur
l'isolement qui lui a été imposé ainsi qu'à son pays, et il
confirme les analyses qui estiment que l'Iran est à la recherche
de la reconnaissance de son rôle régional, reconnaissance
devenue presque inévitable. D'ailleurs, qui évoque encore une
attaque militaire contre l'Iran?...
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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