TLAXCALA
Interview de Sayyid Hasan Nasrallah
Sayyid
Hasan Nasrallah :
« Notre évaluation n’était pas erronée… Mes propos
ont été cités hors contexte. Une guerre, encore pire, était
programmée contre nous, au mois d’octobre »
Déclarations du Secrétaire général du
Hezbollah libanais. Propos recueillis par Talal Salman
5
septembre 2006
in
Al-Safir, Beyrouth
Talal Salman [TS] : Ne
craignez-vous pas que votre victoire se perde dans les limbes de
la politique intérieure libanaise ? Quelle
évaluation en faites-vous, en tenant compte de ses coûts
sur les plans humain, social, économique et matériel ?
Hasan Nasrallah [HN]: En ce qui
concerne la situation libanaise et le point de vue libanais, le
problème principal tient aux enseignements que nous retirons de
ce qui s’est passé et du point où ont abouti les choses :
considérons-nous qu’il s’agit d’une victoire ou bien, au
contraire, d’une défaite ? Si nous considérons qu’il
s’agit bien d’une victoire, nous devons déterminer quelles
en sont les limites, quelle en est la valeur, afin que nous
soyons à même d’avoir une évaluation réelle de la
victoire, en tenant compte des sacrifices que nous avons faits.
Par conséquent, nous pouvons certes dire que cette victoire a
été assombrie par des sacrifices, mais nous pouvons tout aussi
bien affirmer que les sacrifices consentis ne l’ont en rien
entamée. Si les sacrifices l’ont en partie assombrie, alors,
examinons de quelle manière ils l’ont assombrie, car c’est
en cela que réside la clé de l’ensemble de cette question.
S’il est une chose angoissante, c’est bien les dissensions
au sujet de l’évaluation des résultats de la guerre. De mon
point de vue, ces dissensions au sujet de l’évaluation des résultats
de la guerre n’ont pas de fondement objectif ; elles résultent,
ni plus ni moins, des divers contextes politiques, religieux et
communautaires. A ceux qui, nombreux, formulent des opinions
divergentes à ce sujet, [je dirai] : si nous allons dans
le monde arabe et musulman et que nous interrogeons nombre
d’experts ès stratégie qui étudient les résultats de la
guerre et la manière dont elle s’est déroulée de manière
objective, nous constaterons qu’il sont unanimes à affirmer
la victoire du Liban et celle de la Résistance. Même si nous
allions interroger l’entité israélienne elle-même – et
c’est un terrain que j’ai personnellement suivi jour après
jour – nous constaterions qu’il y a unanimité, en Israël,
sur l’échec d’Israël au Liban. [Je traduis :] sur la défaite d’Israël au Liban, par
conséquent. Dan Halutz lui-même, le chef d’état-major des
armées israéliennes, tentant de se défendre lui-même, a parlé
de « faiblesses dans l’institution militaire » et
il a éludé la question des manquements. Parler de
‘faiblesses’, c’est une manière de justifier l’échec.
Cependant, malgré cela, nous trouvons, au Liban, d’autres
lectures des événements : cela suscite des sentiments
d’inquiétude, que votre question traduit assurément. Il peut
s’agir là, déjà en soi, d’une intention délibérée de
porter atteinte à l’image de la victoire, en la déformant
progressivement et de pousser autrui à des réactions épidermiques,
et parfois même à la provocation, afin d’entraîner la perte
définitive de cette victoire.
A ce propos, je dirai qu’il est de la
responsabilité du Liban – qui, de mon point de vue, est
ressorti vainqueur – et pour être encore plus précis, je
parle ici du Liban vainqueur, et de la responsabilité des
Libanais qui sont convaincus que le Liban a vaincu – donc, il
est de la responsabilité des Libanais qui se considèrent
partenaires dans l’obtention de cette victoire – qu’ils
soient musulmans ou chrétiens, quelles que soient les
orientations et les communautés, quels que soient les courants
politiques dans lesquels ils se reconnaissent – d’œuvrer à
préserver cette victoire et à ne pas permettre qu’elle soit
galvaudée dans les impasses confessionnelles, politiques et
communautaires. C’est là une grande responsabilité et, comme
on dit : conserver la victoire est parfois plus difficile
que la conquérir… Je puis affirmer qu’il est effectivement
plus difficile de préserver la victoire que de la conquérir, où
que ce soit dans le monde, et qu’a fortiori, au Liban, c’est
infiniment plus difficile. Je m’en tiendrai là, dans ma réponse
à cette question, pour le moment…
TS : Voyons,
maintenant, du côté israélien, quelles sont les répercussions
[de sa défaite] sur la position stratégique d’Israël dans
la région du Moyen-Orient ? L’Israël d’après le 12
juillet est-il aujourd’hui le même Israël qu’avant cette
date fatidique ?
HN : Là encore, cela dépend de l’évaluation
que nous faisons de ce qui s’est passé : c’est de la
manière dont nous comprenons ce qui s’est passé que nous
pouvons en escompter les conséquences et les répercussions. A
ce sujet, je peux vous donner un résumé du volet israélien
[de la question], et je précise d’emblée que cette victoire,
en résumé, est à la fois stratégique et historique. A mon
avis, elle aura des répercussions extrêmement importantes sur
le plan des relations israélo-palestiniennes, sur celui de
l’ensemble du monde arabe, et aussi dans l’ensemble de la région.
Je pense qu’il est encore trop tôt pour répertorier et pour
intégrer les résultats stratégiques et les répercussions
gigantesques de notre victoire. [Considérez « seulement »]
la Palestine, l’Irak et l’Iran, pour ne pas parler du monde
arabe !…
Pour répondre à votre question,
j’insisterai plus particulièrement sur le conflit israélo-palestinien.
La bataille contre Israël a eu pour effet d’atteindre les
fondements du projet israélien ainsi que l’entité israélienne :
c’est là un constat que beaucoup d’observateurs ont fait.
Quand on dit que tous les pays ont leur armée, sauf Israël,
qui est une armée, qui, elle, a un pays, [c’est la réalité] :
l’entité israélienne, c’est une armée ! C’est un
camp militaire ; c’est une grande, une immense caserne.
En Israël, l’élément essentiel – à savoir la sécurité,
la tranquillité, la stabilité, la quiétude, la sérénité,
l’espérance – est incarné par l’armée ; ce qui
importe par-dessus tout, c’est la confiance du peuple israélien
en son armée et la confiance de l’armée israélienne en
elle-même. Cette confiance découle de la puissance de l’armée,
qu’il s’agisse de sa force objective, réelle, ou de sa
force artificiellement inculquée dans les esprits des ennemis
d’Israël. Parfois, cette force objective, réelle, n’existe
pas, mais Israël a réussi à inculquer à l’adversaire
qu’il serait lui-même faible, battu d’avance et qu’on ne
saurait s’attaquer à une armée « invincible »
[comme le serait prétendument l’armée israélienne]. Les
guerres arabo-israéliennes n’ont fait que renforcer la
confiance en elle-même de l’armée israélienne ainsi que la
confiance que place en elle le peuple israélien. Par exemple,
nous sommes en train de procéder, là, au moment où je vous
parle, à une comparaison entre les effectifs (membres actifs et
sympathisants) de la Résistance, d’un côté et Israël et
son armée, de l’autre… Mais, eux [les Israéliens], ils
avaient depuis toujours veillé à ce qu’on comparât Israël
à l’ensemble de la nation arabe et des peuples arabes, et ils
avaient réussir à faire de cette comparaison se voulant édifiante
une véritable légende !
En 2000 [retrait de l’armée israélienne
du Sud-Liban, sous les coups du Hezbollah, ndt], la légende
avait déjà été ébranlée. Mais Israël pensait qu’il
avait besoin d’une occasion pour restaurer l’image de son
armée et, d’une manière ou d’une autre, en l’an 2000 les
Israéliens ont réussi à faire douter de la réalité de notre
victoire. Il y a eu un doute, aussi, arabe et même un doute
libanais. Certains dirigeants arabes ont même affirmé qu’Israël
n’était pas parti du Liban la queue entre les jambes, en
2000, mais tout simplement qu’il avait été séduit par la résolution
425 de l’Onu ! D’autres ont évoqué je ne sais trop
quel marché libano-irano-syro-israélien. D’autres sont même
allés encore plus loin dans le délire. Mais on peut dire également,
et plus pertinemment, à propos de la victoire de l’an 2000,
que la Résistance, qui menait une guerre incessante depuis
dix-huit ans – une guerre de harcèlement, sur la longue durée,
contre une armée régulière – a pu, en fin de compte,
imposer à cette armée régulière de se retirer. C’est donc
bien une victoire, comme en 2000, mais cette victoire a ses
limites, qui sont celles que j’ai évoquées. Mais ce qui
vient de se produire, dans les derniers affrontements, a démontré
l’erreur de ce qui se disait, lors des débats sur les stratégies
défensives, et ce qui s’est dit lors des premiers jours de la
guerre : on disait alors que la résistance populaire
pouvait libérer la terre au moyen d’une guerre de harcèlement
de longue durée, mais qu’une telle résistance ne pourrait
pas tenir face à une incursion massive. Qu’elle serait
incapable d’empêcher que notre pays soit occupé et tombe
sous la coupe de l’armée israélienne…
En 2000, il y avait débat. Aujourd’hui,
plus personne ne tergiverse sur ce résultat-là. Il est certes
possible que la Résistance ait joui d’un grand prestige,
durant dix-huit ans, dans le monde arabe, mais elle n’avait
pas réussi à devenir une véritable légende. Trente-trois
jours ont suffi à inverser totalement les positions :
l’armée [israélienne], qui était une véritable légende,
est devenue l’incarnation de l’échec, de la sidération et
de la perte de repères. Au contraire, la Résistance, dont
beaucoup pariaient sur le fait qu’elle s’effondrerait en
quarante-huit heures, est devenue, quant à elle, à son tour,
une légende. Or, cette légende, c’était l’élément
fondamental, sur lequel reposait l’entité [sioniste]. Cela,
Shimon Peres l’a bien compris, avec son expertise et sa longue
expérience, quand il a dit qu’il s’agissait, avec cette
guerre, d’une question de vie ou de mort. C’est ce dont on
discute tellement aujourd’hui dans l’entité sioniste. Et si
on ne parvenait pas à régler cette question, c’est-à-dire
à convaincre les foules israéliennes d’une manière qui leur
redonne confiance et qui les rassure, je suis persuadé que la
société israélienne sera confrontée à des répercussions
extrêmement dangereuses sur les plans sécuritaire, moral, économique,
politique, et même démographique. Je m’explique : si le
peuple de cette entité perd la confiance en son armée
protectrice, qui incarne la forteresse imprenable de l’entité,
beaucoup d’investissements vont quitter ce pays et de plus en
plus de fissures politiques vont apparaître à l’intérieur
de l’entité.
Aujourd’hui, l’avenir d’Olmert est en
jeu. L’avenir de Péretz est en jeu, ainsi que celui de
plusieurs dirigeants de partis, et il y a même des partis
politiques dont l’avenir est lui-même compromis, au premier
rang desquels « Kadima », qui ne passera sans doute
pas l’hiver. Ces conséquences suffiraient, à elles seules,
sans que j’aie besoin d’invoquer d’autres aspects [de la défaite
israélienne], et afin de faire bref, à démontrer que notre
victoire est une victoire stratégique et historique.
