Soutenir la lutte des prisonniers
détenus dans les geôles sionistes
« Nés libres, nous
le resterons »
Rim al-Khatib
Jeudi 28 février
2013 Mars
2013 - N° 7
I - Abolir la
détention « administrative »
La lutte du peuple palestinien pour
l’abolition de la détention «
administrative » se poursuit. Le
nombre de prisonniers en grève
illimitée de la faim s’élève. Mais
au-delà de cette forme de détention
humiliante et arbitraire qui vise
tout Palestinien qui réclame la fin
de l’occupation, c’est la mort du
martyr Arafat Jaradat (30 ans) dans
les salles de torture « israéliennes
» qui a finalement soulevé les
masses palestiniennes, dans tous les
territoires palestiniens occupés et
dans l’exil, autour de la question
des prisonniers et contre
l’occupation. Le martyre de Arafat
Jaradat sous la torture ne fait
aucun doute, même si les uns et les
autres semblent vouloir apaiser les
esprits en réclamant une enquête
internationale « neutre », comme si
la neutralité était la marque
déposée des organismes
internationaux, ONU en tête. Les
services de renseignements
sionistes, qui pratiquent la torture
des prisonniers, avaient refusé la
demande des libéraux sionistes que
les interrogatoires soient filmés.
La famille de Arafat Jaradat affirme
que les soldats de l’occupation lui
ont demandé de faire ses adieux à
leur fils et père, avant de
l’emmener. Le crime fut prémédité,
l’entité sioniste toute entière a
décidé de donner l’exemple : la
torture et l’assassinat sont sa
réponse aux prisonniers et au peuple
palestinien qui se soulève. Les
organisations et organismes
internationaux et les Etats «
civilisés » sont complices de ce
crime, même s’ils le dénoncent ou
réclament des enquêtes. Ils sont
complices car ils ont laissé et
laissent faire l’Etat de la
barbarie, ils détournent l’attention
de la « communauté internationale »
et des peuples vers des conflits
qu’ils suscitent ailleurs, et
laissent le sort des prisonniers
palestiniens entre les mains de
leurs bourreaux sionistes.
Samer Issawi, Ayman Sharawneh, sont
toujours en grève de la faim,
réclamant leur libération et
l’abolition de la détention «
administrative ». Leur état de santé
est une fois encore critique, ils
ont été emmenés d’urgence à
l’hôpital à Haïfa. Quant à Jaafar
Izzidine et Tareq Qaadane, ils ont
suspendu leur grève de la faim le 28
février, après que le tribunal
sioniste ait promis de revoir leur
dossier le 8 mars prochain. Si rien
n’est fait, ils reprennent la grève,
comme l’a affirmé le frère de Jaafar
Izzidine. Le mouvement du Jihad
islamique a estimé qu’il s’agit
d’une nouvelle victoire arrachée par
les prisonniers contre la détention
« administrative ». Contrairement à
ce que pensent certains, dont des
responsables politiques
palestiniens, les prisonniers
grévistes ne mènent pas une lutte
individuelle. Samer Issawi et Ayman
Sharawneh luttent pour que cessent
également l’arrestation et la
détention des prisonniers libérés
lors de l’accord d’échange d’octobre
2010. A la suite de sheikh Khodr
Adnane, qui avait entamé une grève
de la faim en décembre 2011 et qui a
été libéré 66 jours après, et dont
la lutte a déclenché les
manifestations dans toute la
Palestine et dans l’exil, les
prisonniers combattants mènent
aujourd’hui une lutte qui s’inscrit
dans l’histoire du mouvement des
prisonniers et dans l’histoire de la
résistance palestinienne. Cependant,
depuis la division
inter-palestinienne en 2007, le
mouvement national des prisonniers a
subi le contre-coup de cette
division et il est devenu
extrêmement difficile pour les
prisonniers de s’unir et de mener
une lutte générale de longue durée.
