Opinion
Charest dégage !
Robert Bibeau
Mercredi 30 mai 2012
RADIO-CANADA
AU SECOURS DU GOUVERNEMENT
Vendredi dernier le 25 mai,
Radio-Canada, la docile télévision
d’État, au service de la kleptocratie
dirigeante nous présentait une réflexion
étonnante. Deux heures de télé à jouer
les intrigués – à questionner – pour
mieux faire gober son élixir empoisonné.
La résistance étudiante contre la hausse
des droits de scolarité et la crise
sociale qu’elle a provoquée ont-elles
pour origine : a) Un clash des
générations ? b) Une
séparation fédéraliste-souverainiste
? c) Une segmentation
Montréal-régions ? e) Une
dichotomie étudiants gâtés – payeurs de
taxes excédés ? e) Une
scission entre la gauche idéaliste et la
droite pragmatique ?
Tout observateur averti aura noté que
la Télé-Can du premier Ministre Harper
évite soigneusement de voir l’opposition
entre les capitalistes, les
boursicoteurs, les requins de la
finance, enfin, entre la minorité des
riches et la majorité de la population,
les ouvriers, les étudiants, les
employés, les chômeurs et les
petit-bourgeois paupérisés. Un clash
entre le peuple taxé, dépossédé,
désœuvré, trompé et méprisé d’une part,
et, de l’autre, les politiciens gérants
d’estrade pour le compte du grand
capital milliardaire spoliateur et
exploiteur. Tenez loin des yeux des
animateurs télé ces classes sociales
qu’ils ne sauraient accréditer.
Il faut dire que la mission de
Radio-Can est différente de celle du
réseau TVA – propriété du milliardaire
Péladeau beaucoup plus «populo». La
tâche du réseau d’État n’a jamais été
d’informer politiquement ou d’éclairer
les mystères réels ou inventés. La
mission de Radio-Can a toujours été de
faire déblatérer des intellectuels
patentés – de notoriété réelle ou
usurpée – pour le bénéfice d’autres
intellectuels arrivistes ou naïfs, afin
de les embrouiller sous un maelstrom de
mots alambiqués, puis de lancer ces
mystifiés parmi leur segment de classe
pour propager les dernières inanités de
l’intelligentsia sanctionnée. Le
quotidien Le Devoir et la grosse Presse
du milliardaire Desmarais jouent un rôle
analogue dans le domaine de l’imprimé,
alors que les journaux à Péladeau
s’adressent à ce que les intellectuels
appellent « monsieur et
madame-tout-le-monde ».
L’émission spéciale de vendredi
dernier a démontré l’art consommé de
Radio-Can pour transformer une vraie
question en tergiversations oiseuses et
en discussions de salon entre de gentils
interlocuteurs et des nervis
journalistiques dont l’apothéose les
transporta de félicité, à la toute fin
de ce spectacle télévisé, lors d’une
poignée de main qualifiée d’« historique
» par la dame Dussault tout agitée (1).
COMPENDIUM DE
LA MYSTIFICATION TÉLÉVISÉE
Décortiquons cette démonstration de
collusion entre le pouvoir politique et
le pouvoir médiatique des riches afin
d’en découvrir les manipulations.
Premier constat accablant : les seuls
acteurs qui n’ont pas eu droit de parole
pendant ces deux heures d’abjection sont
les étudiants blessés, poivrés, arrêtés
sur les lignes de piquetage attaquées;
non plus que les manifestants matraqués,
estropiés, les jeunes travailleurs non
diplômés, mis sous contravention,
expulsés ou chassés des universités par
la hausse des droits de scolarité et la
crise économique qui les frappe, eux et
leur famille paupérisée.
Dès le début du spectacle télévisé,
le commentateur glissa l’air de ne pas
s’y intéresser : « L’histoire du
mouvement étudiant québécois est
jalonnée de nombreuses grèves et
boycotts » – un fait avéré et lourd de
sens – que Radio-Can ne pouvait passer
sous silence. La tâche du journaliste
consiste ici à ne pas en indiquer la
conséquence et surtout à ne rien dire de
la différence entre les grèves
précédentes et la présente.