Aujourd’hui, en Israël, on parle des conséquences [de la défaite
israélienne] sur le plan intérieur ; il y a même des
stratégistes qui ont évoqué cet aspect. C’est aussi le cas
de certains gouvernants arabes. Eh oui : Israël, qui
terrorisait les régimes arabes, et dont on disait que la résistance
pouvait libérer quelques territoires qu’il occupait, mais
certainement pas tenir tête à une armée aussi forte que la
sienne… Quant à la résistance, qu’est-ce qui la caractérise
aujourd’hui ? Je vais vous le dire : ce n’est pas
le fait qu’elle ait tenu bon, qu’elle ait conservé le
terrain – non : c’est le fait qu’elle a infligé des
pertes extrêmement importantes – humiliantes – à la
soldatesque israélienne. C’est là quelque chose qu’il est
impossible de celer aux yeux du peuple israélien, ni de
dissimuler à ceux du monde entier, en dépit de l’occultation
médiatique hermétique qui a été imposée aux informations
sur le déroulement des combats.
Par conséquent, fondamentalement, tant il
est vrai que la bataille, profondément, est une bataille de la
volonté, je puis vous affirmer que notre volonté de résistance
a tenu le coup et que la volonté israélienne, en revanche, a
été ébranlée. J’en veux pour preuve le fait qu’Israël a
été contraint à arrêter sa guerre. Celui qui penserait que
c’est la pression internationale qui aurait mis un terme à
l’offensive israélienne se tromperait gravement ;
permettez-moi de lui dire qu’il ne connaît pas la réalité
de la situation politique dans le monde, aujourd’hui, et de
quelle façon ça fonctionne… L’élément principal qui a
arrêté leur guerre, c’est l’échec retentissant de leur opération
terrestre dans les derniers jours, et l’importance de leurs
pertes, ainsi que la crainte des dirigeants politiques et
militaires israéliens d’être entraînés vers une situation
encore pire et encore plus dangereuse, encore plus
catastrophique pour l’armée et [par conséquent] pour
l’entité elle-même. Ce à quoi s’est surajoutée une voix
internationale, qui s’est élevée, obtenant la fin de la
guerre. Mais avant tout, si l’administration Bush & Olmert
avait été assurée qu’en poursuivant sa guerre une semaine,
ou deux semaines supplémentaire(s), il aurait pu se produire un
tournant qualitatif dans l’issue des combats, la guerre aurait
continué, et elle ne se serait pas arrêtée ce lundi-là,
comme elle l’a fait… Voilà qui approfondit encore
l’impact stratégique de la bataille et, partant, la confiance
du peuple israélien en son armée et en son entité régresse,
tandis que la confiance mise par les peuples arabes et en
particulier le peuple palestinien dans le fait que le choix de résister
peut apporter la victoire, surtout une victoire d’une telle
ampleur, ne pourra que se renforcer. A mon avis, cela aura assurément
des conséquences sur le fondement même de l’existence de
l’entité [sioniste] à longue, voire à moyenne échéance.
Bien entendu, je ne prétends pas (personne d’ailleurs ne prétend)
que cela aura des répercussions existentielles prochainement ou
rapidement [pour l’entité sioniste].
Bien sûr, nous parlons ici de
l’existence de l’entité et de son devenir, ainsi que de
notre propre avenir. Mais demeure, dans le volet palestinien, la
motivation essentielle : les Palestiniens ont l’idée de
résister, ils en ont le projet, ils en ont la conviction et la
volonté, et il faut que cela leur permette de maîtriser tous
les autres éléments qui ont été réunis dans l’expérience
de cette guerre, afin que le peuple palestinien soit en mesure
d’obtenir, lui aussi, sa victoire. Quant au blocus imposé aux
Palestiniens – et ce blocus est pour partie imposé, hélas,
par certains régimes arabes – il limite terriblement la
possibilité de mobiliser notre victoire au service du champ de
bataille palestinien.
TS : Pensez-vous
qu’Israël relancera sa guerre, après avoir arrangé son désordre
interne – soit, derechef, contre le Liban ; soit, en
choisissant de s’orienter vers un conflit plus pépère,
contre la Syrie ?
HN : Tout d’abord, je confirme la
nature intrinsèquement agressive d’Israël. Par conséquent,
quand je dit : « c’est possible »,
« c’est peu vraisemblable », ou « on ne peut
l’écarter », cela n’est pas lié à la nature
essentiellement agressive d’Israël, ni à ses intentions sincères :
il s’agit bien des circonstances, et des possibilités qui
sont les siennes. Revenons, si vous le voulez bien, à cette
guerre : cela nous aidera pour évaluer la situation…
Quel était l’objectif de la guerre ? « Liquider le
Hezbollah ». Rien que cela !… C’était
l’objectif principal et direct, dont la réalisation débouchait
sur la soumission définitive du Liban à la volonté américaine,
laquelle, dans notre région (dois-je le rappeler ?),
n’est autre que la volonté israélienne. Cet objectif, les Américains
et les Israéliens l’ont annoncé, dès les premiers jours de
la guerre. Ici, je n’analyse pas ; je n’extrapole pas.
C’est ce qu’ils disent carrément ; leurs textes sont
très clairs et n’appellent aucune interprétation. Seulement
voilà : non seulement Israël a été incapable de
« liquider le Hezbollah », ce qui était son
objectif suprême, mais il a même été incapable de réaliser
l’un quelconque de ses objectifs de guerre annoncés :
« liquidation définitive du Hezbollah »,
liquidation définitive de son infrastructure militaire,
destruction totale des missiles du « Hezbollah »,
expulsion du « Hezbollah » du Sud Liban, puis au-delà
du Litani, sans oublier la récupération inconditionnelle des
deux soldats israéliens capturés… Israël n’a réalisé
aucun de ces objectifs proclamés. Les dernières réalisations
prétendues d’Olmert – car Olmert, voyez-vous, prétend
avoir obtenu quelque chose… – c’est, dit-il, de m’avoir
confiné dans un abri… Voilà à quoi se sont réduits les
objectifs de guerre israélien : contraindre Hassan
Nasrallah à rester à l’abri ! Turban !
(oups : Chapeau !) Belle performance ! Une
guerre totale, prolongée, généralisée, a abouti à cet
objectif-là… Tout ça, pour ça ? Dans cette guerre,
Israël a mobilisé – je ne veux certes pas dire « toutes
ses forces », mais bien la plus grande partie – la
partie essentielle – de sa puissance militaire.
Qualitativement, la seule chose qu’ils n’aient pas employée,
c’est l’arme nucléaire. Tous les types d’avions ont été
employés. Les tanks les plus modernes, des bataillons d’élite
les ont amenés sur le champ de bataille : les « Golanis »
et les « Giv’atis » les ont retirés de Gaza et
les ont amenés au Sud Liban. Même chose pour les unités de
parachutistes. Ils ont amené 40 000 fantassins. Trois
compagnies de réservistes. Concernant la puissance de feu déployée :
ils ont effectué 9 000 raids aériens ; les survols sans
bombardement, je vous en fais cadeau… Ils ont évoqué le
chiffre de 175 000 projectiles, en trente-trois jours ! Ils
ont employé une puissance de feu absolument démentielle. Ils
ont épuisé leur stock stratégique de missiles air-sol, si
bien qu’ils ont même utilisé leurs missiles mis au rebut, désamorcés
et promis à la casse : ils les ont chargés dans leurs
avions, et ils les ont balancés sur le Liban !… Israël
est allé pleurer dans les jupes de Condoleezza non seulement
pour lui quémander des bombes « intelligentes »,
mais tous les types de fusées et de missiles air-sol…
Ce qui est important, dans ces données de
détail, c’est qu’Israël a employé une grande partie de
son potentiel. Ceci signifie qu’il y avait des centaines
d’avions de guerre israéliens qui survolaient et qui
bombardaient le Liban, en même temps : ils ne pouvaient
pas en utiliser plus… Ils ne pouvaient pas envoyer toute leur
armada en même temps dans le ciel du Liban, cela serait devenu
très dangereux pour eux [ils se seraient gênés mutuellement] !
Ils ne savaient plus quoi bombarder… Il est important de
comprendre que le Liban est un petit pays, qu’il n’est pas
assez grand pour que l’aviation de guerre israélienne, au
grand complet, vienne le survoler et y bombarder des
objectifs… Oui, c’est bien d’Israël, dont je parle...
D’Israël, avec son énorme puissance militaire, avec ses
capacités effrayantes, avec le soutien américain et
international dont il bénéficie, avec l’infamante trahison
du Liban par les régimes arabes, dont il bénéficie aussi…
Malgré tout ça (excusez du « peu » !), Israël
a perdu cette guerre, et des pertes lui ont été infligées qui
ont porté atteinte à l’image de marque de son armée et à
son efficacité – en particulier à l’image et à
l’efficacité de ses tanks et de ses hommes. Si bien que
plusieurs pays, qui étaient en négociations avec Israël pour
lui acheter le dernier cri des blindés, le tank Merkava de
quatrième génération, se sont retirés et ont rompu les
contrats. Dans une guerre contre une résistance populaire, un
tank blindé se transforme en cercueil. Israël, avec la baffe
qu’il a reçue au Liban, va aller se lancer dans une nouvelle
guerre ? A mon avis, cela ne sera pas avant longtemps, même
si je n’écarte pas totalement cette possibilité. Mais :
une guerre contre le Liban ? Assurément, quand les Israéliens
voudront se lancer dans une nouvelle guerre contre le Liban, ils
devront réfléchir plus de deux fois, en particulier si la
situation libanaise évolue vers une situation intérieure
raisonnable, après le déploiement de l’armée libanaise et
des forces de l’Unifil, et si la résistance n’est pas désarmée.
Par conséquent, si la résistance demeure, si elle conserve ses
armes, et si, donc, demeure la force qui a infligé la défaite
à Israël dans cette guerre… tant que cette force existera,
Israël devra réfléchir mille fois, et longuement, avant de se
lancer à nouveau dans une guerre contre le Liban…
Quant à une guerre lancée par Israël
contre un autre pays… Je ne pense pas. Quant à ceux qui
imagineraient qu’une guerre contre la Syrie serait moins
hasardeuse, je leur dis qu’ils font erreur. Permettez-moi de
leur dire que tandis qu’Israël attaquait le Liban, et alors
qu’il était supposé faire peu de cas de la Syrie (comme
d’aucuns tentent de le faire ailleurs qu’en Israël,
aussi…) et qu’il déclarait que les roquettes qui avaient
frappé Haïfa, Al-Khudeïra et Afoula étaient des roquettes de
fabrication syrienne, dans la même période, le ministre israélien
de la Défense, Amir Péretz, affirmait, plusieurs jours durant,
qu’Israël n’avait nullement l’intention de viser la Syrie
ou d’ouvrir un front actif avec elle. C’est là une claire
indication, mais il y a un autre indice, extrêmement important :
la Syrie a déclaré qu’elle entrerait dans le conflit, au cas
où l’armée israélienne se rapprocherait de sa frontière
terrestre. On a pu remarquer, au cours des dernières guerres déclenchées
par Israël, que les Israéliens ne se sont jamais approchés
vraiment de la frontière syrienne. De plus, il faut savoir que
l’axe des fermes de Shebaa est extrêmement important, dans un
paysage ouvert : les Israéliens pouvaient donc s’y
mouvoir aisément, avec des forces importantes, afin de prendre
la résistance à rebours dans la région située sur la rive
Sud du Litani. Et, néanmoins, Israël n’a pas bougé du tout
dans cette région, et il a soigneusement évité de
s’approcher de la frontière syrienne. Ceci signifie que les
Israéliens étaient très circonspects et pesaient les dangers
d’une confrontation avec la Syrie, ou de l’entrée de la
Syrie dans le conflit. Ce point mériterait une évaluation plus
générale et plus approfondie, mais personnellement, j’ai
tendance à penser que les Israéliens auront besoin de beaucoup
de temps avant d’envisager une nouvelle guerre. Non seulement
contre le Liban, mais, y compris, contre la Syrie. Je pense que
le seul point faible sur lequel Israël va se concentrer et
tenter non seulement de récupérer son image de marque
dissuasive, mais aussi de s’opposer à l’exploitation de la
victoire libanaise dans la situation palestinienne, c’est précisément
la Palestine. Cette récupération de son image, Israël en sera
malheureusement capable, les Palestiniens étant assiégés et
fractionnés, coupés de tout contact ; leur situation est
très dure, même s’ils ont une volonté de fer et un moral très
élevé, et l’effort israélien portera de plus en plus sur
les territoires palestiniens.