Ils sont aujourd’hui 14 prisonniers
à mener la lutte de la grève
illimitée de la faim : outre les
quatre résistants, Mona Qaadane,
prisonnière sœur de Tareq Qaadane,
maintes fois arrêtée et détenue, et
libérée lors de l’accord d’échange,
Maher Younes, doyen des prisonniers
palestiniens, originaire des
territoires occupés en 1948, a
entamé la grève illimitée de la faim
à partir du 25 février. Ayman Saqr,
Umar Ayoub, Sufyan Rabi’, Hazem
Tawil, Younes Haroub, Ibrahim Khalil
Ali Sheikh (détenu depuis le 31 mai
2012), Mohammad Ahmad Najjar (détenu
depuis le 30 octobre 2012) et
Abdallah Mohammad Hadiya (détenu
depuis le 24/12/2012) refusent leur
détention « administrative ».
A la demande de la mère de Samer
Issawi et de Samer Issawi lui-même,
sheikh Khodr Adnane a cessé la grève
de la faim qu’il avait commencée
dans les locaux du CICR, d’autant
plus que sa présence devant la
prison de Ofer, dans la ville
d’al-Khalil ou ailleurs en
Cisjordanie, a largement contribué à
développer le mouvement de la
solidarité populaire avec les
prisonniers. Cependant, le
prisonnier libéré Thaer Halahla, qui
avait mené la grève de la faim et
obligé l’Etat de l’occupation à
prononcer sa libération, a entamé la
grève de la faim dans sa ville
al-Khalil, en solidarité avec les
prisonniers en lutte.
Le tribunal de l’occupation a refusé
l’appel présenté par l’avocat du
prisonnier « administratif » Ayed
Mohammad Doudeen (46 ans) de Doura,
dans la province d’al-Khalil.
Doudeen est détenu depuis un an et
demi sans charge autre que des «
éléments secrets » fournis par les
services de renseignements
sionistes. Le prisonnier Doudeen a
été détenu pendant 8 ans en
détention « administrative ». Sa
dernière arrestation a eu lieu le 9
août 2011, deux mois après avoir été
libéré. Le Shabak prétend que
Doudeen est un des principaux
dirigants de la résistance dans la
ville d’al-Khalil.
2 – Statistiques
Plusieurs prisonniers libérés lors
de l’accord d’échange en octobre
2010 ont à nouveau été arrêtés :
outre Ayman Sharawneh (Hamas), Samer
Issawi (FDLP), Mona Qaadane (Jihad
islamique), Iyad Funoun de
Bethlehem, Ali Jumaa (al-Khalil),
Ibrahim Abu Hajleh (FDLP), Youssef
Ishtiwi (Qalqylia), Ayman Abou Daoud
(al-Khalil), Mohammad Jumaa Teem (Nablus)
et Abdel Rahman Dahbour (Qalqilya)
ont été arrêtés et mis en détention
« administrative ». Les autorités
sionistes discutent de leur
emprisonnement selon les charges qui
avaient été retenues contre eux,
c’est-à-dire la résistance à
l’occupation, avant leur libération.
Mohammad Teem et Youssef Ishtiwi ont
déjà été condamnés à la poursuite de
leurs anciennes condamnations.
203 résistants faits prisonniers
sont décédés dans les prisons de
l’occupation depuis 1967, à cause de
la torture, de la négligence
médicale ou de l’assassinat. 71
résistants sont tombés martyrs du
fait de la torture, 51 résistants du
fait de la négligence médicale, 74
résistants furent assassinés de
sang-froid après leur arrestation et
7 résistants furent tués par les
forces sécuritaires à l’intérieur
des prisons. 7 résistants
prisonniers furent assassinés dans
la prison de Meggido.
Ayant rompu l’accord d’octobre 2010,
les autorités de l’occupation
continuent à isoler plusieurs
dirigeants résistants : Darrar Abou
Sissi, Samer Abou Kweik, Tamer
Rimawi, Awad Qa’idi et Imad Serhan.
3 – Enlèvement et emprisonnement
d’un caricaturiste
Le célèbre caricaturiste
palestinien, Mohammad Sabaane (34
ans), a été arrêté par les forces de
l’occupation le 16 février dernier
alors qu’il revenait de Jordanie.
