Opinion
La guerre contre
l'Iran n'aura pas lieu !
Robert Bibeau
Mercredi 11 janvier
2012
La guerre contre l’Iran n’aura pas
lieu… pour le moment. La guerre d’Iran
n’aura pas lieu de sitôt même si
‘Pierrot le fou’ – Benjamin Netanyahu,
Premier ministre d’Israël – crie «Aux
loups, aux loups» à la Knesset –
parlement israélien – pendant qu’Ahmadinejad
– le Président iranien – ne l’écoute
pas, ne l’entend pas, et pour cause,
l’Iran connaît parfaitement les plans de
l’hyène américaine et l’Ayatollah
Khamenei sait également que le renard
israélien ne commande pas au loup
états-unien. C’est plutôt l’inverse (1).
Tout ce que la Terre porte
d’analystes, d’observateurs, d’experts
militaires se sont émus la semaine
dernière à l’annonce qu’un porte-avions
de la Ve flotte américaine,
furetant dans le secteur du détroit
d’Ormuz, loin de son port d’attache,
avait été chassé de la région par un
exercice militaire iranien. Le navire
risquait en effet de provoquer un
incident-accident entre les deux
belligérants se disputant le Golfe
persan (2).
L’incident n’était pourtant qu’un
exercice de réchauffement avant la
conflagration à venir. Après avoir
assisté à ce coup monté, dites-vous que
l’une des prochaines fois sera la bonne
et que cet incident provoqué déclenchera
non pas la ‘troisième guerre mondiale’
mais l’attaque américano-israélienne
contre l’Iran que l’Amérique attend
depuis si longtemps.
Pourquoi pas cette fois, ni la
prochaine, mais la suivante seulement ?
Et pourquoi en 2013 et pas avant ? Pour
répondre à ces questions il faut savoir
pourquoi les USA en veulent tant à
l’Iran. Si l’on ne sait pas répondre à
cette question préalable, on en est
réduit à conjecturer – à spéculer – à
colporter les papiers d’intoxication
médiatique des éditorialistes américains
et israéliens.
Posons d’abord une prémisse évidente.
Neuf pays de par le monde possèdent
l’arme atomique. Ce sont les États-Unis,
la Russie, la France, le Royaume-Uni,
l’Inde, la Chine, le Pakistan, la Corée
du Nord et Israël – entre 100 et 200
ogives – (3). Y a-t-il plus criminel que
le gouvernement états-unien ? Y-a-t-il
plus hystérique que le gouvernement
israélien ? Y-a-t-il plus instable que
le gouvernement pakistanais ? Y-a-t-il
plus imprévisible que le gouvernement
coréen ? Y-a-t-il plus soumis que le
gouvernement du Royaume-Uni ? Y-a-t-il
plus cynique que le gouvernement de
Russie ? Y a-t-il plus agité que le
gouvernement de Sarkozy ? Pourtant, ni
l’AIEA (Agence Internationale de
l’Énergie Atomique) ni l’ONU ne
suggèrent le désarmement nucléaire de
ces gouvernements menaçants et
incompétents.
Il faut en conclure que la propagande
à propos du danger nucléaire iranien
n’est qu’un faux-semblant qui cache
autre chose, d’autant plus que celui qui
s’en dit le plus préoccupé-menacé est
justement le seul qui ait utilisé l’arme
atomique deux fois plutôt qu’une
(Hiroshima et Nagasaki) et qu’il menace
encore une fois de l’utiliser contre
l’Iran – bombes de type Blu-117 – (4).
Qui plus est, les États-Unis possèdent 2
200 têtes nucléaires et 800 vecteurs, de
quoi détruire la planète toute entière
(5). Que feront les deux ou trois bombes
nucléaires iraniennes – à supposer
qu’elles existent – montées sur des
missiles Shihab-3 – 2 200 km de portée
maximum – alors que les États-Unis se
situent à 11 000 kilomètres du Golfe
persique ? Moins d’une heure après une
prétendue attaque iranienne, mille
bombes nucléaires américaines
pulvériseraient l’Iran ne laissant plus
une âme qui vive (77 millions
d’habitants). Espérons que nous en avons
terminé avec cette fadaise de la menace
nucléaire iranienne tout juste bonne à
effrayer les retraités des salons de
thé.
Mais alors qu’est-ce qui justifie
l’acrimonie états-unienne à l’encontre
de la destinée iranienne ? Dans un
papier, il y a tout juste une année,
nous avions répondu à cette question –
«Regardez du côté du détroit d’Ormuz»,
disions-nous (6).