TS : …
et que dites-vous, au sujet
des armes de la résistance et de la question de savoir si
l’opération [du Hezbollah] aurait eu lieu malgré tout, si
une évaluation des conséquences qu’elle a manifestement
entraînées avait été faite… et aussi au sujet de la manière
dont Olmert a exploité la défaite israélienne sur le plan intérieur ?
HN : Je répète ce que j’ai déclaré
à la chaîne News TV : c’est la confirmation de ce que
j’ai déclaré durant la guerre. C’est une question dont
j’ai traité en détail. Quant aux propos sur le fait que si
nous avions su, ou si nous avions escompté…, ils ont été
tenus au cours de cette interview. Mais, malheureusement, ce
passage a été extrait de son contexte de manière malveillante
et, ce, afin de susciter artificiellement des prises de position
politiques oiseuses et de fonder des analyses biaisées sur la
base de cette citation extraite de son contexte.
De plus, au cas où je désirerais
reformuler ce que j’ai déjà dit, je répèterais que j’ai
dit très clairement que l’opération des deux prisonniers a
poussé Israël à déclencher au mois de juillet [le 12, précisément,
ndt] une guerre qu’il aurait de toutes les manières déclenchées
au mois d’octobre, auquel cas la catastrophe aurait été très
très très destructrice. L’opération [de capture] des deux
prisonniers [israéliens], pour une raison que nous ignorons (et
j’ai été très transparent, sur ce point-là), a fait échouer
un plan déjà ourdi, et ourdi avec un soin extrême. Mais la
mise en actes de ce projet était prévu pour le début de
l’automne, car il nécessitait de compléter certains préparatifs
et de réunir certaines données, et pour d’autres raisons
encore. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai été
très clair, et j’ai dit que la guerre n’avait pas eu pour
facteur déclenchant la capture des deux soldats.
La guerre relève d’une décision américano-israélienne,
avec la couverture de certains partenaires [arabes] qui y étaient
préparés. Ses préparatifs, en cours depuis longtemps, se
poursuivaient, et le moment de son déclenchement avait été
fixé. Elle reposait essentiellement sur un effet de surprise,
et le scénario en avait été ficelé depuis pas mal de temps,
même si le scénario suivi durant la guerre réelle, celle qui
vient d’avoir lieu, n’était pas celui qui avait été
initialement prévu pour plus tard… Quand l’opération des
deux soldats a eu lieu, et qu’un si grand nombre de soldats
israéliens sont tombés [huit, ndt], les Israéliens ont été
sidérés, et ils se sont trouvés placés devant la réalité
suivante : soit ils encaissaient le choc de ce qui venait
de se produire, soit ils se lançaient sans plus tarder dans la
guerre prévue pour le mois d’octobre prochain. Nous savons
qu’après consultation avec les Américains, dès le lendemain
de l’opération des deux soldats, les Israéliens ont décidé
de se lancer dans la guerre qu’ils avaient prévu de lancer au
début de l’automne. Nous leur avons fait perdre
l’avantage de la surprise. Nous leur avons imposé un
calendrier qui n’était pas celui qu’ils avaient préparé
avec grand soin, et c’est la raison pour laquelle la bataille
est arrivée tandis que nous étions en alerte et sur nos
gardes, tandis que les Israéliens, eux, en face, n’étaient
pas prêts. Alors que si la guerre avait eu lieu en octobre, la
bataille aurait commencé sans motif, car un motif quelconque,
une provocation quelconque, cela aurait équivalu, de notre
part, à attirer l’attention [de l’ennemi]. Si, au mois
d’octobre, des gens étaient venus dans le Sud du Liban afin
d’y installer des missiles incognito et si ces gens avaient
tiré ces missiles sur la Palestine occupée, le Hezbollah
aurait été mis en alerte, naturellement, car il se serait
attendu à ce qu’Israël réplique d’une façon ou d’une
autre. La guerre qui devait commencer en Octobre était prévue
pour commencer d’une manière très brutale, avec un effet de
surprise totale, sans aucun prétexte, et Israël n’avait pas
besoin d’un mobile, étant donné qu’il jouit du soutien
absolu de l’Amérique. Cette guerre, en Octobre, aurait été
considérée comme une guerre contre le terrorisme, et donc
comme une guerre totalement légitime, sans même qu’il fût
besoin d’un motif ni d’une quelconque nécessité de se
justifier, ni de quoi que ce soit d’autre…
Oui, j’étais sincère et transparent,
quand j’ai dit qu’au moment où nous avons décidé de procéder
à l’opération des deux prisonniers, nous n’avions pas
l’intention d’entraîner Israël dans un conflit rapproché
au mois de juillet, sans attendre jusqu'au mois d’octobre.
Bien entendu, tel n’était pas notre objectif. Nous savions
qu’un jour, le jour venu, choisi par eux, les Israéliens et
les Américains nous feraient une guerre totale, visant à en
finir avec nous militairement et à nous exterminer,
physiquement. Mais, bien entendu, nous ne savions pas quand cela
adviendrait, et nous nous contentions de suivre le plus
attentivement possible la conjoncture et les développements
politiques. Quand on te demande de revenir au 11 juillet et que
tu t’entends dire que l’opération de capture de soldats
israéliens allait nécessairement entraîner une guerre qui
causerait toutes ces destructions et la mort de tant de martyrs,
etc., si je répondais que « oui », c’est-à-dire
que, même si nous avions anticipé tout cela, si nous avions su
que la capture de deux pékins israéliens allait entraîner
cette guerre à une échelle tellement incroyable, si je répondais
que oui ; nous aurions, malgré tout, procédé à cette opération,
à ces enlèvements, je mentirais. Des gens mal intentionnés à
notre égard ne manqueraient pas de dire, alors : « Regardez-les !
Peu leur importent le pays et le sang des braves gens !… »
Très simplement ; j’aurais pu me défiler,
esquiver cette question. Je pourrais le faire, aussi, là,
maintenant, et affirmer qu’en tous les cas, la guerre n’a
rien à voir avec la capture de deux soldats israéliens. Mais,
parce que je sais que cette question taraude les gens et
qu’elle a été soulevée fortement tout au long de la guerre,
je considère qu’il est de ma responsabilité sincère d’y répondre.
Si nous avions, lorsque nous avons procédé à l’opération
des deux prisonniers, au moment où nous l’avons effectuée,
escompté comme conséquence la guerre, alors je l’aurais dit,
j’aurais répondu à la question par l’affirmative.
Mais ces propos, dans quel contexte ont-ils
été tenus ? Ils ont été tenus dans un contexte dans
lequel cette supposition étant totalement inconcevable, dans un
contexte où personne, où que ce soit dans le monde entier,
ayant étudié, évalué et analysé la situation prévalant à
l’époque n’aurait pu supposer que l’enlèvement de deux
soldats aurait entraîné une guerre d’une telle intensité,
pour la simple raison, encore une fois, que la guerre n’avait
strictement rien à voir avec l’enlèvement de ces deux
soldats… Cette guerre échappe à toute logique, à toute
mesure, à toute loi, à tout critère. On n’a jamais vu, dans
toutes les expériences tirées des guerres arabo-israéliennes
et de la résistance, dans son combat contre Israël, dans
toutes les expériences des conflits enregistrés par
l’histoire, où que ce soit dans le monde, que l’enlèvement
de deux soldat entraîne un quelconque conflit. Certes, l’enlèvement
a été mis à profit pour avancer le déclenchement d’une
guerre programmée. Mais, de notre point de vue, cela nous a été
profitable, et cela s’est avéré dans l’intérêt du Liban.
L’enlèvement des deux soldats israéliens a précipité une
guerre qui, de toute manière, aurait eu lieu, un peu plus tard ;
il a avancé le déclenchement d’une guerre inévitable,
absolument certaine.
C’est pourquoi, si je voulais utiliser
des expressions insécables et impossibles à tronquer, je
dirais que nous n’avons pas commis d’erreur d’appréciation
et que nos calculs étaient précis et exacts, et aussi que nous
ne regrettons rien, que je n’ai d’ailleurs tenu aucun
discours contrit ni défaitiste, comme l’ont inventé certains
Israéliens. Au contraire, mon discours était un discours de
victoire, dès le premier jour de la guerre. Le premier jour,
alors que le ciel était obscurci de nuages noirs, j’étais
confiant en la victoire ; la victoire allait venir. Là-dessus,
tous les experts un tant soit peu objectifs sont aujourd’hui
unanimes, quand ils procèdent à l’évaluation de ce qui
s’est passé durant cette guerre et je pense – cela, je
l’ai dit à plusieurs reprises – que ce qui s’est produit,
tant en matière du moment où la décision de procéder à
l’opération a été prise, que de ses conséquences, résulte
d’une volonté divine que nous réussissions, et d’une
faveur de la bonté divine et que, si nous n’avions pas fait
cette opération, si nous étions restés inactifs et
inattentifs jusqu’au mois d’octobre, le Liban ne serait plus
le Liban, et d’une manière ou d’une autre, comme l’a dit
le Dr. Talal Salman (mais dans un sens tout à fait opposé à
celui qui prévaut aujourd’hui) Israël ne serait plus non
plus Israël (mais, là encore, dans des termes entièrement
opposés)… Dans cette hypothèse, en octobre, grâce à l’élément
de surprise et grâce à la possibilité qui aurait été sienne
de tirer avantage de bien d’autres facteurs, Israël aurait pu
parier sur la destruction de la résistance au Liban et cela
aurait entraîné au final la soumission du Liban à Israël et
aux Etats-Unis ; cela aurait conduit à un horizon
impitoyable et dangereux pour la résistance palestinienne, cela
aurait gravement menacé la position de la Syrie, et cela aurait
remis en question tout possibilité d’une résistance
quelconque, dans l’ensemble du monde arabe. C’est pourquoi,
je le répète : nous ne regrettons rien ; nous
n’avons commis aucune erreur et nos estimations étaient fondées
et exactes. Ce qui s’est produit est beaucoup plus important
que les estimations des conséquences de nos intentions. Oui, je
l’affirme : si nous avions fait l’impasse sur tous ces
projets, sur tous ces aspects fondamentaux pour notre cause, si
nous étions restés planqués dans notre coin et si nous
disions que si nous avions escompté de telles conséquences,
nous aurions fait l’opération ou que nous ne l’aurions pas
faite, évidemment la réponse logique aurait été de ne pas la
faire… Si nous cantonnons le sujet à la seule opération de
l’enlèvement des deux soldats, et à la réaction à cette opération,
ce qui s’est réellement passé au Liban au mois de juillet se
retrouverait totalement à l’extérieur de ce contexte et de
cette logique.
TS : Il
se dit qu’il y aurait eu une réaction israélienne
disproportionnée à l’enlèvement, par des Palestiniens,
d’un soldat israélien, à Gaza, avant le 12 juillet. Vous
n’avez pas été averti ?
HN : Nous étions prêts… Nous étions
suffisamment préparés, et ce qui s’est passé est ce à quoi
nous nous attendions. Nous nous attendions à une réaction de
représailles limitées… Ce qui s’est passé est [bien] resté
dans les limites prévues. Les Israéliens n’ont pas envahi,
ni détruit la bande de Gaza ; ils n’ont pas fait, à
Gaza, ce qu’ils ont fait au Liban. De plus, il faut tenir
compte du fait que l’enlèvement du soldat israélien à Gaza
était beaucoup plus humiliant, pour les Israéliens, que la séquestration
de leurs deux soldats, au Liban.
