Opinion
Bachar el-Assad a
déjà gagné
Samer R.
Zoughaib
Mardi 22 janvier
2013
Les
prévisions sur la chute imminente du
régime syrien et les annonces
fracassantes sur l'effondrement dans
"quelques jours ou semaines" du pouvoir
damascène ont complètement disparu de la
littérature occidentale. Dans les
chancelleries, les salles de rédaction
et les Think Tank en Occident, on entend
de plus en plus murmurer que Bachar el-Assad
ne tombera pas. Dans les capitales qui
soutiennent le régime syrien depuis le
début de la crise, on affirme carrément
que le président syrien a déjà gagné la
guerre. Cela ne signifie pas que les
combats vont cesser du jour au
lendemain, ils pourraient se poursuivre
pendant des mois, voire plus. Mais
l'objectif initial qui était de
renverser le président Assad n'a pas été
atteint... et ne le sera pas.
Force est de constater que près de deux
ans après le début des troubles, Bachar
el-Assad est toujours là, dans sa
capitale, qu'il n'a jamais quitté,
contrairement aux rumeurs répandues dans
le cadre de la guerre psychologique. Des
visiteurs libanais qui l'ont rencontré
en fin de semaine dernière au palais
présidentiel décrivent un homme
"confiant dans son armée et son peuple",
sûr de "la victoire de l'Etat sur les
terroristes", et déterminé à lutter
jusqu'au bout pour préserver l'unité, la
souveraineté et l'indépendance de son
pays.
L'assurance de M. Assad est confortée
par une série d'indices révélateurs, qui
n'échappent pas aux analystes alertes et
aux experts chevronnés. Ces facteurs
sont d'ordre militaire, politique,
populaire et économique.
Une armée
populaire
Sur le plan militaire, l'armée est
restée soudée derrière son chef et
fidèle à son idéologie. En dépit des
moyens financiers, de renseignement et
psychologiques colossaux déployés, le
nombre de défections d'officiers est
modeste, de l'aveu même des spécialistes
occidentaux. L'armée a modifié sa
stratégie, qui consiste désormais à ne
plus s'accrocher au terrain lorsque les
enjeux militaires sont limités ou
carrément insignifiants. Elle tient en
revanche toutes les grandes villes, les
nœuds de transport et les sites
stratégiques et névralgiques, soit plus
de 70% du territoire. Elle a adapté ses
tactiques pour faire face à une guérilla
urbaine, ce qui lui a permis de
repousser des offensives menées parfois
par des milliers de rebelles bien armés
et entrainés et disposant d'un matériel
de communication sophistiqué, livré par
les Occidentaux. Les vastes offensives
des rebelles, à travers lesquelles ils
espéraient inverser les rapports de
forces à Alep et à Damas, se sont
soldées par des échecs, laissant sur le
terrain des milliers d'hommes.
La situation
militaire s'est améliorée davantage avec
la création d'une force populaire de
60000 hommes, appelée Armée de défense
nationale, dont l'entrainement est
terminé. Un autre contingent de 60000
hommes est en passe d'achever son
entrainement. Le directeur de
l'Observatoire syrien des droits de
l'Homme (OSDH, opposition) Rami Abdel
Rahmane, a reconnu que cette armée
"regroupe les Comités populaires, des
civils favorables au régime qui ont pris
les armes dans leurs quartiers pour
empêcher les rebelles de l'Armée
syrienne libre (ASL) d'y pénétrer".
Beaucoup d'éléments de cette nouvelle
formation sont membres ou sympathisants
du parti Baas au pouvoir, femmes et
hommes de toutes confessions, a-t-il
expliqué à l'AFP.
Vendredi 21 janvier, le site de Russia
Today, citant un officier syrien, a
indiqué que cette nouvelle force
"défendra les quartiers contre les
hommes armés afin de permettre aux
troupes régulières de se consacrer aux
combats".
Hadi Abdallah, un militant anti-régime à
Qoussair, a indiqué à l'AFP que l'Armée
de défense nationale est déjà active
dans la province de Homs. "Le nombre des
combattants du régime a augmenté ces
derniers jours, alors que l'Armée de
défense nationale est entrée en action",
a-t-il dit.
Les troupes loyalistes sont en passe de
sécuriser la campagne de Damas et la
province de Homs dans un proche avenir,
repoussant les groupes armés loin de la
capitale et des grandes villes de la
région.
A Hama, l'offensive rebelle annoncée
avec fracas n'a pas pu se développer. A
Daraa, seules quelques poches
subsistent, notamment à Bosra el-Harir.
La Jordanie, effrayée par la montée en
puissance des mouvements extrémistes à
sa frontière nord, avec les risques que
cela comporte pour la stabilité du
royaume, ne s'est pas impliquée dans le
trafic d'armes et de combattants via sa
frontière, à l'instar de la Turquie. Au
contraire, Amman a renforcé son contrôle
et arrête les extrémistes qui vont se
battre en Syrie.
Ce n'est pas le cas de la Turquie, qui
constitue la principale base
d'entrainement et de repli pour les
groupes armés, ce qui rend la situation
dans le nord syrien plus difficile. Mais
malgré la proximité de la frontière
turque, les grandes villes, comme Idleb,
Raqqa et la majeure partie d'Alep
restent sous le contrôle de l'armée. De
plus, les Kurdes ont choisi d'affronter
les rebelles partout là où ils se
trouvent, pour les empêcher d'occuper
leurs régions.
Sur le plan populaire, les exactions
commises par les rebelles et les
extrémistes ont provoqué l'exaspération
de la population qui appelle de ses vœux
au retour du calme, de la paix et de la
discipline, que seul l'Etat peut leur
procurer. A Alep, les habitants
manifestent toutes les semaines pour
réclamer le retrait des miliciens de
leurs quartiers. Ailleurs, il n'est plus
rare de voir des civils coopérer avec
l'armée et les services de sécurité pour
traquer les terroristes. Ce changement
d'humeur populaire, Bachar el-Assad l'a
mentionné devant ses visiteurs et estime
qu'il s'agit d'un développement capital
dans la guerre contre le terrorisme.
De solides
alliances
Sur le plan politique et diplomatique,
la vigilance russe empêche l'Occident
d'instrumentaliser les Nations unies
pour lancer une guerre contre la Syrie
ou instaurer des sanctions
internationales, comme ce fut le cas
pour l'Irak de Saddam Hussein.
La Russie et l'Iran fournissent
également une aide économique et des
facilités financières, qui permettent à
certains pans de l'économie syrienne de
continuer à fonctionner au ralenti.
Tous ces facteurs, surtout la résistance
militaire et politique du régime, ont
découragé les Etats-Unis, qui se sont
résignés à commencer une longue
négociation avec la Russie pour tenter
de trouver une solution politique à la
crise, surtout que la montée en
puissance des qaïdistes du Front al-Nosra
commence à inquiéter Washington.
La baisse de l'enthousiasme de
l'Amérique s'est naturellement traduit
par un refroidissement de l'engagement
de l'Arabie saoudite, qui aurait fermé
les robinets. Cela expliquerait les
plaintes des rebelles syriens qui
affirment manquer de financement.
Seul le Qatar et la France campent sur
leur position. Mais ce qu'une coalition
arabo-internationale menée par les
Etats-Unis n'a pas réussi à faire, ces
deux pays ne parviendront certainement
pas à le réaliser.
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