L’Iran a commis le crime de
lèse-majesté de ne pas trembler quand
Georges W. Bush l’a désigné à la
vindicte de sa ‘communauté
internationale’. L’Iran a
l’outrecuidance de développer sa propre
politique nationale plénipotentiaire.
L’Iran a le culot de vendre son pétrole
à la Chine en devises souveraines
iraniennes. L’Iran s’approvisionne en
armement auprès de la Russie honnie.
L’Iran a choisi le camp de
l’impérialisme chinois – l’ennemi
irrédentiste de l’impérialisme
américain. Enfin, l’Iran a le mauvais
goût de posséder une frontière
sur le détroit d’Ormuz par où
transite près de 35 % du pétrole
mondial, point de passage
pétrolier que les États-Unis entendent
bien entraver ou faire entraver
! Pour que ce plan machiavélique
fonctionne, les États-Unis doivent
cependant colmater au moins deux brèches
dans le dispositif de verrouillage
pétrolier de la région du Golfe
persique. Le projet Nabucco,
un oléoduc irano-irako-syrien destiné à
acheminer le pétrole iranien et irakien
jusqu’en Méditerranée via le territoire
syrien et le projet d’oléoduc des
Émirats Arabes Unis destiné à contourner
le détroit d’Ormuz pour l’acheminer
directement jusqu’au port de Foujeirah
(7). Pour ce dernier oléoduc ce ne sera
pas compliqué; les Émirats Arabes Unis
sont sous protectorat américain et leur
pétrole sera acheminé aux clients que
Washington aura accrédités ; pour le
premier cependant, rien n’est assuré et
la subversion récemment entreprise
contre la Syrie vise justement le
contrôle de cet oléoduc.
Dans un récent article nous
demandions pourquoi la France et
l’Euroland endossent la stratégie
américaine visant leur propre
étranglement pétrolier ? En effet, si le
détroit d’Ormuz est interdit à la
navigation, c’est la Chine et l’Europe
qui seront privées de carburant et non
les États-Unis qui s’approvisionnent
autrement. Ceci nous amène à conclure
que l’Union Européenne devrait réviser
ses politiques vis-à-vis de la Syrie et
de l’Iran prochainement.
L’agression américaine contre la
Syrie et l’Iran s’inscrit comme une
étape de la guerre que se livrent les
trois grands camps de l’impérialisme
mondial – le camp états-unien
– le camp de l’Euroland
allié au camp américain jusqu’au 8
décembre dernier et dont il tente
dorénavant de s’éloigner pour ne pas
couler avec le dollar plombé – et le
camp chinois, la
superpuissance industrielle montante à
laquelle sont associées l’Iran, la Syrie
et la Russie.
Un expert affirme que ce que nous
décrivons ci-haut : « ce modèle
militaire mondial du Pentagone en est un
de conquête du monde » (9). Les
États-Unis n’envisagent nullement de
conquérir le monde. Leur
puissance technico-militaire est énorme
mais leur capacité militaire
conventionnelle – humaine – est bien
en-deçà de telles ambitions. Les
Américains souhaitent simplement
détruire les infrastructures urbaines,
les infrastructures portuaires et les
raffineries iraniennes de façon à punir
ce pays pour sa dissidence ; faire un
exemple auprès de tous les autres pays
en voie de développement qui caressent
des rêves d’indépendance nationale.
Les États-Unis ne cherchent
pas à s’emparer du pétrole iranien,
ils en seraient bien incapables
puisqu’ils ne songent nullement à
débarquer des détachements de Marines et
à s’installer à Téhéran. Quand
on est impuissant à mater les talibans
afghans, on ne songe même pas à occuper
l’Iran.
Les États-Unis cherchent
plutôt à provoquer une crise économique,
financière, monétaire mondiale qui
frappera toutes les puissances
impérialistes, dépréciera leurs monnaies
(le Yuan et l’Euro – le Dollar, lui s’en
va déjà à vau-l’eau) et les rendront
dépendantes des marchés boursiers et des
ressources énergétiques du monde
anglo-saxon (États-Unis, Royaume-Uni,
Australie, Canada) où la valeur des
entreprises pétrolières s’élèvera de
façon vertigineuse en même temps que la
valeur de l’or noir (Golfe du Mexique,
Alaska, Sables bitumineux de l’Alberta
et Mer du Nord).
Ce coup de «poker» démentiel et
meurtrier ne provoquera pas la
‘troisième guerre mondiale’ – les deux
autres blocs impérialistes concurrents
ne sont pas encore prêts à engager un
affrontement militaire contre la
superpuissance nucléaire américaine
représentant la moitié des dépenses
militaires de la planète (10).