En tenant compte [toutes proportions gardées]
des possibilités existantes chez les Palestiniens, en
comparaison à celles de la Résistance au Liban, les représailles
à Gaza n’ont pas été… [démesurées]. Nous nous
attendions à ce que la réaction israélienne soit au Liban
comparable, voire totalement identique, à ce qu’elle avait été
à Gaza, ou, à la rigueur, un peu plus intense. Mais ce à quoi
ont procédé les Israéliens au Liban ne fut pas une réaction,
mais bien une action préméditée et arrêtée dont on a
simplement avancé le déclenchement. En ce qui concerne les
martyrs, une étude statistique effectuée avant l’enlèvement
[de Gilad Shalit, ndt] a montré que, chaque mois, de trente à
quarante Palestiniens tombaient en martyrs. Et rien, en la matière,
n’a été modifié [après l’enlèvement]. A ce propos, je
dirai que je comprend à la rigueur pourquoi Israël s’arroge
le monopole sur ce fief, pour qu’Olmert, par exemple, puisse
en profiter pour tenter de réengager des négociations, ce qui
pourrait l’aider à se débarrasser de la commission d’enquête
israélienne (sur les dysfonctionnement de l’offensive au
Liban, ndt) ou de ses nombreux problèmes… Bien entendu, quand
je me suis exprimé publiquement, je ne parlais pas de cela ;
je parlais avec la sincérité et avec la transparence dont les
gens avaient besoin, auxquelles les gens aspiraient. Mais, résultat :
on m’a dit, et j’ai lu dans la presse qu’Olmert essayait
d’exploiter cette phrase à son avantage, et peu m’importe :
qu’Olmert en profite, je n’ai rien contre !… En
effet, si on nous donne le choix entre le fait que ce soit un
chef de gouvernement cinglé, stupide et faible qui continue à
gouverner l’entité et entre un autre Premier ministre à sa
place, fort et capable… bien entendu, nous préférons garder
le chef de gouvernement cinglé et stupide !…
Si Olmert peut tirer profit de citations
tronquées de mon discours, je n’ai rien contre. Mais je
regrette que ceux qui comprennent très bien l’arabe et qui
comprennent que cette phrase s’insérait dans le contexte
d’un exposé cohérent et qu’il n’était pas convenable de
l’extraire de son contexte naturel aient pu extraire cette
phrase et la mettre au service de leur lecture erronée des événements
au Liban, c’est regrettable – tout simplement regrettable.
Sans plus.
TS : Après
l’adoption de la résolution 1701, le paysage politique se
caractérise par de nombreuses ambiguïtés. Résolution ambiguë
et paysage politique ambigu. Ne vous coupez-vous pas de toute
possibilité d’étudier l’après-1701 lorsque vous insistez
sur la priorité, pour la Résistance, de conserver ses armes ?
HN : Il y a deux volets. Le premier a
trait à la situation à laquelle peut aboutir une stabilisation
de la situation dans le Sud. A mon avis, les choses sont claires :
l’armée libanaise poursuit son déploiement dans la région
frontalière, et on suppose qu’alors les forces israéliennes
se retireront et que celles de l’Unifil renforcée prendront
leurs quartiers dans les sites choisis d’un commun accord avec
l’armée libanaise et aussi avec le gouvernement libanais. Au
Sud du Litani, jusqu’à la frontière internationale, il y
aura l’armée libanaise et des forces de l’Unifil. Quant à
la Résistance, sa politique consiste fondamentalement à éviter
toutes les manifestations et défilés armés. Désormais,
l’engagement implicite et la politique publique ne suffisent
plus : il faut qu’il y ait un engagement personnel et
implicite envers l’armée libanaise et envers l’Etat
libanais.
Ceci signifie que nous aurons une situation
dans le Sud du Liban, c’est-à-dire au Sud du Litani,
semblable à celle prévalant au Nord du Litani. Avant le 12
juillet, il y avait, au Nord du Litani, une armée libanaise et
un Etat libanais étendant sa souveraineté dans tous les
domaines. Et la résistance était aussi présente, mais de façon
implicite. On aura désormais la même situation au Sud :
la Résistance restera présente, de manière implicite et par
conséquent l’armée libanaise – donc, l’Etat libanais –
de par sa présence au contact immédiat des frontières sera,
par définition, responsable : elle devra s’opposer à
toutes les violations israéliennes. J’ai dit, et je répète,
que la résistance aura désormais pour rôle essentiel de
soutenir l’armée libanaise, qui sera désormais, conformément
à la résolution, présente au long des frontières du pays.
Mais, assurément, si les Israéliens se pointent, comme cela
s’est produit par exemple à Budaï, pour procéder à un
parachutage dans telle ou telle localité du Sud ou de la Beqâ’,
la résistance est présente, et bien présente, même si sa présence
est secrète… La résistance, ce sont les enfants de cette
localité du Sud ou de la Beqâ’, qui s’opposeront au
parachutage israélien. Et la résistance n’attendra pas, pour
relever ce genre de défi, l’autorisation de quiconque, car il
s’agit de légitime défense. Mais, d’une manière générale,
c’est l’armée qui est chargée de s’opposer aux
violations, par sa présence sur les frontières. La Résistance
devient dès lors une force auxiliaire de soutien, pour l’armée.
Je ne pense pas qu’il y aura de problème, car la résistance
est sincère dans se ses engagements, d’une part, et disciplinée
dans sa manière de servir, d’autre part. Il peut exister une
résistance dont la direction soit engagée, mais dont
l’encadrement et les hommes seraient indisciplinés. Cela peut
provoquer des problèmes sur le terrain, aux conséquences
redoutables. Mais en ce qui concerne notre résistance, cette
question est résolue. La décision émanant du conseil des
ministres, après un débat approfondi, est une décision
claire, qui définit la mission de l’armée libanaise dans le
Sud du Liban. Or le désarmement de la résistance ne fait pas
partie de cette mission impartie à cette armée, de même que
sa mission ne comporte pas l’espionnage de la résistance ni
les fouilles de ses dépôts d’armes.
Il n’y a donc aucune raison pour qu’il
y ait un quelconque problème : l’état-major de l’armée
est engagé vis-à-vis de cette décision, tant en ce qui
concerne son niveau idéologique que sa discipline en tant
qu’institution officielle. La mission de l’armée, dans le
Sud, c’est de défendre la patrie et de protéger les
citoyens, leurs biens, leurs moyens de subsistance et leur sécurité.
Il n’existe donc pas de points de frottement [avec nous, qui
seraient] susceptibles de créer des problèmes. L’Univil
renforcée, d’après ce qu’a déclaré le Secrétaire général
de l’Onu – sauf nouvelle résolution – n’a pas pour
mission désarmer le Hezbollah. Sa mission consiste à épauler
l’Etat libanais, à l’aider à étendre sa souveraineté et
à soutenir l’armée libanaise. Il n’y a donc aucun problème.
Je pose comme principe qu’il n’existe aucune cause d’un
quelconque problème ou d’un quelconque dysfonctionnement. Par
conséquent, la situation intérieure au Sud Liban retrouvera sa
stabilité des six années écoulées, avec comme changement, le
fait que sera présent sur la frontière l’armée chargée de
s’opposer aux violations, et cela n’incombera pas à la résistance,
qui, elle, n’est pas directement chargée de s’opposer aux
violations de la frontière. C’est la raison pour laquelle je
suis serein, et absolument pas inquiet.
Le deuxième volet a trait à l’armement
de la résistance, après la guerre, comme avant la guerre. Nous
ne disons pas que cet armement ne puisse faire l’objet de
discussions ; cela reste un objet de dialogue. Le président
[du Parlement], Nabih Berri, a annoncé dans son dernier
discours, en son nom personnel et aussi en notre nom, qu’au
nombre des priorités de l’étape qui s’ouvre devant nous,
il y a les discussions en vue de parvenir à un accord, sur le
plan national, sur une stratégie nationale de défense tirant
profit de la très importante expérience que représente la
guerre que nous venons de mener. Par conséquent, il faut
poursuivre la discussion de cette question, et avancer. Reste à
déterminer les modalités de cette discussion… Mais quant à
l’essence, quant au principe, il faut poursuivre l’étude de
cette question au moyen de la discussion. Nous n’avons jamais
écarté quiconque de ce débat. Même au cours de ma dernière
interview avec la presse, j’ai dit que nous ne voulions pas
conserver cet armement jusqu’à la Saint-Glinglin. La résistance
est venue remplir le vide laissé par la carence de l’Etat
libanais. Alors : allez-y [là, je propose une solution…
sera-t-elle accepté, ou non, je n’en sais rien…] ;
allez-y : inventez-nous cet Etat fort, puissant et résistant,
capable de rassurer le peuple et de le protéger ! Voilà
qui pourrait servir d’entrée en matière à un débat sur le
devenir des armes de la résistance… Il est possible de
trancher la question du devenir de ces armes. Donc : nous
sommes toujours ouverts à toute formule sur laquelle on puisse
tomber d’accord sur le plan national, en vue de discuter cette
question et de la régler.
Nous n’avons absolument pas fermé la
porte au nez de qui que ce soit, et nous sommes prêts pour ce débat,
non seulement d’un simple point de vue théorique – comme
avant la guerre – [mais] en nous fondant sur l’expérience
acquise par la résistance [à l’occasion de sa victoire] et
aussi, déjà, en l’an 2000… De plus, je suis convaincu que
la dernière guerre nous a apporté une expérience très
importante – expérience que le Liban doit mettre à profit
pour formuler sa stratégie défensive. Bien plus : le
Liban doit aussi mettre à profit cette expérience [acquise par
la résistance] dans sa méthodologie de reconstruction de
l’arme libanaise et de renforcement de cette armée, ainsi que
de son équipement et de son armement, si nous voulons rendre
cette armée suffisamment forte pour pouvoir tenir face à Israël,
afin que nous ne dépensions pas des sommes folles, d’une manière
anarchique, et en pure perte.
TS : Que
deviendront les armes, je veux parler, en particulier, des
missiles et des roquettes ? Cette question est-elle
actuellement à l’étude ?
HN : En tout cas, depuis 1996 – après
l’agression israélienne déclenchée au mois d’avril de
cette année-là –, ces fusées étaient présentes au Liban,
et elles n’ont pas été employées avant 2006 : ceci
signifie que, pendant dix ans, elles ne l’ont pas été.
Fondamentalement, ces fusées n’étaient pas destinées à une
utilisation opérationnelle quotidienne, jusqu’au jour où il
y a eu des opérations quotidiennes… Ces fusées sont
[normalement] utilisées au moment de l’éclatement d’un
conflit, comme cela avait été le cas en 1993, en 1996 et,
enfin, en 2006 [au début de la guerre]. La résistance avait
donc un principe : ne recourir à ces fusées qu’en cas
d’agression israélienne et de lancement, par Israël, d’une
guerre contre le Liban.
Voilà qui résout, dans une large mesure,
notre « problème » du moment : que faire de
ces fusées ? Qu’en faisons-nous ? C’est très
simple : nous les gardons, comme nous les avons conservées,
de 1996 à 2006, sans les utiliser pour autant… Nous
conservons ces fusées, parce qu’elles sont destinées à n’être
utilisées qu’en cas d’agression militaire [israélienne]
massive contre le Liban. S’il se produit une nouvelle
agression contre le Liban, bien entendu, il est de la
responsabilité de l’armée libanaise de défendre le Liban,
et la résistance a, elle aussi, pour mission de défendre le
pays, en tant que résistance populaire. Mais c’est l’armée
qui décide de cela. Nous préférons, en tout état de cause,
que cette question ne soit pas examinée dans ses moindres détails ;
nous préférons ne pas nous lancer dans cette discussion…
Nous ne souhaitons pas nous entendre dire : « Ces fusées,
là : qu’en faisons-nous ? » ; « Ces
jeunes combattants, ici : qu’en faisons-nous ? » ;
« Tel ou tel type d’armes : qu’en faisons-nous ? »…
Une discussion en détail de cette question serait une
discussion oiseuse, éloignée de la pratique, du réel… bref :
une discussion inutile.
