Le Grand Soir Info
Irak, Iran : le ralliement des régimes
arabes « modérés » au plan Bush
Saïd Mestiri
Kalima
Tunisie, 20 janvier 2007.
Parmi les
conditions jugées fortement souhaitables à Washington pour
assurer le succès du nouveau plan Bush, figure le ralliement,
sinon la participation effective des régimes arabes dits modérés
à sa réalisation. On peut considérer que c’est désormais un
fait acquis. A la suite du dernier périple de Condolezza Rice au
Moyen-Orient, on a vu l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie
et les monarchies du Golfe proclamer, tour à tour, leur
disposition à aider politiquement, financièrement et même
militairement le gouvernement « légitime et démocratique »
de l’Irak à assurer la stabilisation et la sécurisation du
pays des deux fleuves et à préserver son intégrité
territoriale.
Dans son
discours de présentation du nouveau plan, le 10/1/2007 à la
Maison-Blanche, le Président Bush, allant à l’encontre de
l’opinion américaine et de la majorité au Congrès, n’a pas
cru devoir tirer du fiasco irakien les mêmes conclusions que le
rapport Baker-Hamilton. L’ouverture d’un dialogue politique
avec Téhéran et Damas, recommandée par les deux vétérans de
la diplomatie américaine, serait pour lui un signe de faiblesse.
Sa ligne est à la fermeté voire à la confrontation. En 2001,
c’était l’Afghanistan first, en2003 ce
fut l’Irak first et maintenant c’est l’Iran
first : renforts navals au Golfe, dotation de missiles et
anti-missiles Patriot, impatiences israéliennes et offensive médiatique.
A l’adresse
des membres du gouvernement irakien de Nouri al Maliki et de la
caste politique qui le soutient, la menace est précise :
l’affectation du contingent supplémentaire des 24 000 G’Is
est leur dernière chance de survie. C.Rice leur a même fixé à
six mois ce dernier sursis, (ce dont d’ailleurs Maliki aurait
pris ombrage et exhalé sa mauvaise humeur dans une récente
interview au Times).
En direction
de ses partenaires arabes « modérés »,
l’incitation de Bush n’en était pas moins suffisamment claire
et impérieuse, il a déclaré :
« Nous allons employer toutes les ressources
de la diplomatie américaine pour susciter un soutien à l’Irak
à travers tout le Moyen-Orient. Des pays comme l’Arabie
Saoudite, l’Egypte, la Jordanie, les Etats du Golfe doivent
comprendre qu’une défaite américaine en Irak ferait naître un
nouveau sanctuaire pour les extrémistes et une
menace stratégique pour leur survie ».
En fait point
n’était besoin de hausser le ton, ni d’appuyer sur la menace.
On vivait plutôt sur l’impression qu’en l’occurrence,
« il prêchait à des convertis », puisque déjà, dès
la
publication du Rapport Baker-Hamilton, le 7 décembre 2006,
les tenants de ces régimes, spontanément ou après incitation
(cf. voyage Dick Cheney en décembre en Arabie Saoudite) s’étaient
mobilisés pour le dénoncer. L’un avait parcouru les capitales
européennes pour le « démolir », l’accusant
d’amplifier le chaos dans une contrée déjà éprouvée,
l’autre ameutant la communauté de ses voisins sur la menace
d’encerclement Chiite et le troisième enfin attirant
l’attention sur le danger encouru par tous ses homologues, en
cas de désengagement des troupes américaines de la région. Et
pourtant ce Rapport Baker-Hamilton avait placé le conflit israélo-palestinien
et israélo-arabe à sa vraie place, au cœur des
problèmes du Moyen-orient et l’avait intimement lié à la
situation en Irak. (Il avait entre-autre stipulé de revenir aux
frontières de 1967, préconisé le retour des réfugiés
palestiniens et notamment recommandé la tenue d’une conférence
internationale).
Que les Israéliens
se soient donc attaqués d’emblée aux principales dispositions
du rapport Baker-Hamilton et qu’ils se soient ralliés avec
l’empressement que l’on sait au plan Bush, alimentant de
surcroît l’escalade anti-iranienne, cela est dans l’ordre
logique des choses ; mais cela nous conduit à nous demander
à quels mobiles logiques ont obéi les Etats arabes dits modérés
(huit selon les dernières informations) pour aller les rejoindre
dans la même démarche.
Alors que
l’ensemble de la communauté internationale déploie des efforts
méritoires pour juguler les risques d’un nouveau conflit, alors
que la grande majorité de l’opinion américaine et du Congrès
des Etats-Unis s’évertue à limiter les velléités guerrières
de leur Président, on assiste au niveau de ces dirigeants arabes
« modérés » à une amplification outrancière du
danger chiite et à une levée des inquiétudes. Faudra-t-il donc
croire avec eux et selon le discours précité que la survie des régimes
qu’ils défendent, ne pourra tenir à l’avenir qu’au prix
d’un nouveau conflit dont nul ne pourra prévoir les développements ?
On savait
jusqu’à présent que cette survie tenait en très grande partie
à une politique sécuritaire coercitive et stricte, théoriquement
« antiterroriste ». La grande astuce était de la
modeler savamment et de l’adapter à l’usage, de façon à écarter
toute réforme démocratique sérieuse et à éliminer toute
opposition.
Il faut espérer
que les graves dangers que vit actuellement le Moyen-Orient seront
à même d’inciter ces dirigeants dits « modérés »
à réfléchir sérieusement et à revenir vers leurs peuples et
leurs opinions. Ils pourront ainsi découvrir qu’il existe
d’autres méthodes pour aborder ces problèmes, qui leur
permettront de s’insérer plus efficacement dans les réalités
et les valeurs du monde moderne.
En chemin ils
rencontraient les dirigeants israéliens qui avaient de leur coté
émis les plus grandes réserves sur les recommandations du plan
Baker-Hamilton.
Pr. Saïd Mestiri
Source :
KalimaTunisie www.kalimatunisie.com
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