Les peuples du monde souffriront
énormément de cette crise économique
profonde accompagnée d’une inflation
importante, d’une hausse du chômage déjà
catastrophique, d’une déprime boursière,
de l’effondrement des hedge funds et des
caisses de retraite des travailleurs;
cette crise amorcera des soulèvements
ouvriers, des grèves et des occupations
d’usines jalonneront la guerre de classe
– travail contre capital – sur le front
économique que les opportunistes
petits-bourgeois auront mission de
liquider en proposant divers slogans
réformistes pour sauver le système
capitaliste.
L’attaque américano-israélienne
contre l’Iran n’aura pas lieu en 2012 –
année d’élection américaine. Le sort de
la Syrie doit d’abord être tranché; pour
Méphisto Obama et pour le Minotaure
Netanyahu rien ne presse. Après
l’élection il sera temps d’ouvrir les
portes de l’enfer et de libérer les
Cerbères des Guerres puniques
contemporaines.
Un indice pour ceux qu’il presse de
savoir quand cela surviendra : il suffit
de compter les grands navires de guerre
américains dans le Golfe persique; quand
il n’en restera plus aucun, le combat de
l’Armageddon tonnera dans peu de temps.
(1)
«Déclarations d’Hillary Clinton et du
secrétaire à la Défense Leon Panetta : «
aucune option n’est écartée ». Panetta a
toutefois indiqué qu’« Israël ne devrait
pas envisager d’action unilatérale
contre l’Iran », tout en soulignant que
«
toute opération militaire d’Israël
contre l’Iran doit être appuyée par les
États-Unis et coordonnée avec eux
». (Déclaration de Leon Panetta le 2
décembre au Saban Center, cité dans
U.S. Defense
Secretary: Iran could get nuclear bomb
within a year – Haaretz,
11 décembre 2011. C’est l’auteur qui
souligne.).
(2) Il faut
souligner toutefois que la flotte de
guerre iranienne est chez-elle près des
côtes d’Iran alors que la Ve flotte
américaine est une intruse à 11 00
kilomètres des côtes américaines.
3.1.2012.
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/01/03/le-bras-de-fer-entre-l-iran-et-l-occident-se-poursuit_1624979_3218.html
(3) Mordechaï
Vanunu en entrevue avec Silvia Cattori.
2005. «non seulement on ne s’en prend
pas à Israël, mais on aide même ce pays
en secret. Il y a une coopération
secrète entre Israël et la
Grande-Bretagne, la France et les
États-Unis. Ces pays ont décidé de
contribuer à la puissance nucléaire
d’Israël afin de faire de ce pays un
État colonial, dans le monde arabe. Ils
aident Israël, parce qu’ils veulent que
ce pays soit à leur service, en tant que
pays colonialiste contrôlant le
Moyen-Orient, ce qui leur permet de
s’emparer des revenus pétroliers et de
maintenir les Arabes dans le
sous-développement et les conflits
fratricides. Telle est la principale
raison de cette coopération.».
http://www.silviacattori.net/article2313.html
(4) Michel
Chossudovsky 6.1.2012. Mondialisation. «
(…) attaque contre l’Iran,
mais aussi
que cette attaque pourrait inclure
l’utilisation d’armes nucléaires
tactiques antiblockhaus ayant une
capacité explosive allant de trois à six
fois celle d’une bombe d’Hiroshima.»
http://www.centpapiers.com/l%E2%80%99iran-face-a-une-attaque-a-l%E2%80%99arme-nucleaire-%C2%AB-aucune-option-n%E2%80%99est-ecartee-%C2%BB/91431
(5)
http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/1089606/2010/04/06/Arsenal-nucleaire-americain-sur-terre-mer-ou-ciel-des-ogives-par-milliers.dhtml
(6)
La guerre contre
l’Iran aura-t-elle lieu ?
14.01.2011.
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article112543
et dans cet écrit datant de novembre
dernier,
Menacer l’Iran préparer l’invasion de la
Syrie.
17.11.2011.
http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=27724
(7)
http://www.voltairenet.org/Les-Etats-Unis-suspendent-leurs
et
http://www.cyberpresse.ca/international/moyen-orient/201201/09/01-4484169-emirats-un-oleoduc-pour-eviter-le-detroit-dormuz-bientot-operationnel.php
(8)
Deux mille douze
avant et après ?
http://www.centpapiers.com/deux-mille-douze-avant-et-apres/91333
(9) Pierre
Khalaf.
Guerre au Proche-Orient : anatomie d’une
menace.
24.10.2011.
http://www.voltairenet.org/Guerre-au-Proche-Orient-anatomie-d
(10)Manlio
Dinucci. Les
USA ‘tournent’ la page et s’apprêtent à
de nouvelles guerres.
7.1.2012.
http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=28526
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