Il est préférable d’entamer une
discussion globale. De dire, à la lumière de ce qui s’est
passé et de toutes les expériences accumulées, que le Liban
est concerné par son existence, par sa structure [démographique
et communautaire, ndt], par son indépendance, par sa
souveraineté, par sa sécurité… face à toute guerre qu’Israël
pourrait à nouveau provoquer, à l’avenir.
La nouveauté, c’est que, désormais,
l’armée libanaise est présente au long des frontières. Cela
n’était pas le cas, avant le 12 juillet. D’après l’expérience
acquise, comment le Liban pourra-t-il se défendre, avec les
[maigres] moyens à sa disposition ? Nous poursuivrons le débat
déjà engagé à ce sujet. Je pense qu’un débat général
permettra de meilleurs résultats, et de servir les intérêts
du Liban, sans pour autant nous plier aux exigences d’Israël.
TS :
En cas d’absence de décision
politique permettant à l’armée de répliquer aux violations
[du cessez-le-feu
et aux agressions
israéliennes, quelle serait la position de la résistance, à
l’avenir ?
HN :
Le conseil des ministres a donné pour mission à l’armée de
défendre le Liban, notamment dans le Sud.
TS : A
la lumière de ce qu’a dit le président [du Parlement] Nabih
Berri, au sujet de la résistance, qui doit se poursuivre tant
que les Fermes de Shebaa et que les collines de Kafr Shouba
seront occupées, quelle sera la position du Hezbollah, sur le
terrain, en ce qui concerne la poursuite de l’occupation des
Fermes de Shebaa par Israël ?
HN : Notre position politique est
connue, et elle est claire. Cette terre est une terre libanaise
occupée, et il faut que cette terre soit restituée au Liban.
C’est la responsabilité de l’Etat libanais, comme il était
de sa responsabilité, en 1948, de défendre le territoire
libanais et, ensuite, de récupérer chaque arpent du territoire
libanais occupé en 1978 ou en 1982 et, jusqu’à ce jour, il
est de la responsabilité de l’Etat libanais de récupérer
ces territoires. Dès lors que l’Etat veut bien assumer ses
responsabilités, la résistance doit le soutenir ; mais si
l’Etat veut en revanche se débarrasser de cette responsabilité,
il devient de la responsabilité de la résistance de
s’atteler à la résolution de ce problème.
Résister est notre droit légitime ;
mais allons-nous exercer ce droit ici et maintenant ? Non ;
c’est une question de temps. Vous avez sans doute remarqué
que, de 2000 à 2006, tout en réaffirmant ce droit, nous avons
eu un comportement différent, en ce qui concerne les fermes de
Shebaa, de celui que nous avions eu antérieurement à 2000,
pour différentes raisons politiques, sécuritaires et
logistiques. C’est la raison pour laquelle nous nous
contentons de dire, comme l’a dit également le président
Nabih Berri, que la résistance est notre droit, que nous devons
conserver ce droit et que ces terres doivent nous être rendues.
Aujourd’hui, on peut nous demander si nous accordons une
chance à l’Etat libanais ? Même après l’an 2000,
l’Etat n’a jamais cessé d’avoir des opportunités,
d’avoir « ses chances » ; nous n’avons pas
ouvert de front secondaire dans les fermes de Shebaa, ni nous
n’avons monté d’opérations quotidiennes dans ces fermes.
Les opérations que nous y effectuions, nous les appelions
« opérations de rappel » ; ces opérations étaient
espacées les unes des autres dans le temps, de plusieurs mois.
Nous sortons, aujourd’hui, d’une véritable guerre, et nous
n’éprouvons aucune impatience à effectuer des opérations
dans les fermes de Shebaa. Mais nous affirmons bien haut que
nous en avons le droit, et que personne ne saurait offrir des
garanties et des assurances sécuritaires aux Israéliens, qui
continuent à occuper une partie de notre territoire.
Aujourd’hui, l’Etat et le gouvernement peuvent prendre
l’initiative… Quoi qu’il en soit, nous suivons cette
question [des fermes de Shebaa] et nous verrons bien comment les
choses évolueront. Après la guerre, il faudra reconsidérer de
manière équilibrée la politique et l’organisation militaire
du parti, dans le sens où le parti [le Hezbollah, ndt] avait
ses positions, ses abris, ses munitions et ses armes, il
combattait sur le front, et où, désormais, ce front a été
refermé. La mission militaire du parti de la résistance
n’est plus, désormais, sa priorité absolue.
TS : Comment
imaginez-vous la transition entre l’étape actuelle, où
l’aspect militaire était prédominant, et l’arène
politique ? Quel rôle aura le Hezbollah après la guerre
de Juillet 2006 ?
HN : Le Hezbollah n’a peut-être pas
besoin de cette mutation dramatique sur le plan organisationnel,
car, tous les trois ans, le parti a procédé à des congrès
d’évaluation en vue de la réorganisation et du développement
de son appareil et de ses capacités et d’apporter les réformes
adaptées à sa structure, correspondant à l’expansion
constatée sur le terrain, tant sur le plan politique que sur le
plan populaire ou encore sur celui de la définition des
missions.
Par conséquent, nous ne sommes peut-être
pas confrontés à une mutation tellement importante, étant
donné que la structure du parti, en particulier à partir de
1990 et depuis lors était celle d’une organisation militaire
concernée par la résistance, ne s’occupant que de cela, et
dont c’était l’unique mission ; et puis il y avait,
parallèlement, un autre organisme, tout aussi important,
organisationnel, populaire et politique, qui se consacrait entièrement
à ces tâches. Aucun de ces deux corps n’était influencé négativement
par l’autre ; au contraire, ils s’influençaient
mutuellement de manière positive et synergique. J’explique :
les réalisations de la résistance profitaient à l’autre
corps [politique], grâce à son apport en matière de
polarisation et de participation populaires, d’efficacité
politique et d’activité informationnelle. Cet apport en matière
d’adhésion populaire et en présence politique assurait un
surcroît de capacité au corps combattant [ar. jihâdiyy, ndt]
au sein du Hezbollah.
TS : Une
reconsidération de la structure organisationnelle du Hezbollah
est-elle possible, dès lors que l’énorme acquis du parti au
plan national libanais et au niveau arabe en général est de
nature à se faire reconnaître au-delà de la communauté
chiite ?
HN : J’imagine qu’il sera
possible, sur la base de l’expérience acquise au cours de
cette dernière guerre, de repenser beaucoup des idées et des
programmes du Hezbollah, en particulier en ce qui concerne les
relations politiques et l’augmentation des possibilités
d’en nouer de nouvelles et de les développer et / ou d’en
ouvrir de nouvelles au niveau de la totalité du territoire
libanais. Parmi les aspects positifs de ce qui s’est passé
durant cette guerre, il y a le fait que les contacts avec les
autres forces et les autres courants politiques ont débordé
des cadres officiels et des états-majors des partis, par la
force des choses, et non plus d’une manière planifiée par
qui que ce soit. Quand les réfugiés sont partis se mettre à
l’abri dans d’autres régions du Liban que la leur, il
s’est produit, dans un contexte sécuritaire et humain
extra-ordinaire, un surcroît d’interaction avec d’autres
citoyens libanais : avec des sunnites, dans les régions
sunnites ; avec les chrétiens, dans les régions chrétiennes
ou encore avec les Druzes, dans les régions druzes. Et on a pu
parfois faire état – à de rares exceptions près – des
impressions positives que les réfugiés ont rapportées, une
fois retournés chez eux, qui étaient des impressions positives
et parfois excellentes. Et même si on a pu qualifier parfois
cette solidarité de solidarité [purement] humaine, et non de
solidarité politique, c’est une des réalisations, une des bénédictions
les plus importantes de cette guerre, car, à ma connaissance,
le Liban n’avait plus connu, depuis des lustres, une telle
solidarité humaine, en particulier quand on se souvient des
convulsions intérieures et de la guerre civile qu’a connue le
Liban, ainsi que ce qui l’a précédée, et que la période
qui lui a succédé.
Sans doute, d’aucuns, en qualifiant cette
solidarité libanaise d’humaine et de non-politique, ont-ils
voulu en diminuer l’importance et la valeur. Mais, en ce qui
nous concerne, nous ne minimisons pas la valeur de cette
solidarité, car nous voyons dans cette solidarité humaine une
grande valeur, non moins importante que celle de la solidarité
politique. Et puis il y a aussi un autre aspect : ceci
[cette minimisation] s’est produit au lendemain de propos
tenus tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Liban,
selon lesquels le Liban aurait été au bord de la dissension
interconfessionnelle, voire de la guerre civile.
Et voici qu’on nous présentait soudain
un tout autre tableau que celui d’une solidarité populaire,
dans laquelle les communautés, les régions et les gens
s’ouvraient mutuellement à l’autre dans des circonstances
particulièrement sensibles et dans le contexte de questions
particulièrement difficiles à résoudre. Cette donnée
[nouvelle] laissera assurément une marque très profonde sur la
mentalité du Hezbollah, sur sa compréhension des choses, sur
son fonctionnement, sur son action et sur ses relations ;
je veux dire que cela conduira au développement et à l’amélioration
de cette cohésion et de cette interaction sociales [et sociétales].
Naturellement, il y a une chose que nous
avons évoquée et à laquelle il faut prêter une certaine
attention, c’est notamment le fait que le Hezbollah, tant sa
direction que ses adhérents – appartienne majoritairement –
voire quasi exclusivement – à la communauté chiite et que,
par conséquent, le développement organisationnel en ce sens
[celui de l’ouverture et du pluralisme, ndt] qui a été évoqué
au cours de plus d’un débriefing, doit tenir compte de
certaines sensibilités, dans le contexte de la situation prévalent
aujourd’hui au Liban, y compris en ce qui concerne nos prises
de contact, en raison des complexités politiques internes
particulières au Liban.
Par exemple, nous avons demandé à un
certain nombre de nos [= du Hezbollah, ndt] responsables
politiques et de nos chargés de relations publiques d’établir
des relations directes y compris avec les familles – c’est-à-dire
que nous serions allés chez les familles et que nous aurions
rencontré les notables de ces familles, pour nous présenter à
eux, leur donner des explications et répondre à leurs
questions, ceci, afin d’établir avec ces notables des
relations directes. C’est là un droit tout à fait naturel,
et il faut que cela soit possible, au Liban ; je veux dire :
il faut que les relations entre les chiites et les sunnites, ou
entre les sunnites et les chiites ne passent pas obligatoirement
par l’intermédiaire des leaders, ni des partis, ni des cadres
politiques ; il faut que ces relations soient des relations
populaires et directes. Malheureusement, nous avons constaté
que ce genre d’initiative risquait de susciter certaines
susceptibilités qui étaient de nature à les mettre au grand
jour d’une manière indésirable ; on aurait aussi pu
dire en effet que le Hezbollah voulait faire de l’entrisme
dans le domaine sunnite, et c’est là la moindre des
incriminations de certains, selon lesquels le Hezbollah aurait
eu pour projet de falsifier le sunnisme en chiisme et
d’appeler certains sunnites à se faire chiites. Ce sont là,
bien entendu, des mensonges et des billevesées sans aucun
fondement.
