Venezuela
Reporters sans frontières contre la
démocratie Vénézuélienne
Salim Lamrani
Salim Lamrani
Jeudi 2 juillet 2009
Reporters sans frontières (RSF) persiste et signe. Le 23
juin 2009, moins d’un mois après avoir rendu public son soutien
à la chaîne de télévision putschiste
Globovisión en
répandant de nombreuses contrevérités sur la réalité
vénézuélienne, l’association française tente de nouveau de
tromper l’opinion publique à ce sujet1.
RSF « redoute à
brève échéance l’annulation de la fréquence hertzienne de
Globovisión »,
en référence à la procédure engagée contre la chaîne le 16 juin
2009 et entérinée par le Tribunal suprême de Justice le 18 juin.
L’organisation affirme que « le
président Hugo Chávez a récemment averti que
Globovisión
quitterait les ondes faute de modifier sa ligne éditoriale […].
L’annulation de sa fréquence hertzienne marquerait le point
d’orgue d’un véritable harcèlement procédurier, juridiquement
contestable, contre la chaîne en raison de son contenu2 ».
Puis RSF conclut :
« Que la chaîne ne soit
pas exempte de reproches n’enlève rien à la gravité du procédé.
Il n’est pas digne d’une démocratie comme le Venezuela que le
bon plaisir du chef de l’État décide seul de l’avenir d’un
média. Débarrassé de
Globovisión, Hugo Chávez disposera d’un espace télévisuel
hertzien qui lui sera entièrement dévoué mais se prive d’un
filtre médiatique, ce qui pourrait conduire à une radicalisation
de l’opposition. Cette configuration est un revers pour le
pluralisme et le débat3 »
Tout d’abord, RSF essaye de faire croire que seule la
« ligne éditoriale »
extrêmement critique à l’égard du gouvernement démocratique
d’Hugo Chávez serait la cause
« d’un véritable
harcèlement procédurier, juridiquement contestable, contre la
chaîne ». Ensuite, elle affirme que la procédure engagée
contre la chaîne est du fait du président Chávez4.
Le mensonge est une nouvelle fois double. En effet, au
Venezuela, seules la Commission nationale des télécommunications
(Conatel) et la Justice ont le pouvoir de révoquer la fréquence
hertzienne de Globovisión,
uniquement en cas de violation grave de la Loi organique des
télécommunications de 2000. Ce n’est en aucun cas une
prérogative du pouvoir exécutif, contrairement à ce qu’affirme
RSF5.
Que s’est-il passé pour que la Conatel invoque l’article
171 de la loi organique des télécommunications, qui stipule que
« quiconque aura utilisé
les services de télécommunications, pour lesquels il a reçu une
habilitation, dans le but de commettre des délits » sera
sanctionné d’une révocation de la concession hertzienne, à
l’encontre de Globovisión ?
S’agit-il simplement du fait de
« sa ligne éditoriale »
comme l’affirme RSF6 ?
La réalité est autre. Le 13 octobre 2008, le journaliste
Rafael Poleo, directeur du quotidien
El Nuevo País et de
la revue Zeta, a
lancé un appel à l’assassinat d’Hugo Chávez en direct sur
Globovisión durant
l’émission « Aló Ciudadano », en affirmant que ce dernier
« finira comme
Mussolini ». Voici la transcription exacte de son
intervention :
Rafael Poleo :
« ... L’histoire se répète. Si l’on regarde la trajectoire de
Benito Mussolini et celle de Chávez, ce sont les mêmes. C’est
pour ça que je vous dis, avec inquiétude, qu’Hugo va finir comme
Mussolini, pendu la tête en bas.
Leopoldo
Castillo :
Vous ne pouvez pas dire cela, Poleo, ça pourrait être considéré
comme une apologie du délit, ça peut être interprété, ça
pourrait être une incitation.
Rafael Poleo :
…Moi, je le dis de manière préventive, fais attention Hugo, ne
finis pas comme ton homologue Benito Mussolini, pendu la tête en
bas, parce que toi tu ressembles à Mussolini et à Mussolini lors
de l’étape initial du fascisme. Chávez c’est ça, parce que c’est
une insulte au socialisme et au communisme de dire que Chávez
est socialiste ou communiste, ce qu’il y a c’est que c’est plus
simple et les gens ont déjà oublié au cours de l’Histoire ce
qu’est le fascisme… Mais Chávez c’est un fasciste vieillot,
Chávez c’est un fasciste7. »
« Reporters sans
frontières désapprouve sur le fond les déclarations de Rafael
Poleo, mais estime qu’ils relèvent de la responsabilité de
celui-ci et non de
Globovisión ».
L’organisation parisienne, loin de condamner de telles
déclarations, se contente donc de les « désapprouver »,
illustrant ainsi clairement son caractère partisan en tentant de
dédouaner la chaîne de sa responsabilité. Contrairement à
ce qu’affirme RSF, la chaîne est responsable du contenu de ses
programmes8.
Dans quel pays du monde une telle instigation au crime
serait-elle acceptée ? Que se passerait-il en France si la
chaîne TF1 diffusait un message semblable à l’encontre du
président Nicolas Sarkozy ? La justice interviendrait-elle ? RSF
défendrait-elle de tels agissements ?
