Venezuela
Globovisión ou
l’incitation à l’insurrection
Salim Lamrani
4 juillet 2007
La chaîne de télévision privée vénézuélienne Globovisión,
opposée au gouvernement démocratique d’Hugo Chávez, est
gravement impliquée dans une tentative de déstabilisation de la
société. Profitant du non renouvellement de la concession de la
chaîne RCTV le 27 mai 2007, Globovisión a lancé
des appels implicites à l’insurrection qui ont débouché sur
des actes de violence relativement graves dans les rues de
Caracas. La chaîne, qui avait déjà activement participé au
coup d’Etat du 11 avril 2002, incite désormais la population à
la sédition1.
Les protestations étudiantes qui ont suivi l’affaire RCTV
ont été promues par les présentateurs de Globvisión. Le
journaliste du Canal 8, Ernesto Villegas, a souligné que
les programmes de la chaîne incriminée n’ont pas constitué « une
couverture » des évènements mais « une
convocation » à manifester. Globovisión a en
effet fermement condamné la décision, pourtant légale et légitime,
prise par les autorités vénézuéliennes et l’a présentée
comme étant une violation de la liberté d’expression2.
Plus grave encore, Globovisión s’est rendue
coupable d’incitation à l’assassinat du président Chávez en
manipulant des images et en lançant des messages subliminaux.
Lors de la diffusion du programme Aló, Ciudadano, où une
interview de Marcel Granier, directeur de RCTV, était
diffusée, la chaîne a montré simultanément les images de
l’attentat contre le Pape Jean-Paul II survenu en mai 1981. Le
fond musical qui accompagnait ces images était une chanson de
Ruben Blades intitulé « Ce n’est pas fini » (« Esto
no termina aquí »)3.
Le
ministre de la Communication et de l’information, William Lara,
a immédiatement condamné cette conspiration. « Cette
chaîne de télévision, dans ce fragment spécifique de son
programme, s’est rendue coupable du délit d’incitation à
l’assassinat, en la personne du chef d’Etat vénézuélien »,
a-t-il dénoncé. Pour lui, l’objectif était clair. En effet,
Globovisión n’a pas su expliquer pourquoi elle avait diffusé
des images de l’attentat dans un programme traitant du non
renouvellement de la concession de RCTV4.
Plusieurs experts en sémiotique ont été catégoriques à ce
sujet : « On incite à l’assassinat du Président5 ».
Les
journalistes de Globovisión ainsi que les présentateurs
de la chaîne ont également multiplié les expressions
diffamatrices à l’égard du gouvernement en utilisant les
termes « dictature » et « tyrannie »,
afin de justifier les appels à la désobéissance civile et les
actes de violence. Le cas RCTV est selon eux une preuve du « totalitarisme
et des pratiques dictatoriales » de Chávez. Ces
expressions ont été inlassablement réitérées6.
Manipulation médiatique
William
Lara a également fustigé la chaîne étasunienne CNN qui
avait manipulé la réalité qui faisait croire aux téléspectateurs
qu’elle couvrait les manifestations d’étudiants au Venezuela,
mais qui utilisait en réalité des images d’une manifestation
survenue à Acapulco au Mexique suite à l’assassinat d’un
journaliste. « La violation de l’éthique
journalistique et le mensonge ouvert ont atteint un extrême »,
a-t-il déclaré, ajoutant qu’il était inacceptable de « légitimer
le mensonge pour faire de la propagande contre un pays7 ».
Le 28 mai 2007, le ministre Lara a porté plainte contre Globovisión
et la CNN. En effet, ces deux chaînes avaient montré
sur le même écran Hugo Chávez et un supposé leader d’Al
Qaeda, dans le but évident d’associer le président vénézuélien
au terrorisme et à la violence. Ces mêmes images ont été
diffusées par CNN en Español et démontrent qu’il
s’agissait d’une campagne minutieusement préparée afin de délégitimer
le locataire du Palais Miraflores aux yeux de l’opinion publique
internationale. En effet, pourquoi montrer sur le même écran
l’image d’un supposé terroriste et celle d’un président démocratiquement
élu, si ce n’est pour assouvir des intentions malveillantes8 ?
