Opinion
La colère des
réfugiés palestiniens contre l'UNRWA
Rim
al-Khatib
Lundi 23 septembre 2013
La tragédie des
réfugiés palestiniens du camp de
Nahr el-Bared, au nord du Liban,
n’est pas terminée. Le dossier de
cette blessure ouverte n’en finit
pas de s’étoffer, dans un pays en
crise. La dernière décision de
l’UNRWA fut de considérer que le
camp de Nahr el-Bared n’est plus en
situation d’urgence, prétextant une
autre tragédie, celle des réfugiés
palestiniens des camps situés en
Syrie et le manque de finances, pour
assumer son rôle dans les deux cas.
La population
réfugiée du camp de Nahr el-Bared
s’es révoltée. Depuis 5 jours, elle
tient un rassemblement devant le
siège de l’UNRWA à Beirut, réclamant
le maintien de la situation
d’urgence dans le camp, qui signifie
par ailleurs que l’UNRWA devrait
aider les familles de Nahr el-Bared
à assurer les soins médicaux, les
études et reconstruire les
logements. Les familles
palestiniennes de Nahr el-Bared ne
sont pas responsables de la crise
financière de l’UNRWA, ni de la
corruption de son bureau, ni des
malversations financières qui ont
retardé cette reconstruction,
affirment les réfugiés.
L’UNRWA, qui prend
prétexte du lourd dossier des camps
palestiniens en Syrie, n’a que très
peu assuré son rôle dans la
reconstruction du camp de Nahr –el-Bared,
et assume d’ailleurs à peine le sien
par rapport aux réfugiés
palestiniens venant de Syrie. La
décision est ailleurs, et est
surtout politique, comme l’affirment
les organisations de la résistance
palestinienne au Liban mais aussi
les comités populaires des camps.
Car il est notoire que depuis
quelques années, l’UNRWA essaie de
se débarrasser de ses tâches pour
lesquelles elle fut fondée par
l’ONU, sous le prétexte de problèmes
financiers, au profit des
organisations internationales ou des
Etats et de l’Autorité
palestinienne, comme le souhaitent
depuis les accords d’Oslo les
Etats-Unis, le Canada et l’Etat
sioniste.
Avant même leur
protestation et rassemblement
permanent à Beirut, les jeunes du
camp avaient fermé les écoles de
l’UNRWA, dans les camps de Beddawi
et de Nahr el-Bared, pour obliger
l’UNRWA à écouter leurs
revendications. Mais l’obstination
de l’UNRWA et son manque d’écoute
ont obligé la population de Nahr al-Bared
à aller plus loin. Elle « campe » à
présent devant le siège de l’agence
de l’ONU.
Au Liban, le camp de
Nahr el-Bared fut détruit par
l’armée libanaise, en mai 2008, qui
avait demandé à la population
palestinienne de le déserter, pour
qu’elle puisse bombarder sans
hésitation ses quartiers et ses
maisons, afin de liquider le groupe
armé de Fateh el-Islam, qui s’y
était installé. Le camp fut bombardé
et détruit, mais les principaux
responsables du Fateh al-Islam en
sont sortis indemnes et ont pu
regagner leurs pays, avec la
connivence de groupes politiques et
sécuritaires libanais. Le chef de
l’armée ayant donné l’ordre de la
destruction, aujourd’hui président
de la République, Michel Sulayman,
mais aussi le gouvernement de
Sanioura, qui avait assuré la
couverture politique d’une telle
destruction, avaient assuré que le
camp serait reconstruit, et que sa
population reviendrait. Mais ce
n’était que du vent, car depuis
2008, tous les motifs ont été
invoqués pour que la reconstruction
se ne réalise pas, ou se réalise à
moitié : la pseudo découverte d’un
site archéologique, la volonté
d’installer une base militaire à
côté, des plans pour disperser les
réfugiés, ou pour les expulser vers
des pays européens. En réalité,
c’est l’attente d’un règlement
international qui liquiderait la
cause des réfugiés et leur retour en
Palestine qui bloque toute décision
politique. Mais ce qui pèse surtout,
dans la situation libanaise, c’est
que les Palestiniens sont non
seulement victimes, mais ils sont
jugés responsables, et le fait de
réclamer le retour au camp devient
suspect aux yeux de certaines forces
politiques, toutes tendances
confondues, les réfugiés
palestiniens étant accusés de
vouloir s’installer au Liban. Alors
que depuis 1948, lorsque des plans
d’installation des réfugiés ont été
acceptés, ils l’ont été par des
forces ou des personnalités
politiques libanaises, qui avaient
décidé de participer à la
liquidation de la cause
palestinienne, mais jamais par les
Palestiniens.
En riposte à la
récente décision de l’UNRWA, les
organisations palestiniennes ont
envoyé un message à la directrice
générale de l’UNRWA au Liban, Anne
Dismorr, lui demandant de maintenir
le plan d’urgence pour le camp Nahr
el-Bared, car sa suppression aura de
graves répercussions sur tous les
autres camps au Liban. « Nous
réclamons le maintien du plan
d’urgence d’ensemble, consistant à
secourir, à soigner et à loger les
habitants du camp, et à activer le
processus de reconstruction, qui a
été retardé du fait de la corruption
existante dans le dossier de la
reconstruction, et d’assurer les
finances nécessaires pour poursuivre
cette reconstruction, d’autant plus
que le camp est toujours considéré
comme une zone militaire fermée, par
décision du gouvernement libanais,
et nous refusons la partition du
plan d’urgence.
« Nos
familles dans le camp de Nahr el-Bared
vivent une situation tragique
indescriptible, il y a des cas qui
frôlent la mort, la situation
économique est catastrophique, à
cause de la suppression de la
situation d’urgence. Pour nos
familles, l’UNRWA est devenue la
principale cause de la souffrance de
notre peuple, alors qu’elle devrait
soulager cette souffrance. »
Ce message a été
délivré au siège de l’UNRWA, il y a
quelques jours, mais l’UNRWA refuse
de donner une réponse. Les réfugiés
de Nahr al-Bared ont décidé de
demeurer sur place tant que Mme
Dismorr ne vient pas dialoguer,
puisque la décision de supprimer la
situation d’urgence a été prise
unilatéralement en juillet dernier.
Ils sont soutenus par les
organisations palestiniennes sur
place, qui ont envoyé des délégués,
et les responsables de ces
organisations viennent également
assister et participer au sit-in.
Malgré les légères pluies qui ont
commencé à tomber sur Beirut, les
Palestiniens de Nahr el-Bared
tiennent bon. Durant ces cinq jours,
ils ont reçu la visite de plusieurs
délégations en solidarité avec leur
mouvement et leur démarche est
largement approuvée par l’ensemble
des réfugiés, comme peuvent le
constater ceux qui suivent les
médias palestiniens électroniques.
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