Opinion
Quelles
perspectives pour les Berbères de Libye
Saïd At
Teyyeb
Vendredi 25 janvier
2013 Un colloque
portant sur la recomposition politique
des États post-coloniaux s’est tenu au
Département Science Politique de Paris
les 17 et 18 janvier sous le titre : "Évolutions
politiques et sociétales et
bouleversements régionaux (Sahel,
Maghreb)".
Ce dernier est organisé par l’Observatoire
des changements politiques dans les
États d’Afrique du Nord et du Sahel
avec le soutien du Comité Catholique
contre le Faim et pour le Développement
(CCFD), de l’Institut de
recherche sur le Maghreb contemporain
(IRMC, Tunis), du Centre Jacques
Berque (CJB, Rabat), et de
l’Ambassade de France à Tripoli.
Des interventions riches se sont
succédées durant les deux journées où
les conférenciers ont traité de
questions pertinentes dans la
reconstruction de certains États,
notamment tunisien et libyen. Parmi les
interrogations, celle de la
reconnaissance officielle des Berbères
qui demeure déterminante. Car, peut-on
parler d’un État de droit lorsque ce
dernier pratique le déni et la
répression contre des populations qui
composent son territoire, son Histoire,
sa mémoire et son avenir ? C’est dans
l’après-midi du 17 janvier 2013 que
Salem Chaker et Masin Ferkal ont animé
une communication intitulée : "Quelles
perspectives pour les Berbères de Libye
? Des groupes minoritaires à la croisée
des chemins". Les deux berbérisants
ont passé en revue l’évolution de la
situation de la revendication amazighe
en Libye depuis 2011. Ils ont d’abord
souligné que toute analyse portant sur
la région d’Afrique du Nord doit être
prudente. Car, c’est un terrain d’où
pleine de surprises peuvent surgir. La
Libye ne s’est-elle pas révoltée au
moment où personne ne s’y attend ?
Ils n’ont pas, également, manqué de
souligner le rôle primordial que les
régions berbères (Adrar n Infusen,
Zouara) ont joué dans la chute du régime
de Kadafi. Elles sont désignées par les
observateurs comme le Front de l’Ouest,
sans souligner leur berbèrité et leur
appartenance au courant ibadite.
Pourtant, ces deux éléments renforcent
leur solidarité face à une majorité
arabophone adepte du courant sunnite.
Dès 2011 les Berbères, qui s’exprimaient
par le biais de leurs associations et
Conseils locaux, affirment de manière
claire la revendication de la
reconnaissance de leur identité. Des
aspirations pour lesquelles le CNT fait
oreille sourde avant de d’accuser les
Berbères de collaborer avec les forces
étrangères hostiles à la Libye.
Cependant, le mouvement berbère n’est
pas resté dans une position
protestataire. Très tôt, il s’engage
dans la promotion culturelle et
l’internationalisation de sa question.
Une démarche entreprise par le
Conseil national amazigh libyen
regroupant plusieurs associations,
représentants des conseils locaux et
personnalités, qui se sont réuni pour la
première fois à Tripoli le 26 septembre
2011. En plus de la berbérisation des
espaces public, ils organisent des
événements pour la célébration de fêtes
berbères comme Yennayer, et organisent
plusieurs festivals artistiques entre
2011 et 2012.
Les élections du Congrès Général
National tenues le 7 juillet 2012 n’ont
pas été porteuses d’un quelconque
changement en faveur de Tamazight. Ceci
a suscité un un changement de stratégie
au sein du Mouvement amazigh : un
tournant s’est effectué dès septembre
2012. Désormais, les Berbères décident
de se prendre en charge et prennent un
certain nombre de décisions concrètes et
symboliques.
Dès la rentrée scolaire, un cours de
berbère est assuré pour 11300 élèves de
la première année du cycle primaire. Une
décision que le Mouvement amazigh a
assumé en formant des enseignants et en
réalisant des manuels distribués dès le
mois de novembre. Ces manuels financés
par les Conseils locaux, sont conçus en
néo-tifinagh adopté par l’Ircam. Au coté
de ces cours, une commission chargée de
revoir le programme d’Histoire est mise
sur pied. Elle devra proposer un nouvel
enseignement qui donnera toute sa place
à la dimension amazighe en Libye.
Quant à l’internationalisation de cette
question un rassemblement devant le
siège de l’ONU à Tripoli a été organisé
le 5 septembre 2012. Une délégation a
été reçue pas des fonctionnaires
onusiens. D’autres rencontres entre
militants amazighs et la Mission
onusienne ont eux lieu. La dernière date
du 7 janvier 2013.
Cependant, les conclusions tirées
restent provisoires. Les conférenciers
nous invitent notamment à suivre la
suite qui sera réservée à cette
question, à travers la nouvelle
constitution que le Congrès national
général (CNG) présentera prochainement,
sachant que son président a déclaré en
novembre 2012 ne voire aucun
inconvénient à ce qu’il y ait plus d’une
langue officielle en Libye.
Faut-il entendre par là que la prochaine
constitution accordera une
reconnaissance officielle au berbère ?
Serons-nous dans un modèle algéro-marocain
ou dans un nouveau modèle ?
Saïd At Teyyeb
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