Opinion
La France choisit
la voie de l'austérité
Salim Lamrani
© Salim
Lamrani
Mardi 18 décembre
2012
Opera Mundi
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Malgré l’élection du socialiste François
Hollande à la présidence de la
République, la France, loin de rompre
avec le modèle néolibéral qui a conduit
une grande partie de l’Europe au
désastre, a choisi la voie de
l’austérité.
Les politiques d’austérité
préconisées par l’Union européenne –
l’Allemagne d’Angela Merkel en tête –,
le Fond monétaire international et la
Banque centrale européenne mènent à
l’impasse. Elles sont politiquement
impopulaires, économiquement inefficaces
et socialement désastreuses. Partout où
elles ont été appliquées, que ce soit en
Grèce, en Irlande, en Italie, au
Portugal ou en Espagne, – sans aucune
exception –, elles se sont soldées par
un échec, avec une hausse de la pauvreté
et du chômage, une hausse de la dette
publique, un démantèlement de l’Etat
providence avec la destruction des
services publics et une baisse drastique
des revenus de l’Etat.
L’élection de François Hollande à
la présidence de la République en mai
2012 a suscité un certain espoir chez
les citoyens français d’une alternative
aux politiques d’austérité. Mais loin
d’augmenter le salaire minimum de
manière significative et de stimuler
l’investissement public – mesures qui
auraient permis de relancer la
croissance économique –, le gouvernement
du Premier ministre Jean-Marc Ayrault
s’est évertué à appliquer des recettes
qui ont démontré leur inefficacité à
travers toute l’Europe, avec l’adoption
du « pacte pour la compétitivité »,
recommandé par le rapport Gallois[1].
Le « pacte pour la compétitivité » du
rapport Gallois
Le gouvernement a en effet décidé
d’appliquer les mesures préconisées par
Louis Gallois, commissaire général à
l’investissement, qui permettront, selon
lui, d’améliorer la compétitivité des
entreprises françaises au niveau
international, relancer l’économie et
créer de l’emploi. Le président Hollande
a donc choisi d’alléger la fiscalité des
entreprises par le biais d’un crédit
d’impôt de 20 milliards d’euros[2].
Pour ce faire, l’Elysée a adopté
deux mesures. Dans un premier temps, les
dépenses publiques seront réduites de 10
milliards d’euros. Cela signifie que les
services publics mis à disposition des
citoyens français se verront fortement
affectés, avec un impact direct sur la
qualité de vie de la population la plus
fragile[3].
La seconde mesure est la plus
impopulaire puisque François Hollande a
décidé d’augmenter la TVA, revenant
ainsi sur sa promesse de campagne. En
effet, l’ancien président Nicolas
Sarkozy avait fait adopter une hausse de
la TVA avec une augmentation des
différents taux : le taux intermédiaire
était passé de 5% à 7% et le taux
général avait été augmenté de 19,6% à
21,4%. Cela représentait une hausse de
la TVA de 10,6 milliards d’euros pour
les citoyens. L’une des premières
mesures prises par la nouvelle Assemblée
nationale a été de supprimer cette
hausse de la TVA en juillet 2012[4].
Or, trois mois plus tard, le
gouvernement socialiste est revenu sur
cette décision en relevant les
principaux taux de TVA. Ainsi, à partir
du 1er janvier 2014, le taux
général passera de 19,6% à 20% et le
taux intermédiaire de 7% à 10%. Seul le
taux le plus bas a été abaissé de 5,5% à
5%. Ces mesures représentent une hausse
des impôts pour les Français de 7
milliards d’euros et affecteront tout
particulièrement les catégories
populaires. En effet, cette nouvelle TVA
représente une perte de pouvoir d’achat
de 260 euros par personne et par an,
c’est-à-dire 25% du salaire minimum
mensuel[5].
La hausse de la TVA (+3% pour des
produits aussi nécessaires que le gaz,
l’électricité, les transports, les
livres ou les médicaments non remboursés
par la sécurité sociale) entraînera
inévitablement une réduction de
l’activité économique. En effet, la
perte du pouvoir d’achat des ménages se
traduira automatiquement par une baisse
de la consommation, donc une diminution
de la production. Celle-ci conduira à
une augmentation du chômage, et par
conséquent par une baisse des recettes
fiscales pour l’Etat et une hausse des
dépenses liées aux allocations à verser
aux personnes sans emploi.
Par ailleurs, ce plan n’est destiné qu’à
stimuler 20% de l’économie du pays. En
effet, en France, la production à
l’exportation ne représente qu’ 1/5 de
la richesse produite. 80% de la
production du pays est destiné à l’usage
national et s’en trouvera affectée par
la hausse de la TVA[6].
Selon le gouvernement, ce cadeau
fiscal de 20 milliards d’euros offert
aux grandes entreprises permettra
potentiellement de créer 300 000 emplois
en France d’ici 2017. Cependant, il n’y
a aucune certitude à ce sujet[7].
Par ailleurs, cette affirmation se
trouve rapidement en contradiction avec
la logique économique. En effet, en
admettant que le nombre soit exact, cela
revient à chiffrer à 67 000€ le coût
d’un emploi créé. Or, la création d’un
poste de professeur, d’infirmière,
d’assistante sociale ou d’attaché
culturel dans la fonction publique coûte
40 000€ annuels à la nation. Ainsi, si
l’Etat avait alloué ces 20 milliards
d’euros à la fonction publique, 500 000
emplois de qualité auraient pu être
créés de manière sûre, c’est-à-dire
200 000 de plus, et auraient grandement
contribué à l’amélioration des services
publics et du bien-être des citoyens.
Les mesures prises par le
président François Hollande et le
gouvernement de Jean-Marc Ayrault
constituent un contresens économique et
sont vouées à l’échec. Elles
s’inscrivent dans la droite ligne des
politiques d’austérité appliquées
partout en Europe qui ont conduit les
populations les plus vulnérables au
désastre.
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
Sorbonne-Paris IV, Salim Lamrani est
Maître de conférences à l’Université de
la Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son dernier ouvrage s’intitule
État de siège. Les sanctions économiques
des Etats-Unis contre Cuba, Paris,
Éditions Estrella, 2011 (prologue de
Wayne S. Smith et préface de Paul
Estrade).
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[7]
Les Echos,
« Jean-Marc Ayrault : ‘Le crédit
d’impôt devrait créer plus de
300 000 emplois d’ici 2017 », 6
novembre 2012.
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