Quoi qu’il en soit, nous comprenons ces
sensibilités et ces susceptibilités, et je suis
personnellement d’accord avec ce que vous avez noblement évoqué
dans votre question : le Hezbollah doit absolument
s’adresser plus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent aux
autres communautés confessionnelles, aux autres courants. Nous
avons, par exemple, une évaluation positive sur plus d’un
domaine ; par exemple, pour parler des chrétiens, il faut
savoir qu’avant même la guerre, depuis environ un an et demi,
nous avons avec une partie d’entre eux des relations solides,
qu’il s’agisse de certains partis politiques [de la tendance
nationaliste, selon les anciens clivages] présents au sein des
partis nationalistes libanais, ou orientés à gauche, ainsi
qu’avec des chrétiens des régions de Zghorta et d’Ehden,
par exemple. Ancienne, aussi, la relation que nous entretenons
avec l’ancien Premier ministre Soleïman Franjiyéh, dont le
leadership est excellent et réel ; personne ne peut en
ignorer l’importance et la grande représentativité. Il y a
aussi le mouvement des Maradah [= les Révoltés, ndt] :
cela apparaît jusque dans le communiqué institutionnel qu’il
a publié récemment, à l’occasion de sa re-formation, et où
il est question des armes de la résistance, des armes du
Hezbollah, dans les mêmes termes que ceux du Hezbollah, ce qui
signifie qu’il y a entre nous une totale identité de vues sur
ce plan-là. A propos des régions chrétiennes et de la façon
dont les réfugiés y ont été accueillis, nous pouvions nous
attendre à ce que ces relations fussent excellentes à Zghorta
et à Ehden, en raison, dans ces deux localités, d’une
alliance ancienne entre nous et le ministre Soleïman Franjiéh,
et nous avons constaté dans ces régions une sympathie sincère
et très intense, dont nous les remercions ; la même chose
s’est produite dans d’autres régions, où sont présents
certains politiques [alliés], et c’est là quelque chose de
logique et naturel.
Ce que d’aucuns s’étaient imaginé,
c’est que nos relations qui s’étaient ouvertes, récemment,
avec le courant nationaliste était des relations purement
formelles et officielles. Mais en réalité, il s’est avéré
qu’il s’agissait d’une relation populaire et naturelle,
spontanée. Cela s’est manifesté très clairement au travers
de la guerre, et en particulier dans la manière dont a été
traité le problème des personnes déplacées.
Même quand nous allons dans les
institutions dépendant du Patriarcat, c’est-à-dire dans les
monastères et dans les écoles, je peux dire, d’une manière
générale, qu’aujourd’hui, l’élan du Hezbollah, la
confiance du Hezbollah, la conviction qui est celle du
Hezbollah, c’est qu’il faut ouvrir et interconnecter nos
relations et les renforcer avec les milieux chrétiens –
qu’il s’agisse d’amitiés anciennes, ou de ces amitiés
apparues au cours de la période difficile que nous venons de
traverser, ou encore de la recherche de nouvelles relations et
de nouvelles amitiés. Je vous affirme que cette conviction
[chez nous] est encore plus forte, après cette guerre. De même,
dans le milieu sunnite, même si notre attachement à nos
relations dans ce milieu est ancien et plonge ses racines dans
les spécificités du Liban et dans celle du monde musulman,
ainsi que dans les répercussions qu’a cette spécificité
[locale] sur les relations chiito-sunnites où que ce soit dans
le monde. Même chose en ce qui concerne les druzes, tant ceux
qui étaient dans le même camp que nous durant cette guerre
qu’une partie de ceux qui ont des désaccords [littéralement :
des ‘observations’ – ar. mulâhaZât, ndt] politiques ou
avec lesquels nous sommes en opposition sur le plan politique
– les druzes se sont montrés solidaires sur le plan humain,
et c’est là quelque chose que nous ne saurions nier ou
oublier.
TS : Les
Chiites avaient-ils un projet particulier – à travers le
Hezbollah – qui aurait fait qu’on aurait tenté de frapper
celui-ci durant le dernier conflit ?
HN : On parle tout le temps de je ne
sais quel «projet particulier », et cela n’est pas la réalité.
Le projet du Hezbollah a été proclamé ; il est connu. Le
Hezbollah a une vision déclarée, sur le plan politique, et
nous ne cessons de réitérer notre position : le Hezbollah
est sans doute le parti qui s’exprime le plus, à travers des
discours, notamment ; c’est un parti qui a une présence
médiatique forte, qui exprime ses convictions, ses points de
vue ; c’est un parti, aussi, qui a un programme qui a été
ouvertement présenté au public à toutes les élections –
programme électoral que le parti a immédiatement entrepris,
une fois élu, de traduire en programme et réalisations
politiques.
Certains nous invitent à nous engager
aujourd’hui au sein de l’Etat libanais… à ceux-là, nous
disons que nous avons participé aux élections en 1992, alors
qu’eux, en revanche, ils les ont boycottées… Nous, nous
avons participé aux élections de 1996 ; et eux, ils les
ont boycottées… Mais voilà les mêmes, aujourd’hui, qui
font de la surenchère sur nous, et qui nous convient à nous
engager dans le projet de l’Etat. Nous n’avons pas de projet
particulier et nous disons, quant à nous, de manière très
claire – et là, ce n’est pas, vous pouvez me croire, de la
langue de bois politique, mais bien un discours intellectuel qui
s’appuie sur des fondements philosophiques et religieux, et
pas seulement sur un vocabulaire purement politique – que nous
nous inscrivons dans la vision religieuse islamique – cette
vision unanime chez tous les musulmans – c’est-à-dire dans
une vision qui est musulmane, et qui n’est ni (simplement)
chiite, ni (purement) sunnite. Nous affirmons que les gens ont
besoin d’un imâm [un guide, ndt]. Dans le langage
d’aujourd’hui, un imâm, cela veut dire un ordre, une
organisation ; cela veut dire un Etat. Aucun groupe humain
ne peut vivre sur un territoire déterminé sans Etat, en étant
dépourvu de l’identité et du contenu de cet Etat. Il y a
toujours eu, en permanence, une disputation juridico-théologique
[niqâsh fiqhiyy] sur le point suivant : quand il y a à
trancher entre un régime politique faisant l’objet de
beaucoup de critiques et d’objections, d’un côté et, de
l’autre côté, l’anarchie et / ou la guerre civile, que
doit-on faire ? Certains considéraient que la chose
principale, fondamentale, essentielle [al-’açl], c’était
l’existence dudit régime politique [quel qu’il soit], et
qu’il fallait à tout prix éviter de tomber dans l’anarchie ;
qu’il était préférable d’endurer tous ces aspects négatifs,
plutôt que d’encourir le risque de connaître encore bien
pire – la guerre civile.
Nous affirmons aujourd’hui que tous les
Libanais ont besoin de sérénité, de tranquillité. Quand
certaines personnes viennent au Liban et disent : « Nous
avons peur de vous ; rassurez-nous ! », je tiens
à leur répondre : « Et moi aussi, j’ai peur de
vous ; rassurez-moi ! » Tout le monde, au Liban,
a besoin d’être rassuré ; cela est dû au fait que le
Liban était – et qu’il se trouve encore aujourd’hui, bien
entendu – sur la faille sismique locale, régionale et
mondiale. C’est le résultat des immixtions étrangères dans
nos affaires – en particulier des immixtions américaines et
israéliennes.
TS : Parlons
maintenant, si vous le voulez bien, de vos relations avec l’Arabie
saoudite, en particulier depuis la publication, par ce pays, des
premiers communiqués évoquant (de votre part) un aventurisme
inconsidéré. Quelles sont vos relations avec Riyad ? Y
a-t-il des rancunes, une interruption dans les contacts, dans
l’échange des points de vue ? Ou bien, au contraire, ce
qui s’est passé a-t-il été seulement passager ?
Avez-vous repris contact avec les Saoudiens ?
HN : En ce qui concerne les prises de
position saoudiennes, au début du conflit, et aussi en ce qui
concerne la déclaration émanant du sommet égypto-jordanien,
sans oublier l’atmosphère générale de la première réunion
des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire, le
moins qu’on puisse dire – et je mesure mes propos –
c’est que nous étions parfaitement fondés à protester, et
qu’ils n’ont aucun droit à être attristés ou à geindre !
Je ne veux pas leur dire quelle évaluation
nous faisons de leur position, en particulier en ce qui concerne
ce fameux « aventurisme inconsidéré » et les
propos du même acabit. Je les renvoie à Monsieur Ehud Olmert
soi-même, qui leur expliquera de quelle manière les Israélo-Américains
ont utilisé ces déclarations et prises de positions pour
justifier leur guerre d’agression contre le Liban. Même si,
bien sûr, comme nous le savons, les Israéliens se sont prévalu
de bien pire encore que ces déclarations arabes officiellement
proclamées, puisqu’ils ont parlé de contacts que certains
gouvernements arabes avaient établis avec eux pour bénir leur
guerre contre le Liban et les exhorter à la mener sans relâche
et sans faiblir, jusqu’à ce que le « Hezbollah soit
liquidé » !
A ce sujet, je dirai que c’est là ce que
les Israéliens prétendent ; nous ne sommes absolument pas
disposés à les croire sur parole, sur ce point.
Mais, à la lecture des prises de position
arabes officielles, proclamées, sur la guerre du Liban et sur
la résistance – des déclarations que ces gouvernements ont
diffusées officiellement, par la voie diplomatique – je me
limiterai à leur dire ceci : que vous l’ayez voulu, ou
non, votre de prise de position a servi de couverture à
l’ennemi ou, dans le meilleur des cas, elle a représenté un
abandon du Liban et de la résistance libanaise – cette résistance
dont vous aviez pourtant tous déclaré, en 2000, que vous étiez
fiers d’elle, et que vous aviez félicitée pour sa victoire.
Aujourd’hui, nous ne voulons pas nous arrêter trop longtemps
sur ce qui s’est passé de fâcheux. Nous en prenons note et
nous nous efforçons d’en tirer les leçons.
En ce qui concerne les pays arabes envers
lesquels nous avons certains reproches à faire, en raison de
leurs prises de position à tout le moins inamicales, nous
pensons qu’il est naturel que ces pays s’efforcent, comme
nous nous y efforçons de notre côté, de restaurer nos
relations dans l’intérêt arabe et islamique, ainsi que dans
l’intérêt national de tous les pays concernés.
En ce qui concerne les Frères saoudiens,
s’il existe un reproche, il est plus grave ; car nous
avions avec eux une relation développée et parce que j’avais
rencontré à de multiples reprises l’ambassadeur d’Arabie
saoudite à Beyrouth, le Dr. Abd al-Aziz Khujah, ainsi que des
responsables saoudiens de passage à Beyrouth. Par ailleurs, le
roi Abdullah Ibn Abd al-Aziz a eu de bonnes paroles, à plus
d’une occasion, tant au sujet du Hezbollah, d’une manière générale
et de la résistance qu’à mon égard. Si bien qu’une
semaine encore avant le déclenchement de la guerre, on a pu
faire état de ses propos selon lesquels Hasan Nasrallah était
« son cher fils », « notre héritier sur
lequel nous parions… » etc, etc…
TS : Vous
avez été invité en Arabie saoudite, par le passé, et on
s’est perdu en conjectures quant aux raisons pour lesquelles
vous avez décliné cette invitation ?…
HN : C’est exact ; j’ai
effectivement été invité à me rendre en visite officielle en
Arabie saoudite. Ceci ayant été évoqué par les médias, je
vais répondre, à ce sujet. Quand l’ambassadeur saoudien à
Beyrouth m’en a transmis l’invitation, je lui ai dit que je
l’acceptais sous l’angle politique et fraternel, que j’en
étais honoré, qu’accepter cette invitation ne posait pas de
problème politique ; mais que cela posait un problème de
sécurité, car [en réalité] je ne pouvais pas me déplacer.