Le ministre Lara, répondant aux attaques de Globovisión,
a rappelé que durant les huit années de présidence de Chávez,
les deux seuls cas de fermeture de médias avaient été le fait
de l’opposition lors du sanglant coup d’Etat de 2002. En
effet, suite à la rupture de l’ordre constitutionnel orchestrée
par le dictateur Pedro Carmona, l’ancien gouverneur de l’Etat
Miranda, Enrique Cardoso et Alfredo Peña, alors maire de Caracas
–tous deux impliqués dans le renversement du président –
avaient respectivement ordonné l’interruption de la chaîne
publique Venezolana de Televisión et de la chaîne
communautaire Catia TV. Pour ce qui est de RCTV,
Lara a souligné qu’il s’agissait de la fin d’une concession
et non d’un cas de fermeture, ajoutant que la chaîne pouvait
continuer à émettre via le câble ou le satellite9.
Le gouverneur de l’Etat de Zulia, Manuel Rosales, ancien
candidat à la présidence de la République, qui a été
largement battu par Chávez en décembre 2006, a également lancé
des appels à la rébellion. Il s’est réjoui de la couverture médiatique
réalisée par Globovisión. Il a condamné la création de
médias communautaires et alternatifs qui représentent une sérieuse
menace contre le monopole médiatique détenu par l’oligarchie
du pays. Il a également stigmatisé les « eunuques »
de l’Assemblée nationale, en référence aux parlementaires. La
position de Rosales n’est guère surprenante. En effet, ce
dernier avait participé au coup d’Etat de 2002, en signant le décret
qui nommait le putschiste Pedro Carmona nouveau Président de la République10.
Réaction
populaire
Le président Chávez s’est adressé à la nation, la
mettant en garde contre cette nouvelle tentative de déstabilisation
de la part d’une opposition qui refuse d’admettre qu’elle a
perdu le contrôle politique du pays, rejetant le suffrage
populaire et démocratique. Il a dénoncé les violences survenues
devant le siège de la Commission nationale des télécommunications
(Conatel). « La seule chose qu’ils recherchent, c’est
de faire des morts », a-t-il averti11. Il a
également lancé un appel aux étudiants les invitant à ne pas
se laisser abuser par la manipulation médiatique12.
L’avertissement de Chávez a eu un impact retentissant.
Le 2 juin 2007, une immense manifestation de soutien au
gouvernement a eu lieu des les rues de Caracas. A cette occasion,
le président a affirmé que « chaque plan déstabilisateur
de l’oligarchie vénézuélienne […] sera suivi par une
nouvelle offensive révolutionnaire ». Il a appelé le
peuple à « investir les rues » afin de dénoncer
les manigances antidémocratiques de l’opposition. Faisant
clairement référence aux Etats-Unis, il a annoncé que le
Venezuela n’accepterait aucune ingérence dans ses affaires
internes. Il a également salué la naissance de la nouvelle chaîne
publique TVes, « libérée de l’oligarchie ».
Les médias ont été mis face à leurs responsabilités :
tout délit de leur part sera sanctionné par la loi13.
L’ancien vice-président, José Vicente Rangel, a salué
la marche populaire comme étant « la réponse à la
politique déstabilisatrice, putschiste et terroriste »
de l’opposition. « Il n’y a pas de pays au monde où
il y a plus de liberté d’expression. Ici, on insulte, on
agresse, on conspire, on diffame le gouvernement et le président
Hugo Chávez et il ne se passe absolument rien »,
remarquait-il14.
Les manigances
de Reporters sans frontières
L’organisation française Reporters sans frontières (RSF)
est partie prenante de cette manipulation médiatique
internationale autour du cas RCTV. Elle continue de parler
de « fermeture » de la chaîne alors qu’il
s’agit simplement d’un non renouvellement de concession. RSF a
également pris la défense de Globovisión et a même
accusé le gouvernement de s’attaquer à « la seule chaîne
privée d’opposition », oubliant sans doute que Televen
et Venevisión sont
également des chaînes privées d’opposition parmi tant
d’autres. Mais l’entité dirigée par Robert Ménard n’en
est pas à un mensonge près15.
« Hugo Chávez fait preuve de paranoïa et
d’intolérance », assène RSF, qui récuse
l’existence d’un plan de déstabilisation orchestrée par Globovisión.
L’hypocrisie de Ménard dépasse toutes les limites. Quelle
nation de la planète accepterait que l’on lance des appels à
la révolte au nom de la « liberté d’expression » ?