Globovisión
n’en est pas à sa première tentative de déstabilisation. Depuis
1998 et l’élection d’Hugo Chávez, elle a fait du dénigrement de
la politique gouvernementale sa principale activité. Pis encore,
en avril 2002, la chaîne avait activement participé au coup
d’Etat contre Hugo Chávez en soutenant le putschiste Pedro
Carmona Estanga. En décembre 2002, elle avait soutenu également
le sabotage pétrolier orchestré par l’opposition qui avait coûté
la bagatelle de 10 milliards de dollars à l’économie
vénézuélienne. En mai 2007,
Globovisión s’était
déjà rendue coupable d’incitation à l’assassinat du président
Chávez. En avril 2009, la chaîne a lancé un appel aux
contribuables afin de ne pas s’acquitter de leurs impôts9.
Les exemples pourraient se multiplier.
Voici quelques messages transmis par
Globovisión incitant
les téléspectateurs à l’insurrection :
« Nous devons sortir pour
défendre notre pays, notre démocratie et notre liberté. C’est
seulement ainsi que nous pourrons arrêter le régime dans son
désir de nous réduire en esclavage »,
« Je veux lancer un appel
ici à la classe ouvrière : ouvrez les yeux, je sais que vous
êtes en train de les ouvrir, parce qu’il y a des protestations
partout, mais ouvrez les yeux pour que cette protestation soit
plus forte »,
« Ouvrez les yeux, ce gouvernement n’est pas démocratique »,
« Si on nous dit que ce
gouvernement est autoritaire, est dictatorial, ou qu’il nous
mène à l’échec, ce que l’on suggère aux gens c’est : on va
renverser ce gouvernement ».
« Nous sommes les adultes
et nous devons virer ce dictateur pour nous enfants et nos
petits-enfants10 ».
Ensuite,
Globovisión a
multiplié les campagnes de dénigrement et les insultes en tout
genre à l’encontre du gouvernement. Le 28 février 2004, la
chaîne a diffusé une vidéo d’un discours d’Hugo Chávez mais a
coupé le son pour le remplacer par des cris de singe et d’autres
d’animaux sauvages, dans une claire référence raciste à la
couleur de peau du président. Voici un autre florilège de
déclarations typiques de la chaîne :
« Les maires chavistes
n’ont besoin que d’une pomme pour être des cochons »,
« N’importe quel âne bâté en sait plus sur le pétrole que Chávez »,
« Tu as ruiné le pays »,
« Les imbéciles ont voté
pour Chávez », « Les
chavistes ne pensent pas, ils braient »,
« PDVSA [l’entreprise
pétrolière] est en faillite, les entreprises de base sont
ruinées et le pays est militarisé.
Que faire ?
Se battre et plus encore »,
“Qu’attend-t-on pour
agir ? Ca suffit »,
“La souveraineté agroalimentaire du pays est atteinte, parce que
la production interne a diminué, il n’y pas de sécurité
juridique ». Quel pays au monde accepterait de tels propos11 ?
RSF a clairement fait un choix contre la
démocratie vénézuélienne en prenant position en faveur d’une
chaîne de télévision putschiste et en manipulant la réalité dans
le but d’induire l’opinion publique en erreur. Mais cela n’est
guère surprenant de la part d’une entité qui avait soutenu le
coup d’Etat contre Chávez en avril 2002 et qui est financée par
le National Endowment for
Democracy, une officine écran de la CIA12.
Notes
1
Salim Lamrani, « Les mensonges de Reporters sans frontières sur
le Venezuela », Voltaire,
19 juin 2009.
http://www.voltairenet.org/article160688.html (site consulté
le 27 juin 2009).
2
Reporters sans frontières,
« L’existence hertzienne de Globovisión est comptée : ‘Un remède
pire que le mal’ », 23 juin 2009.
http://www.rsf.org/L-existence-hertzienne-de.html (site
consulté le 24 juin 2009).
3
Ibid.
4
Ibid.
5
Ibid.
6
Ley Orgánica de Telecomunicaciones, 4 juin 2001.
http://www.analitica.com/BITBLIO/congreso_venezuela/ley_telecomunicaciones.asp
(site consulté le 28 juin
2009)
7
Youtube, « Chávez y
Mussolini », 13 octobre 2008.
http://www.youtube.com/watch?v=Sgkeo0Dl3lk&feature=related
(site consulté le 28 juin 2009).
8
Reporters sans frontières,
« L’existence hertzienne de Globovisión est comptée : ‘Un remède
pire que le mal’ », op.
cit.
9
Salim Lamrani, « Les mensonges de Reporters sans frontières sur
le Venezuela », op. cit. ;
Youtube, « Empleada
de Globovisión hizo llamados implícitos a no pagar impuestos »,
3 avril 2009.
http://www.youtube.com/watch?v=CjN2sQ3QKK4&feature=related
(site consulté le 27 juin 2009).
10
Agencia Bolivariana de
Noticias, « Aló Ciudadano y el lenguaje xenófobo,
intolerante e instigador », 19 juin 2009.
11
Ibid.
12
Salim Lamrani, Cuba. Ce
que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions
Estrella, 2009).
Salim Lamrani est enseignant chargé de
cours à l’Université Paris-Descartes et l’Université Paris-Est
Marne-la-Vallée et journaliste français, spécialiste des
relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il a publié, entre
autres, Double Morale. Cuba, l’Union européenne et les droits
de l’homme (Paris : Editions Estrella, 2008). Son nouvel
ouvrage s’intitule Cuba.
Ce que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions
Estrella, 2009) et comporte un prologue de Nelson Mandela.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr
;
salim.lamrani@parisdescartes.fr
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