C’est si vrai que je ne me suis pas rendu en pèlerinage à La
Mecque depuis 1986. Non que je ne désirerais pas effectuer ce pèlerinage,
mais, là encore, pour des raisons de sécurité (tout le monde
sait bien, d’ailleurs, que tout musulman, en particulier
s’il est pratiquant et religieux, ne désire rien tant que de
se rendre en pèlerinage à La Mecque. Je suis privé de cette bénédiction,
et je ne peux pas non plus effectuer le petit pèlerinage [‘umrah],
bien que l’invitation m’en ait été faite chaque année :
à chaque fois, j’ai dû décliner cette invitation, à mon
grand regret, au motif de : la sécurité…] Enfin, bref :
l’important, c’est que nous n’avions aucune réserve
d’ordre politique en ce qui concerne cette invitation
officielle à nous rendre en Arabie saoudite. Certains
responsables saoudiens pensent que ce qui m’aurait incité à
en décliner l’offre, cela aurait été des recommandations
(plutôt : des mises en garde) iraniennes et syriennes ;
ça n’est pas tout à fait exact. En tous les cas, l’avenir
montrera que le mouvement politique le plus indépendant de
tous, au Liban, par rapport à tous les axes régionaux et à
tous les pays, c’est bien le Hezbollah. Mais je tiens à
rectifier la déduction erronée de certains responsables en
Arabie saoudite : je leur dis que lorsque les Iraniens et
les Syriens ont eu connaissance de l’invitation saoudienne qui
m’avait été adressée, ils m’ont encouragé à
l’honorer, me disant que cela permettrait de développer les
relations [sic] – contrairement, donc à ce que certains
responsables saoudiens veulent bien donner à accroire. La réalité,
je le répète, c’est que l’empêchement était purement sécuritaire.
J’ai d’ailleurs informé son Excellence l’ambassadeur
saoudien à Beyrouth du fait que je n’étais pas
personnellement en mesure de me rendre en Arabie, mais que tout
frère appartenant au parti [Hezbollah] et représentant son
secrétaire général, soit qu’il appartienne au Conseil de décision
[Shûrâ-l-Qarâr], soit qu’il s’agisse du frère ministre
Muhammad Fanish, pourrait s’y rendre à ma place et me représenter.
J’ai dit aux Saoudiens qu’ils avaient une liste de ces noms
à leur disposition et qu’ils pourraient choisir eux-mêmes le
représentant du Hezbollah qu’ils souhaiteraient éventuellement
inviter [à ma place], sans que je sois amené moi-même à les
mettre dans l’embarras en désignant quelqu’un. Et que ce
représentant du Hezbollah [ayant leur agrément] se rendrait en
Arabie, où il me représenterait personnellement, tout en représentant
également la direction du parti ; que je le chargerais des
questions à examiner au cours de cette visite. Mais les
Saoudiens ne m’ont pas répondu. C’était avant la guerre.
Je le répète, par conséquent : les causes [de mon non-déplacement
officiel en Arabie saoudite] étaient purement sécuritaires et
en aucun cas politiques ; je réaffirme également que nous
sommes très attachés à nos relations avec l’Arabie saoudite
et que nous souhaitons les développer et les améliorer.
TS : Puis-je
déduire de ce que vous venez de nous expliquer que vous aviez véritablement
motif à être mécontents ?
HN : Oui. C’est vrai ; cela
nous a particulièrement affectés – en plus du reste… Vous
marchez avec nous dans la même direction, et voilà qu’en des
circonstances particulièrement délicates – critiques, même
–, des circonstances dans lesquelles c’est notre destin qui
est en jeu, vous venez nous dire ce qui nous a été dit ! ?…
Oui ; nous étions fondés à faire certains reproches.
Mais quoi qu’il en soit, aujourd’hui, nous avons des amis
communs, au Liban, qui ont œuvré à faire en sorte que nos
contacts soient renoués et nous n’avons aucune objection à
cela, bien entendu. Bien au contraire : nous avons établi
de nombreux contacts ces tout derniers jours et, si Dieu le
veut, les choses vont continuer à s’améliorer…
TS : On
ne peut pas dire que le Hezbollah ait réservé un accueil délirant,
dans la banlieue Sud de Beyrouth, à l’Emir du Qatar ;
d’autant qu’on connaît l’importance régionale du Qatar,
et aussi ses relations particulièrement influentes ?…
HN : D’une manière générale, nos
relations avec l’ensemble de nos frères des pays du Golfe se
sont poursuivies, comme par le passé. En ce qui concerne l’Emir
du Qatar… Celui-ci est le premier dirigeant arabe à être
venu nous rendre visite dans les quartiers Sud de Beyrouth, et
c’est là quelque chose de très important, qui nous touche
beaucoup. C’est quelque chose qui a une valeur [symbolique] énorme,
à nos yeux. Tout dirigeant arabe qui aura le même geste et
viendra nous rendre visite dans la banlieue Sud de Beyrouth,
nous l’accueillerons de la même manière. Cela tient à notre
devoir d’accueillir dignement nos hôtes et d’exprimer toute
notre reconnaissance pour l’honneur qu’ils nous font en
venant nous rendre visite et, cela, sans considération aucune
pour les appréciations politiques que nous pouvons avoir, par
ailleurs.
TS : Pourtant,
ça ne semble pas avoir été le cas, avec un dirigeant
international aussi éminent que Kofi Annan ?
HN : Je pense que l’image de
« parti de fer » que l’on donne du Hezbollah est
peut-être exacte en ce qui concerne l’esprit de discipline de
la plupart des membres de notre parti. Mais, entre nous et la
population de la banlieue Sud de Beyrouth, il n’y a aucune
« discipline de fer » ! Oui, c’est vrai :
les frères qui ont organisé la visite d’Annan dans les
quartiers Sud de Beyrouth ont été surpris par le comportement
de certaines personnes envers le secrétaire général de l’Onu
et la délégation qui l’accompagnait. Vous pourrez, en tous
les cas, re-visionner les archives vidéo, et vous pourrez vérifier
que les personnes agressives qui s’étaient rassemblées là
pour attendre le passage de Kofi Annan n’appartenaient pas au
Hezbollah. C’était de simples citoyens.
TS : Avez-vous,
actuellement, des contacts avec les Egyptiens ?
HN : Nous en aurons peut-être bientôt.
Peut-être les relations redeviendront-elles ce qu’elles étaient,
comme dans le cas de l’ensemble des relations internationales
du Hezbollah… ? Bien sûr, nous n’avons eu aucun
entretien bilatéral avec son Excellence l’ambassadeur égyptien
Hussein Darrar ; mais il a sans doute [sic] rencontré
certains députés du parti [au Parlement libanais] et cela,
plus d’une fois.
TS : En
ce qui concerne les secours arabes ; sont-ils du niveau que
vous escomptiez ?
HN : Avec toute notre gratitude et
toute notre considération pour les pays arabes qui ont annoncé
qu’ils envoyaient ou enverraient des secours au Liban, ce qui
a été annoncé n’est pas à la hauteur de la [légendaire] générosité
arabe, et cela ne couvre pas les besoin du Liban, qui sont
immenses, en matière de reconstruction.
TS : Peut-on
dire que le [très] chiite Hezbollah serait, pour ainsi dire,
devenu le parti chef de file des musulmans sunnites dans la
bataille contre Israël ? Quelle évaluation faites-vous de
l’attitude tant des régimes que des peuples arabes et
musulmans par rapport au conflit ?
HN : Bien sûr, j’ai beaucoup lu ou
entendu, qu’Untel [que je ne nommerai pas…] ou que le
Hezbollah incarnait désormais une avant-garde arabe ou
islamique, ou quelque chose dans ce genre… Je tiens à la précision ;
or, je n’imagine pas que cette expression soit exacte. Oui,
c’est vrai : le Hezbollah (comme votre serviteur) jouit
aujourd’hui d’un grand respect dans les mondes arabe et
musulman, ainsi que d’une grande confiance et d’une grande
crédibilité. C’est là le fruit de notre tenace résistance
[çumûd], de notre victoire, de nos réalisation, et cela tient
également au fait que nous affrontions l’ennemi commun de
tous les Arabes et de tous les musulmans : Israël. En ce
qui me concerne personnellement, je pense que cela ne va pas
plus loin. Quant à l’enthousiasme de certains, et à la
tentative de présenter les choses de façon à pouvoir parler
d’un rôle de leader du Hezbollah au niveau arabe,
d’avant-garde déterminée à diriger le monde arabe et à y
provoquer des changements révolutionnaires, c’est très exagéré,
et telle n’est pas la réalité…
Soit dit entre parenthèses : cela ne
fait qu’augmenter nos problèmes. Le Hezbollah ne se targue
nullement de tout diriger, ni au Liban, ni non plus, a fortiori,
dans l’ensemble du monde arabe. Personnellement, je ne me la
joue pas « grand chef ». Ni au sein du Hezbollah, ni
a fortiori au niveau du monde arabe considéré dans son
ensemble…
TS : Quelles
risquent d’être les répercussions de cet état de fait sur
votre volonté de couper court à tout risque de guerre de
religion entre chiites et sunnites. L’on sait que vous avez énormément
œuvré à ce qu’ils coexistent en bonne intelligence ?
HN : Effectivement, c’est ce qu’il
y a de plus important, en ce qui concerne les possibles conséquences
redoutables, absolument catastrophiques, de cette guerre. Les
points marqués l’emportent grandement sur les sacrifices
endurés ; il ne faut donc pas que le rayonnement de ces
sacrifices courageusement consentis empêche de voir l’ampleur
du succès et de la victoire, qui sont devenus réalité. Et au
premier rang des points acquis, il y a la question des relations
chiito-sunnites. En effet, le projet fondamental [des Américano-sionistes,
ndt], après l’invasion américaine de l’Irak – et c’est
un projet qui continue à menacer ce pays arabe, et à travers
lui toute la nation arabe et toute la communauté musulmane
mondiale [‘ummah] – ce projet fondamental auquel travaillent
d’arrache-pied l’Amérique et Israël, consiste à fomenter
une guerre inter-religieuse – une fitnah – impitoyable et
destructrice, en semant la dissension entre les (musulmans)
sunnites et les (musulmans) chiites.
TS : Passons,
si vous le voulez bien, au dossier de la reconstruction du
Liban. Le président Siniora [il s’agit du premier ministre,
Président du conseil, ndt] explique que le Hezbollah entend que
son intervention se limite – c’est du moins ce qu’il dit
avoir compris – à assurer une allocation correspondant au
montant d’un loyer pendant une durée de dix ans (« seulement »)
à ceux dont le logement a été détruit (ainsi qu’à
l’achat de mobilier), et que ceci signifierait que vous seriez
revenu sur votre engagement initial de vous charger de la
reconstruction intégrale ? La déduction de M. Siniora
est-elle exacte ?
HN : Jamais de la vie ! En aucun
cas ! C’est totalement faux ! Dès le premier jour
du cessez-le-feu, ainsi que le lundi suivant, lors d’une
interview télédiffusée par New TV, en présence de M. Siniora,
j’ai personnellement indiqué – et je le répète ici –
que nous restons fidèles à notre engagement. Nous avons fait
une promesse aux sinistrés, et nous n’avons en aucun cas cessé
d’y être fidèles. Cette promesse, c’est que les sinistrés
retrouveront leur maison et leurs biens tels qu’ils étaient,
et même mieux que ce qu’ils étaient. Nous parlons donc bien
ici d’une véritable reconstruction. Nous avons annoncé
publiquement cet engagement. Après cette annonce, nous avons
indiqué qu’il y aurait plusieurs étapes successives. La
première de ces étapes – l’étape en cours – nous
l’avons appelée ‘l’étape de fourniture de solutions
alternatives provisoires’ – concerne les personnes qui ont
tout perdu : leur domicile et leurs meubles. C’est ce que
nous avons décidé, en ce qui concerne les maisons et immeubles
totalement détruits ou inhabitables, et c’est ce qui a été
effectivement réalisé.
