Opinion
L'unification
monétaire à Cuba
doit résoudre le problème des inégalités
Salim Lamrani
Samedi 26 octobre 2013
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
La Havane vient d’annoncer la
suppression prochaine de la double
monnaie à Cuba, afin de réduire les
inégalités et les distorsions
économiques.
En 1993, face à la grave crise
économique qui a frappé l’île suite à la
désintégration de l’Union soviétique,
les autorités de La Havane ont décidé de
légaliser la circulation du dollar
étasunien dans le pays. Il fallait
trouver les devises indispensables au
fonctionnement de l’économie et du
commerce et subvenir aux besoins de la
population, notamment dans le secteur
alimentaire. Deux monnaies circulaient
ainsi dans le pays : le dollar et le
peso cubain (CUP).
En 1994, en plus du peso cubain et du
dollar, le peso convertible (CUC) a été
introduit dans l’île par la Banque
centrale avec une valeur égale au
dollar, faisant de Cuba le seul pays au
monde à imprimer une double monnaie. Le
CUC est notamment utilisé dans le
secteur du tourisme et pour acquérir des
produits d’importation. De 1994 à 2004,
il y eut ainsi trois monnaies en
circulation à Cuba, jusqu’à la
disparition du dollar en 2004, suite aux
nouvelles sanctions économiques imposées
par l’administration Bush. Désormais, le
peso cubain côtoie le peso convertible
avec une différence de valeur notable :
il faut 25 CUP pour obtenir 1 CUC.
Cette double monnaie est donc source
d’inégalité au sein de la nation dans la
mesure où l’immense majorité de la
population active reçoit son salaire en
CUP. Une petite catégorie de Cubains,
notamment les employés de l’industrie
touristique et ceux qui reçoivent une
aide familiale de l’étranger, ont accès
au CUC. Cette dualité monétaire a eu
pour conséquence d’amener un nombre
substantiel de personnel qualifié –
universitaires, médecins, architectes,
ingénieurs – à abandonner leur
profession initiale au profit d’une
activité plus lucrative tel que
chauffeur de taxi, serveur ou portier
dans un hôtel.
Par ailleurs, la comptabilité
nationale est bouleversée par ce système
de double monnaie, qui cause de
nombreuses distorsions rendant
compliquée toute mesure économique. Cela
a un impact direct sur la politique
économique mise en place par l’Etat et
nuit gravement au développement du pays.
Le Président Raúl Castro, conscient
de cette réalité, a décidé d’agir en
conséquence. Selon lui, « le phénomène
de la dualité monétaire constitue l’un
des obstacles les plus importants au
progrès de la nation ». Il a donc fixé
comme objectif aux principaux
économistes cubains de mettre en place
une stratégie économique et financière
afin d’arriver à une unification
monétaire dans les plus brefs délais.
Le 22 octobre 2013, conformément au
projet d’actualisation du modèle
économique adopté en avril 2011 par le
VI Congrès du Parti Communiste Cubain,
le gouvernement de La Havane a annoncé
le lancement du processus d’unification
monétaire. Les autorités n’ont pas pour
autant indiqué les modalités précises de
ce changement ni fourni de délai. Ces
changements concerneront dans un premier
temps les entreprises et les
institutions, avant de s’étendre ensuite
à tout le pays.
Le caractère parcimonieux des
informations fournies par les autorités
cubaines s’explique par la complexité du
processus d’unification monétaire. Pour
pouvoir harmoniser les salaires à la
hausse, il est indispensable d’augmenter
à la fois la productivité et la
production. Il faut également élaborer
une stratégie de substitution des
importations, notamment dans le domaine
alimentaire, dans un pays dépendant à
80% des matières premières agricoles
produites à l’étranger.
Si l’unification monétaire se réalise
dans de bonnes conditions, à savoir
accompagnée d’une amélioration de la
production, de la productivité et des
salaires, il sera possible d’éliminer la
source d’inégalité que représente la
dualité CUP/CUC. Elle mettra également
un terme aux nombreuses distorsions
d’ordre économique engendrées par une
double comptabilité. Mais à l’évidence,
cette réforme monétaire ne sera pas
facile à réaliser.
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de
conférences à l’Université de La
Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage
s’intitule
Cuba. Les médias face au défi de
l’impartialité, Paris, Editions
Estrella, 2013 et comporte une préface
d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
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