La conséquence de ces luttes de
résistance successives, c’est que les
droits de scolarité universitaires sont
moins élevés au Québec que partout
ailleurs où les étudiants se sont moins
mobilisés pour faire reculer leurs
gouvernements. Le 22 mai dernier, dans
les rues de New-York, lors d’une
manifestation d’appui à la résistance
étudiante québécoise, de jeunes
manifestants américains expliquaient que
s’ils paient si cher et s’endettent
tellement : « c’est que notre résistance
a été éradiquée-écrasée sous les
matraques des policiers » (2).
Seriez-vous étonné si je vous révélais
que le Président étatsunien – le premier
noir à occuper le siège éjectable de la
Maison Blanche – dans sa dernière
allocution sur l’État de l’Union, a
donné pour mission à l’armée
américaine de soutenir
les autorités civiles à l’intérieur des
États-Unis pour réprimer toute velléité
d’opposition aux
politiques du gouvernement ?
Radio-Can n’a jamais rapporté cette
déclaration inédite d’Obama; il faut
pourtant remonter à la Crise de 1929 et
à la guerre de Sécession (1861) pour
retrouver l’énoncé d’une telle mission
intérieure pour l’armée d’agression
extérieure.
Les étudiants-manifestants de
New-York concluaient comme leurs
camarades de Toronto et de Taipeh
(Taïwan) que ce ne sont pas les
étudiants québécois qui doivent
rejoindre leur niveau d’endettement mais
plutôt l’inverse : les étudiants
étatsuniens, canadiens et taiwanais
devraient lutter davantage, affronter la
police fasciste afin de réduire les
droits universitaires et gagner l’accès
aux études supérieures pour le plus
grand nombre. Ici, dégonflons une
baudruche propagée par les ignares de la
télé d’État. Le système universitaire
américain n’est pas performant et il est
de moins en moins prestigieux. Ces
journalistes ont lu un roman il y a
vingt ans et ils croient que la réalité
n’a pas changé. Aux États-Unis il y a
d’un côté un système réduit
d’universités élitistes très
dispendieuses, réservées aux fils de
riches. De l’autre côté un immense
réseau universitaire couteux –
inefficace – de mauvaise qualité –
certifiant des étudiants chômeurs
diplômés, endettés. Le système d’études
supérieures américain ressemble à ce que
l’on retrouve dans les pays du
tiers-monde et il craque de toute part,
menaçant d’imploser. Un étudiant
soulignait que la bulle de la dette
étudiante américaine de mille milliards
de dollars pourrait être la source du
prochain crash boursier quand des
milliers d’étudiants déclareront
faillite et répudieront chacun leur
dette personnelle (3).
ROZON LA
SUBVENTION S’AMÈNE RELAYER MARTINEAU LE
BOBO
Au début de l’émission, monsieur
subvention-Rozon, parasitant depuis
toujours les charités de l’État, s’amène
au front reconnaissant de tout cet
argent dilapidé au cours de toutes ces
années. Rozon connait les mœurs du
sérail qui stipule qu’on lèche
amicalement la main qui vous nourrit
somptueusement. Pathétique, cette levée
d’étriers de l’homme-prostitué le plus
grassement subventionné de la cité,
donnant des leçons de parcimonie aux
étudiants payés au salaire minimum – car
il faut se rappeler que 80% des
étudiants-étudiantes universitaires
travaillent et la majorité à temps
plein.
C’est là une différence importante
qu’un journaliste-analyste qui aurait
souhaité renseigner aurait dû signaler.
Aujourd’hui, contrairement aux temps
passés (1960-2000), un étudiant
universitaire passe plus de temps au
travail qu’à l’université, il
vit en couple et sa compagne travaille
également. Voilà pourquoi ce sixième
‘round’ de résistance étudiante est
aussi farouche – militant – déterminé.
Les troupes étudiantes sont en fait des
partisans ouvriers-étudiants qui luttent
pour leur survie et qui ont décidé de
refuser qu’on leur transfère sur le dos
le fardeau de l’insidieuse crise
économique récurrente (la faillite
grecque n’étant que l’exemple le plus
récent). Les jeunes militants-étudiants
savent que l’une après l’autre les
économies des pays capitalistes
occidentaux passeront à la casserole.