Le principal problème auquel nous sommes
confrontés, c’est naturellement la reconstruction intégrale
des logements totalement détruits [par les bombardements israéliens].
Nous sommes engagés par nos annonces, et nous assurons…
Et puis voilà que l’Etat vient nous dire
que cette tâche relève de ses prérogatives ; et je ne
nie nullement que cela soit bien le cas. Voici ce qui s’est
passé, en réalité – et c’est ce que j’ai expliqué au
cours de ma dernière interview télévisée – : ce
n’est pas nous, qui nous serions adressés au premier ministre
Siniora, pour lui dire que nous aurions été incapables de
reconstruire les immeubles totalement détruits. Cela n’a
absolument pas eu lieu. Nous n’avons jamais dit à Siniora que
nous avions besoin de son aide ! C’est lui qui a pris
l’initiative – ce dont nous le remercions – de demander à
nous rencontrer afin de discuter de ce que nous allions faire au
sujet de la reconstruction afin, nous a-t-il dit, « que je
puisse [c’est Siniora qui parle, ndt] savoir, en tant que
gouvernement, ce que je serai en mesure de proposer et de faire,
en contrepartie. Quand un pays viendra, dans le cadre de
protocoles (qui seront officiellement décidés de manière
bilatérale), se charger de reconstruire [à ses frais, ndt] les
immeubles détruits [dans tel ou tel quartier, ndt], ma mission
s’achèvera là [car elle aura été en grande partie
remplie]. Y a-t-il d’autres domaines dans lesquels je puisse
aider les propriétaires des immeubles [ainsi] reconstruits [grâce
à l’aide internationale, ndt] ? Je suis naturellement à
leur service. »
Quand le gouvernement vient proposer 50
millions de livres libanaises pour reconstruire une unité
d’habitation, que disons-nous ? Nous disons que, par
principe, la famille dont on reconstruira l’habitation, au cas
où la somme offerte par l’Etat suffit, cette habitation sera
reconstruite grâce à l’aide gouvernementale. Et, dans le cas
où l’allocation gouvernementale ne suffit pas, nous nous
sommes engagés à apporter à la famille concernée le supplément
nécessaire pour reconstruire tout ce qui a été démoli, afin
de remettre l’habitation dans son état préalable. C’est là
un engagement absolu, sur lequel il est hors de question que
nous revenions.
TS : Pendant
le conflit, comment s’établissaient les contacts entre les
trois Présidents et tous les autres états majors politiques ?
HN : En ce qui concerne le Président
[de la République libanaise], M. Emile Lahoud, nous étions en
relations constantes, grâce à un intermédiaire. En ce qui
concerne le Président [du Parlement] Nabih Berri, j’ai déjà
indiqué au début de cet entretien qu’il existait entre nous
une coopération, une compréhension et une coordination, ainsi
que des liaisons téléphoniques qui nous permirent de rester
contact vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Avec le Président
[du conseil des ministres], M. Fouad Siniora, nous avons eu
plusieurs modalités de contact ou de dialogue ; soit par
l’intermédiaire des ministres appartenant au parti Hezbollah,
au sein du conseil des ministres et aussi, parfois, nous avons
eu des contacts directs avec le Premier ministre ou avec son
conseiller politique, le frère hajji [= ayant effectué le pèlerinage
à la Mecque, ndt] Hussaïn Khali. Mais ce sur quoi nous nous
mettions d’accord, en fin de compte, c’était sur la
question de savoir la part de reconstruction qui serait réalisée
par le canal de son Excellence le Président [du Parlement]
Nabih Berri, sachant que c’était lui qui était chargé de
l’administration politique de la guerre. Nous avons toujours
été assis ensemble autour de la table du conseil des
ministres, ou bien nous nous sommes parlé dans les coulisses,
entretenant ainsi un dialogue permanent avec le Premier
ministre. Et nous avons veillé, pendant toute la durée de la
guerre, à ce que le gouvernement paraisse [et soit réellement]
uni, fort, cohérent, en dépit que nous consignions nos réserves,
nos observations et nos oppositions sur certains points ou sur
certaines prises de position. Cela fut le cas notamment lors de
la discussion des sept points [en vue d’un cessez-le-feu, ndt] :
d’autres que nous ont admis les sept points à titre de
principes généraux, les détails nécessitant des débats [au
Parlement] et une prise de décision ultérieure en conseil des
ministres. Ainsi, quand la discussion de la résolution [de l’Onu]
1701 a été mise à l’ordre du jour – et alors que nous
avions de sérieux points de désaccord sur certains chapitres
de cette résolution (j’ai déclaré que je la considérais
inique et partiale, et nos réserves à son sujet sont sérieuses,
mais) – nous avons, là encore, veillé à l’unité de la
position gouvernementale et nationale et nous avons dit que
cette résolution avait été entérinée à l’unanimité,
[mais] avec certaines réserves.
TS : Quid
de vos relations avec Walid Jumblat ?
HN : Pendant la guerre, nous n’avons
pas eu de contact direct avec Monsieur le Député Walid Junblat.
Comme vous le savez sans doute, depuis la crise des communiqués
et des prises de position précédentes, il n’y avait plus de
contacts réciproques entre lui et moi ; nous nous
rencontrions seulement dans le cadre des tables rondes du débat
national. Mais, en-dehors de ces séances, il n’existait aucun
contact entre nous, et cette situation a prévalu durant toute
la durée des trente-cinq jours du conflit. Les premiers jours
de la guerre, il a pris certaines positions positives. J’ai
personnellement demandé au frère Nawwâf al-Mûsâwî
d’entrer en contact avec le ministre [druze, ndt] de l’Information,
le frère Ghâzî al-Uraïdhi, afin qu’il transmette au
ministre Junblat nos remerciements pour les positions qu’il
avait alors adoptées et exprimées. Mais jusqu’ici, les
choses ne sont pas allées jusqu’à la restauration des
relations normales qui existaient entre nous jusqu’à il y a,
de cela, environ, un an…
TS : Y
a-t-il actuellement des tentatives de renouer ce contact ?
HN : En ce qui nous concerne, nous
n’avons jamais fermé la porte du dialogue. Je vous dis, en
toute sincérité, que, tant d’une manière médiatisée que
non-médiatisée, c’est-à-dire, y compris, dans les
coulisses, lorsqu’on nous proposait, parfois (souvent à
l’initiative d’amis communs) de reprendre ces contacts et
cette relation, nous n’avons jamais formulé la moindre
objection. Et, un jour, je l’ai dit, lors d’une interview à
la télévision. Et j’ai ajouté que ce n’était
fondamentalement pas nous qui avions coupé les ponts avec
Junblat, en dépit de la position très ferme que nous avions
publiée en réplique à la manière dont il venait de qualifier
l’armement de la résistance. Nous avions répondu quant à
nous que nous ne souhaitions boycotter personne. Notre politique
n’est pas de boycotter qui que ce soit au Liban, même si nous
avons pu avoir de très importantes divergences politiques avec
lui, ajoutant que nous étions prêts à rétablir le contact et
à dialoguer. Monsieur Walid Junblat nous a fait répondre
qu’il n’accepterait de nous rencontrer que dans le seul
cadre du conseil des ministres… C’est donc clair : nous
n’avons, pour ce qui nous concerne, jamais cherché à
ostraciser quiconque, et en particulier par M. Junblat.
TS : Vous
avez été accusé d’ouvrir la porte, en revanche, aux
tiraillements politiques internes lors du débat sur un
gouvernement d’union nationale, en liaison avec
l’application des accords de Taëf ?…
HN : En vérité, je n’avais
nullement l’intention d’ouvrir une quelconque controverse
politique interne… J’ai répondu à certaines questions posées
par le ministre Walid Junblat au cours d’une conférence de
presse qu’il avait organisée. J’ai considéré qu’en
grande partie, ces questions étaient dépassées, qu’elles
appartenaient au passé, qu’il y avait reçu des réponses,
soit directement de ma part, soit autour de la table ronde du débat
national. Mais la question centrale que Junblat a posée,
c’est une question clé, si je puis m’exprimer ainsi. Une
question clé, en ce sens que cette question en ouvre beaucoup
d’autres. C’est une question relative à l’accord de Taëf,
cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Et si vous voulez
mettre sérieusement en application les accords de Taëf, alors,
d’accord : commençons par considérer que le premier
point, le point essentiel, qui conditionne la mise en
application effective de Taëf, c’est la formation d’un
gouvernement d’union nationale, comme cela est stipulé
expressément dans le texte de cet accord lui-même…
TS : …
mais eux, ils ont répondu en disant que cela ne s’imposait
qu’au premier gouvernement libanais formé après la signature
de Taëf, n’est-ce pas… ?
HN : Exactement ! Jusqu’à présent,
ils disaient (je parle ici de la majorité des Forces du 14 mars
[la « Révolution du Cèdre » hi-hi-hi… ndt]) deux
choses : primo, le gouvernement d’union et de concorde
nationales stipulé par l’accord de Taëf n’a jamais existé,
tout au long des seize années écoulées depuis la signature
dudit accord, et ils attribuent cet état de fait à la période
de la « tutelle syrienne » sur le Liban, comme ils
disent ; et, secundo, que la plupart des attendus des
accords de Taëf n’ont jamais été appliqués jusqu’à présent.
Alors ? N’est-ce pas génial, si
nous, nous disons que ce gouvernement n’a pas été formé et
que l’accord n’a pas été mis en application dans la
plupart de ses articles et que c’est précisément ce que nous
voulons faire, et tout de suite ? ! ?
Le préalable naturel, comme le prévoit
l’accord de Taëf, pour mettre en application ce qui ne l’a
pas été, c’est la formation d’un gouvernement d’union
nationale. Ce n’est là en rien une hérésie politique ;
c’est, au contraire, une volonté de croire en notre pays et
de veiller politiquement à sa sauvegarde !
Permettez-moi [pour conclure] de réaffirmer
que ce qui a mis fin à la guerre, c’est le fait que les Israéliens
redoutaient de s’acheminer vers une catastrophe militaire au
cas où ils auraient poursuivi leur offensive terrestre ;
c’est le fait que l’horizon se soit refermé devant eux et
qu’ils n’ont connu qu’échec après échec après échec…
Le Liban doit s’apprêter aujourd’hui
à faire face à de grands défis, à des défis redoutables,
lourds de dangers. Alors, dites-moi : si nous entreprenons
d’augmenter la force de notre pays et son inviolabilité, en
procédant à la formation d’un gouvernement d’union
nationale : nous sommes perdants, ou bien nous sommes
gagnants ? Si un gouvernement réussit à réaliser
certaines avancées, cela signifie-t-il qu’il faille se priver
de la possibilité de renforcer notre pays politiquement, en
faisant participer [au gouvernement] ceux qui en avaient été
exclus à un moment donné ? Si les possibilités de former
un gouvernement d’union nationale sont réunies, permettant de
faire face aux défis énormes à venir prochainement, pour le
Liban, qu’est-ce qui nous empêche de le faire ?
La logique que je viens d’exposer est une
logique de raison et de prudence. Ce n’est en aucun cas une
logique de rouerie politique, car cela n’est absolument pas
dans ma manière de raisonner.
J’ai dit : « Vous voulez
appliquer l’accord de Taëf et bâtir l’Etat libanais ?
Le préalable naturel, pour ce faire, c’est la formation
d’un gouvernement d’union nationale… Bien. Alors :
allons-y ! Formons ce gouvernement d’union nationale, et
ne perdons pas notre temps à répliquer à ce verbiage
politico-juridico-constitutionnel unanimiste, qui tient
tellement à son discours du type : « Cousez, mais
pas avec cette alêne ! »… »
D’ailleurs, pourriez-vous avoir
l’amabilité de me dire quelle autre alêne ils souhaiteraient
nous voir employer ?
Traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala,
le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es).
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