En France, comme dans n’importe quel pays du monde, Globovisión
aurait déjà cessé d’émettre et ses dirigeants seraient
entre les mains de la justice. RSF voudrait-elle faire croire que
si la chaîne privée TF1 lançait des appels à l’insurrection,
comparait le président français Nicolas Sarkozy à un terroriste
d’Al Qaeda, diffusait des messages subliminaux appelant à
l’assassinat du locataire du Palais de l’Elysée, elle s’en
tirerait sans aucun dommage16 ?
Pour RSF, le non renouvellement de la concession de RCTV
« est une grave atteinte à la liberté d’expression »
et elle a lancé un appel à « la communauté
internationale » qui est resté sans réponse17.
José Miguel Insulza, secrétaire général de l’Organisation
des Etats américains (OEA) a rejeté la demande de Washington et
a refusé d’étudier le cas RCTV lors de la 37ème
réunion de l’organisme qui s’est déroulée du 3 au 5 juin
2007 à Panama18. L’oligarchie vénézuélienne et
les Etats-Unis, amplement soutenus par la presse mondiale, tentent
de transformer une décision ordinaire en une atteinte au
pluralisme. RSF, financée par les Etats-Unis, défend bien évidemment
les intérêts de ses généreux mécènes. Quant à Globovisión
qui viole les principes les plus élémentaires de l’éthique
journalistique, il ne faudra pas qu’elle s’étonne si elle
subit les rigueurs de la loi vénézuélienne.
Notes
1
Agencia Bolivaria de Noticias, « Periodistas
coinciden en que Globovisión es promotor de protestas de oposición »,
29 mai 2007.
2
Ibid.
3
Agencia Bolivaria de Noticias, « Ministro Lara
denunció que medios de oposición incitan a magnicidio »,
27 mai 2007.
4
Ibid.
5
Agencia Bolivaria de Noticias, « CNN miente sobre
Venezuela y Globovisión incita al magnicidio », 28 mai
2007.
6
Agencia Bolivaria de Noticias, « Globovisión continúa
con la instigación a la desestabilización », 29 mai 2007.
7
Agencia Bolivaria de Noticias, « Ministro Lara
denunció que medios de oposición incitan a magnicidio », op.
cit.
8
Agencia Bolivaria de Noticias, « CNN miente sobre
Venezuela y Globovisión incita al magnicidio », op. cit.
9
Agencia Bolivaria de Noticias, « Oposición es la única
que ha cerrado medios de comunicación en Venezuela », 27
mai 2007.
10
Agencia Bolivaria de Noticias, « Rosales afianza
propuestas de sectores más violentos del país », 30 mai
2007.
11
Agencia Bolivaria de Noticias, « Chávez llamó al
pueblo a estar alerta ante plan desestabilizador », 29 mai
2007.
12
Agencia Bolivaria de Noticias, « Chávez instó a
universitarios a tomar conciencia sobre manipulación mediática »,
2 juin 2007.
13
Agencia Bolivaria de Noticias, « Pueblo y Gobierno
responderán juntos a planes desestabilizadores », 2 juin
2007.
14
Agencia Bolivaria de Noticias, « Golpistas están
derrotados porque el pueblo salió a la calle », 2 juin
2007.
15
Reporters sans frontières, « Après la fermeture de
RCTV, Hugo Chávez s’attaque à Globovisión, seule chaîne privée
d’opposition », 31 mai 2007. http://www.rsf.org/article.php3?id_article=22363
(site consulté le 2 juin 2007).
16
Ibid.
17
Reporters sans frontières, « Reporters sans frontières
appelle à la mobilisation internationale après la fermeture de
RCTV », 28 mai 2007. http://www.rsf.org/article.php3?id_article=22323
(site consulté le 2 juin
2007).
18
Agencia Bolivaria de Noticias, « Insulza descartó
que caso RCTV sea abordado en asamblea de la OEA », 2 juin
2007.
Salim
Lamrani est enseignant, écrivain et journaliste français, spécialiste
des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il a notamment publié
Washington contre Cuba (Pantin : Le Temps des Cerises,
2005), Cuba face à l’Empire (Genève : Timeli,
2006) et Fidel Castro, Cuba et les Etats-Unis (Pantin :
Le Temps des Cerises, 2006).
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