Foin du conflit de génération, de la
dualité Montréal-régions et de la
querelle des anciens de la Trudeaumanie,
du Renérendum et de la séparation! Les
jeunes et les moins jeunes du Québec, du
Canada et du monde entier (Printemps
arabe et crise européenne inclus) savent
bien qu’ils vivent dans un monde
globalisé – interdépendant – qui se
dirige inexorablement vers une nouvelle
catastrophe économique, financière et
militaire.
SONDAGE BIDON
La mise en scène médiatique de
Radio-Can visait d’autres objectifs que
leur sondeur patenté (CROP, un
habitué des sondages truqués) a
découverts à travers son questionnaire :
a) Les leaders étudiants sont
discrédités, révèle le sondage manipulé.
b) Le gouvernement a déjà fait de
lourdes concessions. c) Le gouvernement
déficitaire pourra-t-il faire davantage
de concessions aux étudiants (4) ? C’est
la façon que CROP et Radio-Can ont
trouvé pour contribuer à la liquidation
du mouvement étudiant et apporter leur
soutien au gouvernement chambranlant.
Reprenons chacune des constatations que
le sondage falsifié CROP-Radio-Can
prétend dévoiler :
A) Il est dorénavant admis que les
bureaucrates syndicaux classiques sont
de plus en plus discrédités, ce qui est
un acquis de cette lutte populaire où
les représentants étudiants se sont mués
en PORTE-PAROLE parfois rabroués par
leurs assemblées générales – du nouveau
pour les fiers-à bras-de la FTQ qui se
demandent encore comment faire descendre
le chat du poteau où ils seraient
perchés – c’est-à-dire démobiliser les
milliers d’étudiants ouvriers engagés.
Ce ne sont pas les «chefs» syndicaux
étudiants qui décident mais les
militants qui tiennent les lignes de
piquetage et se font matraquer, du
nouveau dans le syndicalisme québécois.
Radio-Can voulait rappeler aux
porte-parole étudiants que pour mériter
leur notoriété ils avaient le devoir de
mener leurs commettants par le bout du
nez jusqu’à l’enclos où le gouvernement
les attend.
B) Le gouvernement est celui qui a
lancé l’attaque contre les étudiants en
haussant les droits de scolarité. Le
gouvernement n’a fait aucune concession
jusqu’à présent puisqu’il a refusé de
négocier le gel des droits de scolarité.
Il a même eu l’outrecuidance de les
augmenter à 1778 $ au cours même du
conflit. Et les porte- parole étudiants
sont étonnés du rejet de cette insulte à
leur combat !?…
C) Le troisième « média-mensonge »
colporté par CROP-Radio-Can via ce
sondage trafiqué a trait à l’incapacité
de payer du gouvernement. Le
gouvernement a accordé 3,6 milliards de
cadeaux fiscaux l’an passé, et il a
aboli la taxe sur le capital financier
qui lui fait perdre des centaines de
millions en revenus fiscaux – de quoi
payer largement la scolarité de tous. La
vérité c’est que le gouvernement des
capitalistes n’a pas d’argent pour le
peuple, il en a seulement pour les
puissants toujours plus gourmands (6).
PRÉPARER LA
NÉGOCIATION – CAPITULATION
La dernière mission de cette émission
spéciale de Radio-Can était de
désamorcer la crise en préparant la
négociation que les riches voudraient
une capitulation de la part des
étudiants. Malheureusement, les leaders
étudiants timorés n’ont pas dénoncé ce
sondage manipulé, ce qui dénote leur
état d’esprit défaitiste alors que la
crise s’approfondit et s’élargit et que
leur cause triomphe face à ce
gouvernement décadent.
Ce ne sont pas d’anonymes répondants
à un sondage contrefait qui font la
grève et se font matraquer, arrêter,
trainer devant les tribunaux, battre,
mettre à l’amende et incarcérer. Ceux
qui mènent la lutte devant les CEGEPS et
les facultés universitaires ont-ils
confiance dans leurs représentants ? Si
oui, tout va bien ! Si non, qu’ils les
congédient.
Les rues du Québec sont-elles
occupées par des milliers et des
milliers de manifestants venus supporter
le gouvernement Charest ? Non nullement
! Les milliers et les milliers prennent
la rue malgré l’illégalité, les
tribunaux et les policiers pour défier
l’inique loi 78. Chaque soir ils
encouragent les étudiants et dénoncent
le gouvernement, l’État-major des riches
coincé dans son Parlement, voilà le seul
sondage qui importe.
