Le Grand soir
Élections en Iran:
Et si Ahmadinejad avait vraiment gagné
Robert Parry
Mahmoud Ahmadinejad
Mardi 16 juin 2009
L’idée que le président iranien Mahmoud
Ahmadinejad a volé sa réélection par la fraude aux dépens de la
« révolution verte » de Mir-Hossein Mousavi – soutenu par les
milieux intellectuels et les classes moyennes – est petit à
petit en train de s’installer comme un fait acquis.
Et pourtant la forte participation, estimée à
environ 85%, était présentée comme la garantie d’une victoire
écrasante d’Ahmadinejad, considéré comme l’allié des iraniens
plus traditionnels des classes ouvrières et paysannes.
C’est ce qu’affirment Ken Ballen and Patrick
Doherty dans un
article du Washington Post qui citent les conclusions d’un
sondage qu’ils ont mené à travers tout le pays au mois de mai et
qui prévoyait pratiquement la même avance en voix - de l’ordre
de 2 pour 1 en faveur d’Ahmadinejad - que celle annoncée à la
sortie des urnes.
Ballen et Doherty démolissent aussi un des
principaux arguments avancés par de nombreux observateurs qui
affirment qu’il y a eu fraude. Cet argument est que Mousavi, un
Azeri, avait très certainement gagné dans les circonscriptions à
majorité Azeri mais où Ahmadinejad est sorti vainqueur.
Cependant, Ballen et Doherty rappellent que « notre
sondage montre… que les deux tiers des Azeri préfèrent
Ahmadinejad à Mousavi ».
Leur sondage contredit aussi une idée largement
partagée par les grands média selon laquelle la jeunesse
branchée sur Internet soutient Mousavi. Ils ont trouvé que seul
1 Iranien sur 3 a accès à l’Internet et que « les
intentions de vote en faveur d’Ahmadinejad parmi les 18-24 ans
étaient plus fortes que dans toute autre tranche d’âge de la
population ».
Néanmoins, la précipitation des médias
américains à parler de « fraude » est en train de créer une
réalité politique à laquelle sont confrontées à la fois
Washington et Téhéran. Un des jugements à l’emporte-pièce des
médias est qu’Ahmadinejad a « volé » ces élections et que cela
prouverait que les faucons israéliens et les néoconservateurs
américains avaient raison lorsqu’ils affirmaient qu’il était
impossible de traiter avec l’Iran d’une manière rationnelle, que
le Président Barack Obama était le « grand perdant » et que le
recours à la force est la seule option possible s’agissant de
l’Iran.
Il est curieux de constater comment les médias
américains s’intéressent soudainement à la régularité d’une
élection alors que ces derniers ont ignoré, tourné en ridicule
ou même couvert le vol de l’élection présidentielle de 2000 par
George W. Bush ainsi que celle de 2004.
En 2000, la Floride – état contrôlé par le frère
de Bush, Jeb, et ses partisans – fut le théatre d’irrégularités
à grande échelle. Ensuite, lorsqu’un recomptage des voix a été
initié, les hommes de campagne de Bush ont envoyé à Miami des
hooligans en costume cravate pour y organiser des émeutes
destinées à déstabiliser le recomptage. Finalement, Bush a
obtenu que cinq juges Républicains de la Cour Suprême des
Etats-Unis ordonnent l’interruption du recomptage et déclarent
Bush vainqueur.
La presse US fut extraordinairement silencieuse
sur ce vol d’élection bien documenté. Même lorsqu’il était
devenu évident qu’Al Gore avait remporté la majorité des
suffrages et aurait remporté la Floride si tous les bulletins
avaient été comptés, les principaux médias US, dont le New York
Times et CNN, ont déformé les faits pour protéger la
« légitimité » de Bush.
De même, de graves irrégularités ont entaché
l’élection de 2004, particulièrement dans l’état du Ohio, et
n’ont jamais fait l’objet d’un examen sérieux par les mass
média, qui ont préféré dénigrer les sites internet (dont le
notre, Consortiumnews.com) et les groupes de citoyens en les
qualifiant de « théoriciens du complot » lorsqu’ils ont voulu
attiré l’attention sur d’étranges résultats en faveur de Bush
données par les machines à voter.
Cependant, lorsqu’une élection se déroule dans
un pays étranger et qu’un candidat « impopulaire » semble se
faire élire, là les règles changent. Tous ceux qui n’admettent
pas immédiatement qu’il y a eu fraude sont des naïfs ; chaque
« théorie du complot » est complaisamment citée tandis que les
preuves du contraire sont minimisées ou ignorées, par exemple le
vote des Azéris révélé par Ballen et Doherty.
L’autre ironie de cette histoire est que les
leaders religieux iraniens ont ordonné une enquête sur les
accusations de fraude dans un pays pas spécialement réputé pour
ses institutions démocratiques. Mais c’est déjà plus que les
américains n’ont obtenu en 2000 et 2004.
Traduction VD pour le Grand Soir
http://www.legrandsoir.info
Article original:
http://www.consortiumnews.com/2009/061509c.html
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