Sabaane a été transféré à la prison
de Ascalan le 25 février. Le 28
février, sa détention a été
renouvelée de 8 jours.Son frère a
affirmé que la famille n’avait
aucune nouvelle de Mohammad car les
avocats ont été empêchés de le voir.
Mohammad Sabaane a reçu plusieurs
prix palestiniens et arabes pour ses
caricatures qui traitent de
l’occupation et de la situation
interne palestinienne.
4 – Libération
Ayman Shaath de la bande de Gaza a
été libéré après 20 ans
d’emprisonnement dans les prisons
sionistes. Ayman faisait partie de
la branche armée du Fateh, au temps
de la première Intifada en 1987. Il
fut arrêté à l’âge de 16 ans, avec
son frère Ameen (15 ans), qui a été
libéré après 12 ans
d’emprisonnement. Ils furent accusés
d’avoir tué un officier sioniste et
furent condamnés à la perpétuité.
Mais à cause de leur jeune âge, la
peine fut allégée à 12 et 20 ans de
prison.
5 - Lettre de prison
De la prison de Gilboa, Maher
Younes, un des plus anciens
prisonniers palestiniens (son cousin
Karim Younes étant le doyen) et
détenu depuis 1983, a transmis une
lettre adressée au peuple
palestinien, à sa direction
politique, annonçant qu’il entame la
grève de la faim.
« Aux masses de notre peuple
héroïque palestinien, aux
dirigeants, cadres et membres des
organisations nationales et
islamiques, aux membres du comité
exécutif de l’OLP, au président de
l’Etat de Palestine, à son chef de
gouvernement et à notre gouvernement
unifié, aux membres du comité de
suivi arabe dans l’intérieur
palestinien (territoires occupés en
1948), au secrétaire général de la
Ligue des Etats arabes, à tous les
Etats membres, à tous les amis du
peuple palestinien et aux êtres
libres de ce monde, je vous transmet
le salut de la liberté.Normal"
Je m’adresse à vous de cette sombre cellule
où l’occupation a avalé plus de 30 ans de ma vie…
Est-il possible que je ne puisse toucher ou embrasser
les mains de ma mère depuis plus de trois décennies,
alors qu’elle se trouve à la distance d’un baiser !
Et mon père qui fut enterré sans que je lui dise adieu !
et ma famille qui s’agrandit et s’élargit, sans que
je ne la connaisse ! Et la femme à la volonté de fer,
l’amie et l’épouse qui n’a pas dépassé les limites de la
pensée abstraite dans mon esprit ! Il est vrai que j’ai
sacrifié (ma vie) et je crois toujours au sacrifice
en faveur de la chère Palestine. Mais comment un
combattant comme moi et comment des centaines d’autres
que moi ont été abandonnés entre les mains de l’occupant,
alors que ce qui s’appelle le processus de paix se
déroule au-dessus de nos âmes et de nos vies depuis
plus de 20 ans ? Comment nos dirigeants vivent leur
vie ordinaire alors que nous n’avons pas de vie pendant
tout ce temps, et sans qu’ils agissent pour nous libérer par tous
les moyens possibles ? Afin que j’allume l’espoir dans la vie qui me reste,
à moi et mes frères et camarades, que je mette toutes les parties
palestiniennes et internationales face à leurs responsabilités
humaines, que je dénonce les pratiques répressives et racistes
de l’occupation envers nous-mêmes, et que je poursuive le
chemin difficile de ceux qui l’ont emprunté avant moi, je me
remets à Dieu et à mon cher peuple palestinien, j’ai décidé
de mener la grève illimitée de la faim, à partir du
25 février 2013, pour les motifs suivants :
1 – pour la liberté des prisonniers,
sans distinction entre eux, et les
anciens prisonniers avant tout.
2 – Israël est un Etat d’apartheid à
tous les niveaux (politique,
juridique, législatif, civil,
etc..), la preuve étant notre
présence en prison toutes ces
années. Bien qu’il n’y ait aucune
comparaison entre la victime et le
bourreau, je ferai cette remarque :
les juifs qui ont assassiné des
Palestiniens, sur des bases
nationales, et qui ont été condamnés
à la perpétuité, ont été libérés
après 7 ans de détention….