CLASH SOCIAL
– CHAREST DÉGAGE
Le clash social oppose des milliers
d’étudiants et des millions de gens
désemparés, écœurés, cyniques qui font
le compte de toutes les malversations
qu’on étale sans vergogne sous leurs
yeux hébétés. Prévarications de ceux qui
prétendent gouverner dans l’intégrité et
défendre les intérêts de la
collectivité. La grève étudiante a fait
tomber les masques, comme à chaque lutte
farouche d’un segment du peuple contre
ceux qui ont perdu toute légitimité.
Dans les conditions sociales,
économiques, morales, actuelles, les
riches et les ploutocrates
manigancent pour sauver leurs
investissements, leur capital, leurs
profits et ils exigent de leurs
hommes de main dans les
gouvernements qu’ils les servent
docilement en se compromettant
ouvertement. Ces derniers –
politiciens futés – ne peuvent
éviter de s’enfarger et d’exposer
leur duplicité pendant ces
transferts de fonds et la tonte
organisée de larges secteurs de la
population. Les médias à la
solde ont beau hurler leur loyauté,
intensifier leur propagande pour que
le peuple accepte qu’on lui rejette
le fardeau de la crise sur le dos;
pourtant l’exemple de la résistance
étudiante l’emporte sur la peur et
la résignation, alors que le
consensus populaire se forge autour
de la résistance, ce que
Radio-Can et les chiens de garde du
système annoncent comme une
polarisation et la rupture du
consensus social. C’est faux. Un
nouveau consensus voit le jour
autour des partisans, des étudiants,
des écologistes, des paupérisés, des
indignés, des révoltés âgés ou
éphèbes et des ouvriers qui un jour,
j’ose espérer, prendront fièrement
leur place devant la marche des
insurgés.
(1)
http://www.radio-canada.ca/politique/
(2)
Manifestation des étudiants de New-York.
http://www.youtube.com/watch?v=y60Rccx3iTs&feature=player_embedded
(3)
http://www.ledevoir.com/international/etats-unis/350033/endettement-etudiant-une-bombe-a-retardement-aux-etats-unis
(4) La «boulechite»
des sondages
http://www.vigile.net/La-boulechite-CROP-Lessard-La
et les autres
http://www.lapresse.ca/debats/le-cercle-la-presse/actualites/201205/21/48-358-la-surinterpretation-des-sondages-dopinion.php
et à nouveau sur les sondages à Péladeau-Desmarais
http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=31047
(5)
Route 167,
Mine de diamant +/- 300 millions $
pour une route qui mènera à une mine de
diamant au nord de Chibougamau. Le
gouvernement assumera la majeure partie
de la facture en investissant pas moins
de
287,6 millions $
dans le projet, soit 8 millions de plus
que ce qui était inscrit dans le
document présentant les investissements
en infrastructures dans le cadre du Plan
Nord. Un gisement dont la valeur
pourrait dépasser les
5 Milliards $
(aucune transformation au Québec). Selon
les prévisions budgétaires, la
construction de cette route de 243
kilomètres coûtera
331,6 millions $,
soit 1,4 million du kilomètre.
Allègements
fiscaux aux entreprises.
En
2011, le gouvernement libéral accorde
3,6 milliards $ d’allègements fiscaux
aux entreprises. Cet argent n’est pas
réinvesti en production, en emploi ou en
R&D par les entrepreneurs. Dans les
faits, l’argent est investi dans des
produits financiers qui rapportent 15%
d’intérêt. Quel entrepreneur intelligent
irait s’empoisonner la vie à développer
son entreprise quand il peut faire 15%
sans même lever le petit doigt ? Et
comme par hasard le déficit du Québec
s’élève à
3,8 milliards $
pour 2011. Alors aujourd’hui on coupe
partout pour réduire le déficit. Les
générations suivantes se retrouveront
finalement à payer le capital
d’investissement des entreprises
québécoises.
http://ageuqtr.org/sites/default/files/Appuis%20aux%20Étudiants.pdf
Publié sur
Les 7 du Quebec
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