3 – J’appelle mon peuple dans
l’intérieur palestinien a agir et à
participer au mouvement qui se
déroule en Cisjordanie et dans al-Quds.
4 – J’appelle notre peuple à
organiser un grand rassemblement
populaire à Ramallah le jour de la
visite du président américain Obama
afin d’exposer la situation des
prisonniers. Soyez présents dans la
tente de la protestation face au
siège de l’ONU à Ramallah et
faites-lui porter la responsabilité
de la protection de nos droits
fondamentaux après que l’Etat de
Palestine ait été reconnu.
Chères sœurs, chers frères
Je vous promets d’être fidèle à tous
les principes et les valeurs
révolutionnaires par lesquelles nous
avons été éduqués, jusqu’à ce que
nous nous retrouvions libres sous le
ciel de la liberté dans al-Quds
libérée.
…
Maher Abdel Latif Younes
25 Février 2013 – Prison centrale de Gilboa. »
6 – Solidarité
Le peuple palestinien résiste à
l’occupation. Avant même le martyre
de Arafat Jaradat, assassiné dans la
prison de Meggido, les
manifestations devant les prisons de
Ofer, de Hawwara et de Ascalan ont
rassemblé des centaines de
Palestiniens en colère réclamant la
libération des prisonniers en lutte
pour la dignité, sans compter les
centaines de manifestants dans les
villes de Cisjordanie, et notamment
dans la ville d’al-Quds, et plus
précisément à al-Issawiya.
Le martyre de Arafat Jaradat a
élargi le mouvement de protestation.
Dans la ville d’al-Khalil et sa
région, lieu d’origine du martyr,
les Palestiniens sont entrés en
confrontation avec les soldats de
l’occupation, la veille de la remise
de sa noble dépouille et le jour de
son enterrement. A Ramallah comme
toutes les agglomérations, ce fut un
soulèvement généralisé, de sorte que
les forces de l’occupation ont parlé
de « troisième intifada » qui
commençait. L’attitude de l’Autorité
palestinienne de Ramallah et
notamment du président Mahmoud Abbas
fut d’accuser les sionistes de
provoquer les Palestiniens, comme si
l’occupation en soi n’était pas une
raison pour se soulever et lutter,
comme si les barrages, les
arrestations quotidiennes, le vol
des terres et les crimes des colons
contre « la pierre et l’humain »
n’étaient pas des provocations !
Mais la logique de l’Autorité
Palestinienne de Ramallah n’est
certainement pas celle du peuple ni
des résistants.
De nombreux commentateurs discutent
de la « nouvelle intifada »,
comparant ce qui se passe
aujourd’hui en Cisjordanie aux
précédents soulèvements. Certains
mettent en avant son caractère «
non-violent », d’autres parlent de
spontanéité de la « rue » et
l’absence des organisations de la
résistance, certains la craignent,
évoquant la « violence », d’autres
la souhaitent et appelent à une
large mobilisation populaire contre
l’occupation. Cependant, les
organisations de la résistance sont
présentes dans le mouvement et les
multiples actions réclamant la
libération des prisonniers sont en
majorité menées par ces
organisations.
Dans plusieurs capitales et villes
américaines et européennes, avant et
après l’assassinat du martyr Jaradat,
plusieurs manifestations ont eu lieu
réclamant l’abolition de la
détention « administrative » et la
libération des prisonniers
palestiniens. Les manifestants ont
affirmé leur solidarité avec le
héros Samer Issawi, dont la grève de
la faim a dépassé les 220 jours. Des
centaines d’articles sont parus dans
la presse arabe et internationale,
pour rendre hommage à ce nouvel
héros palestinien, soulignant
parfois que le peuple palestinien
n’a pas fini d’étonner le monde par
ses formes de lutte et son courage.
Les camps palestiniens au Liban ont
décidé une grève générale dans les
camps en soutien aux prisonniers
palestiniens et pour protester
contre la torture ayant entraîné le
martyre de Arafat Jara dat. Devant
le siège de l’ESCWA, un
rassemblement unitaire palestinien a
eu lieu le 28 février.
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